La servante et le catcheur d' Horacio Castellanos Moya
« Si tu vas à San Salvador,
Va voir la femme
Qui sait lire dans les yeux du sort... »
Bernard Lavilliers chantait un lieu paradisiaque... tandis qu' Horacio Castellanos Moya raconte dans son dernier roman (La servante et le catcheur, éditions Métailié, 2013, disponible en livrel) une ville où les hommes crèvent de trouille dès qu'ils mettent le nez dehors : le Salvador des escadrons de la mort n'était pas une villégiature.
Dans ce polar noir, personne n'est innocent : la servante qui fut violée par un fils du maître qu'elle respecte ne le dénoncera pas, sa fille "de père inconnu" se fera aussi engrosser et élèvera seule son fils en travaillant dur pour lui offrir l'université et espérer un logis décent, mais finira canarder par son rejeton dans un attentat... Le personnage central incarne la putréfaction d'un pays sous une dictature militaire : un catcheur célèbre devenu flic tortionnaire, qui crache ses boyaux tout au long de sa dernière opération avant de prendre des bastos...
Dans son article paru dans le Monde (janvier 2013), si Virginie Despentes dépeint correctement l'ambiance : « Tous les personnages avancent avec un sac opaque sur la tête et, quelles que soient leurs fonctions, mentent et vivent dans la terreur qu'on apprenne ce qu'ils cachent. », elle s'égare quand elle affirme que la servante est « l'alter ego » du catcheur, car si personne n'est innocent, les gens ne sont pas indifférenciés pour autant.
Pour nous tenir dans ce monde carcéral durant le temps de l'enlèvement, Horacio Castellanos Moya a fortement privilégié la forme dialoguée, ce qui confère au texte une puissance émotionnelle. Mais, au bout du compte, il en diminue la portée, puisqu'il donne à voir « une réalité absurde et brutale, où toute idée de politique est remplacée par la notion d'ultra-violence » (V. Despentes, idem), ce qui nous dérange.
Alexandre Anizy
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