La nouvelle fracture territoriale selon Laurent Davezies

Publié le par Alexandre Anizy

 

Dans les années 80, il était de bon ton de parler de la "France exposée" et de la "France protégée". Grâce à une recherche pointue sur les statistiques, Laurent Davezies remet ça au goût du jour en détaillant une nouvelle fracture territoriale dans un livre : La crise qui vient(Seuil – République des Idées, octobre 2012, 112 pages, 11,80 €)

 

« Quatre France prennent forme sous nos yeux :

  • une France productive, marchande et dynamique, concentrée dans les plus grandes villes, où se forgent les nouveaux atouts de la compétitivité du pays (36 % de la population) ;

  • une France non productive, non marchande et pourtant dynamique, située à l'ouest d'une ligne Cherbourg-Nice, qui vit d'une combinaison de tourisme, de retraites et de salaires publics (44 % de la population) ;

  • une France productive, marchande et en difficulté, composée de bassins industriels déprimés, principalement dans la moitié nord du pays, dont le déclin semble difficile à enrayer (8 % de la population) ;

  • une France non productive, non marchande et en difficulté, située également dans le nord-est du pays et faite de territoires si frappés par le déclin industriel qu'ils dépendent essentiellement des injections de revenus sociaux (12 % de la population). » (p.8)

 

On le voit : la segmentation est beaucoup plus élaborée que celle d'autrefois, et le travail fouillé réserve des surprises quant à la résistance aux crises. Nous remercions l'auteur de ne pas avoir édulcoré, enjolivé les perspectives noires pour certains segments. C'est un ouvrage sérieux que tout homme politique digne de ce titre doit avoir en tête lorsqu'il préconise une politique économique pour le pays.

« L'univers dans lequel nous entrons aujourd'hui a besoin de nouveaux arbitrages publics entre croissance, développement social et cohésion territoriale. » (p.15)

 

 

Pour le constat, l'analyse des statistiques, Laurent Davezies est objectif. Pour les pistes de transformation du paysage socio-économique territorial, ça coince gravement du côté de l'exposé puisque seule la théorie dominante a droit de cité dans la discussion : la preuve en page 79.

« Que ce soit dans l'euro, ce qui exige des ajustements structurels immédiats, ou hors de l'euro, par le biais d'une dévaluation qui favoriserait à court terme les exportations, il faut améliorer la compétitivité du pays et renouer avec des taux de croissance durables. »

Dans le paragraphe suivant, en 8 lignes, l'auteur souligne les difficultés des mesures d'austérité pour atteindre leurs objectifs [pour notre part, nous aurions mis en évidence l'incohérence économique et l'inefficacité sur le terrain – voir les résultats au Portugal, en Espagne, en Grèce …]. Puis il assène son verdict sans discussion :

« Il ne nous reste donc que la voie de l'ajustement structurel aux conditions actuelles de l'économie européenne et mondiale. »

Ce raccourci péremptoire (le "donc"fait sourire) entame l'estime que nous commencions à porter à cet universitaire.

 

 

Il est vrai que dans une collection dirigée par Pierre Rosenvallon, il n'y a pas de place pour l'honnêteté intellectuelle, un luxe qu'il ne s'autorise pas dans son combat idéologique.

 

 

Alexandre Anizy