La PpL des banques selon Edwin Le Héron (IX)

Publié le par Alexandre Anizy

Suite des notes

http://www.alexandreanizy.com/article-la-preference-pour-la-liquidite-des-banques-selon-edwin-le-heron-i--40533959.html 

http://www.alexandreanizy.com/article-edwin-le-heron-la-ppl-des-banques-ii--40827957.html

http://www.alexandreanizy.com/article-preference-pour-la-liquidite-des-banques-selon-edwin-le-heron-iii--40958203.html 

http://www.alexandreanizy.com/article-ppl-des-banques-selon-edwin-le-heron-iv--41123203.html  

http://www.alexandreanizy.com/article-edwin-le-heron-la-ppl-des-banques-v--41365908.html 

http://www.alexandreanizy.com/article-preference-pour-la-liquidite-des-banques-edwin-le-heron-vi--41572312.html 

http://www.alexandreanizy.com/article-edwin-le-heron-ppl-des-banques-vii--41685048.html

http://www.alexandreanizy.com/article-edwin-le-heron-la-ppl-des-banques-viii--42280446.html

  

 

Au degré 2: politique monétaire et macroéconomie bancaire 

 

Détermination de l’offre de financement des banques

« Crédit et obligations semblent très proches. Toutefois les obligations étant des actifs de marché, elles ne sont pas à taux unique et intègrent, contrairement au crédit, une prime de risque directement dans le rendement. » (Edwin Le Héron, p.122)

C’est pourquoi, quand le risque du prêteur est important, les banques choisissent plutôt l’obligation mieux rémunérée et plus liquide que le crédit.

 

Concernant les besoins de l’Etat, notamment celui de la France qui n’use que des obligations et des titres du marché monétaire (TCN), « les banques financeront la demande de l’Etat sans limite au taux courant rBB (horizontalisme pur). »

Pour obtenir le montant global du financement bancaire par obligations et TCN, il faut ajouter le montant acheté aux entreprises à celui de l’Etat.

 

Concernant les Ménages, la création monétaire correspond :

  • soit à une « mise en liquidité » de leur richesse accumulée (vente de titres) ;
  • soit à une avance sur leurs revenus futurs (obtention d’un crédit bancaire : garantie importante exigée, taux élevé supérieur à rBB).   

Les banques prennent peu de risque avec les ménages.

 

Concernant le financement des entreprises, élément fondamental dans une économie monétaire de production, celles-ci s’autofinancent d’abord et utilisent ensuite les moyens financiers externes (actions, puis obligations et crédit) en fonction de leur structure de capital. Quant aux banques, elles acceptent ou pas l’offre de titres des entreprises sur le marché financier, en fonction de leur critère de rendement, de risque et de structure de bilan ; pour le crédit, elles étudient les paris productifs : « L’offre de crédit effective se trouve à la rencontre du risque marginal de l’emprunteur et de l’offre de financement des banques. » (ELH, p.124 ; voir le graphique « financement des entreprises par les banques (hors politique monétaire) »)

 

En situation de concurrence, « leur besoin de liquidité bancaire n’est pas réduit à celui imposé par la banque centrale (réserves obligatoires) ou par l’utilisation par les ANF de monnaie ultime (billets). », car il existe au niveau microéconomique des déséquilibres intermittents entre les contreparties et la monnaie créée par chaque banque : « Ce n’est pas la croissance monétaire en soi qui pose des problèmes de liquidité aux banques mais leurs taux de croissance respectifs comparé au taux de croissance moyen du système. (…) La préférence pour la liquidité des banques augmente nécessairement avec la divergence des taux de croissance. » (ELH, p.225)

 

Politique monétaire et financement

Edwin Le Héron réintègre maintenant dans son analyse la politique monétaire de la banque centrale (BC), dans une approche restrictive. On a alors une hausse du taux du marché monétaire rMM, qui engendre une hausse du taux de base bancaire rBB se propageant à la courbe des obligations rO ; inéluctablement, les actifs comportant des risques suivent la tendance et on a une augmentation du rendement des actions rD qui sera due, toutes choses égales par ailleurs, à une baisse des prix des actions. A court terme, cette baisse constitue des moins-values, et par conséquent une chute des rendements anticipés rD*.

« Dès lors, une augmentation de rMM dans un marché spéculatif peut entraîner une déstabilisation et une crise des marchés financiers jusqu’à provoquer éventuellement une crise de solvabilité du système bancaire par le dégonflement rapide de son actif (actions essentiellement), et la baisse de la valeur des garanties (collatéraux), ce qui entraînera à son tour une hausse du risque du prêteur et un resserrement du financement de l’économie. » (ELH, p.126)   

Marché spéculatif : ELH définit le marché spéculatif comme étant celui où la plus-value anticipée est la part dominante du rendement anticipé des actions ;

Marché d’entreprise : ELH définit le marché d’entreprise comme étant celui où le dividende est la part dominante du rendement anticipé des actions (dans ce cas de figure, le marché financier sert réellement à évaluer le capital).

 

Avec ELH, on voit donc que les mesures qui veulent assurer sécurité et liquidité du financement s’opposent au dynamisme des entrepreneurs et par conséquent à la croissance.

« En simplifiant, nous pouvons dire que plus la situation sera calme (politique monétaire accommodante, croissance et profits élevés, endettement faible, PpL faible des entreprises et des banques), plus nous nous rapprocherons du cas horizontaliste. Par contre, plus la situation sera « mouvementée », plus le comportement bancaire aura une influence sur la production et l’économie en général. » (ELH, p.126)

 

Nous en avons un bon exemple depuis août 2007.

 

 

Pour conclure, résumons les 3 éléments nouveaux que l’analyse d’Edwin Le Héron apporte par rapport à la théorie de la monnaie endogène.

L’offre de monnaie, endogène comme la demande grâce à l’intégration des « esprits animaux » des banques, ne colle plus automatiquement à la demande des agents non financiers (i.e. une distinction par rapport à l’horizontalisme pur) ; le rationnement de la demande effective est alors le fruit de la préférence pour la liquidité des banques, ce qui signifie que les banques aussi peuvent imposer une contrainte monétaire. Le caractère monétaire de l’économie de production keynésienne sort renforcée de l’analyse d’Edwin Le Héron.

Le taux d’intérêt des banques n’est plus seulement conventionnel et exogène : il devient prix de production de la monnaie, dépendant de la concurrence des banques et de leurs structures de bilan.

L’intégration de la préférence pour la liquidité des banques oblige à la prise en compte des actifs et des marchés financiers, i.e. à la dimension « stock » chère aux keynésiens traditionnels qui font florès.  

 

 

Alexandre Anizy

 

Rappel : « La préférence pour la liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire » est la contribution d’Edwin Le Héron au numéro des Cahiers lillois d’économie et de sociologie titré « Monnaie et taux d’intérêt en analyse keynésienne »  (L’Harmattan, septembre 2002, 182 pages, 16 €).