Le sang noir de Louis Guilloux
En 1935, Louis Guilloux publie le sang noir (Gallimard, livrel de 485 pages), dans lequel il met toute sa rage contre l'injustice du monde et la bêtise des hommes, ce qui fera dire à Aragon que « Cripure¹ est nécessaire à la pleine compréhension de l'homme de ce temps-ci comme Don Quichotte à celui de jadis ». A travers ce prisme, d'aucuns voient dans Cripure un autre Bardamu.
« Et dans cette époque où ils n'avaient que cet amour-là aux lèvres, où du matin au soir il n'était question que de la France, Cripure, seul, ne pouvait pas parler de la France et il en souffrait, rejeté ici comme ailleurs à sa solitude ou à sa comédie. Car il fallait bien faire semblant d'aimer la France à leur manière. Il y aurait eu trop de danger à ne pas le faire. Et même – ceci était un souvenir plus que pénible – il avait forcé la note, une fois. Il s'était montré une fois plus chauvin qu'eux tous réunis. » (p.123)
On a ici "une fois" en trop … et l'émotion en moins, comme tout au long du roman.
Bardamu... ce n'est donc pas notre avis. Si nous apprécions les portraits au vitriol de certains personnages, nous en déplorons le foisonnement, qui place le lecteur sur un paquebot ingouvernable dans une mer encalminée. Entre les savoureuses pages impertinentes, combien de tunnels soporifiques ?
Alexandre Anizy
(¹) : le surnom du personnage-clé du roman