La vie idéale de Charles Cros
Parfois la misère qui sévit de par notre monde, les guerres faussement humanitaires dans les contrées africaines, et ailleurs, la violence économique que les forces économiques dominantes imposent sur le vieux continent, la non-culpabilité permanente des grands responsables lorsqu'ils lâchent la rampe (quand ils renoncent au pouvoir, ce qui est rare...), pèsent sur vous comme un couvercle noir.
Dans ces moments-là, la douce mélancolie d'un poète comme Charles Cros nous semble opportune.
La vie idéale
Une salle avec du feu, des bougies,
Des soupers toujours servis, des guitares,
Des fleurets, des fleurs, tous les tabacs rares,
Où l'on causerait pourtant sans orgies.
Au printemps lilas, roses et muguets,
En été jasmins, œillets et tilleuls
Rempliraient la nuit du grand parc où, seuls
Parfois, les rêveurs fuiraient les bruits gais.
Les hommes seraient tous de bonne race,
Dompteurs familiers des Muses hautaines,
Et les femmes, sans cancans et sans haines,
Illumineraient les soirs de leur grâce.
Et l'on songerait, parmi ces parfums
De bras, d'éventails, de fleurs, de peignoirs,
De fins cheveux blonds, de lourds cheveux noirs,
Aux pays lointains, aux siècles défunts.
Charles Cros, Le coffret de santal.