Le talent de Meša Selimović
Cet automne, l'avalanche habituelle des nouveautés n'aura pas permis l'émergence d'un nouvel auteur prometteur. C'est pourquoi nous vous invitons à lire Le derviche et la mort de Meša Selimović (Gallimard, collection l'imaginaire, avril 2012, 380 pages ; nous soulignons le travail remarquable des traductrices Mauricette Begić et Simone Meuris).
Pour vous ouvrir l'appétit, un extrait pris quasiment au hasard :
« On juge l'homme d'après ses actes, non d'après ses pensées. Mais une fois la lourde porte de chêne refermée, quand, le loquet tiré, je me retrouvai dans la sécurité du jardin de la tekké, contrairement à toute attente, à toute logique puisque ce monde familier me protégeait, l'angoisse soudain s'empara de moi, presque sans aucune transition, comme si, par le fait d'ouvrir et de refermer la porte, de tirer le loquet, de vérifier qu'il était bien logé dans son berceau de bois, j'avais laissé échapper la pensée qui nourrissait mon élan. (...) La pensée humaine, je ne le compris que bien plus tard, est une vague instable, que soulève ou apaise le vent capricieux de la peur ou du désir. » (p.138 et 139)
Quelle précision, quel rythme ! En un mot : quel style !
Alexandre Anizy