Max Stirner, post-chrétien selon Michel Onfray

Publié le par Alexandre Anizy

 

Concernant tous les dogmatismes en vogue à la fin du siècle dernier, notamment ce que Husserl nomme les "contre-philosophies" (die Unphilosophien, i.e. le nazisme et le stalinisme), nous considérons aujourd'hui que nous devons notre immunisation à Max Stirner. Lorsque nous vîmes que Michel Onfray le passait sur son enclume dans le tome 6 de sa contre-histoire de la philosophie (« les radicalités existentielles », Grasset, février 2009, 400 pages, 20,90 € ; pour Stirner, des pages 295 à 348), nous décidâmes de confronter son analyse à nos souvenirs de lecture, malgré nos réserves à l'encontre du philosophe hyper-médiatique.

 

« L'unique et sa propriété », LE livre de Max Stirner, est un cri d'opposition radicale à la religion, à la politique, à la société, à la morale, à l'éthique, bref à tout ce qui peut entraver l'expansion du Moi. C'est pourquoi on le présente couramment, quand on ose aborder ce penseur réfractaire aux académismes, d'abord comme le théoricien de l'anarchisme individualiste (d'aucuns parlent de l'associationnisme de Stirner), mais aussi comme un précurseur de l'existentialisme, ou comme l'inspirateur du Nietzsche de « par-delà le bien et le mal ».

 

« Mais si l'on veut élargir les perspectives et éviter le prélèvement intéressé, on peut aussi inscrire la pensée, l’œuvre et la figure de Stirner dans la logique du combat anti-hégélien. » (p.306)

« L'Unique et sa propriété peut être lu comme un anti - Principes de la philosophie du droit de Hegel. » (p.308)

Force est de constater que Michel Onfray a ravivé nos souvenirs, a aiguisé notre lecture, car son approche est pertinente.

« L'hégélianisme produit au XIXe siècle un effet magnétique sur la totalité des penseurs (…) A cette époque, l'enfumage conceptuel pratiqué par tel ou tel philosophe impressionne, tétanise et terrorise (...) » (p.306-307)

Sûr que les professionnels de la philosophie vont hurler au simplisme quand on reproduira ce résumé de l'hégélianisme :

« Stirner a bien noté, et c'est l'essentiel, que la pensée de Hegel est luthérienne et n'est que cela – habillée des concepts et des mots de l'idéalisme transcendantal. » (p.308)

Nous laissons à Onfray ses marottes antichrétiennes, qui en l'espèce nous paraissent diablement pertinentes, préférant insister sur la nocivité de la dialectique transcendantale et apologétique, que l'auteur résume bien avec son sens de la formule :

« L'idéalisme hégélien est une grosse machine à produire à satiété des triades, des trios, des trilogies, des trinités et des triptyques. Le désordre du monde (…) artificiellement (…) dans des boîtes systématiques à 3 tiroirs. » (p.308)

Ce que Georges Gurvitch a écrit en termes plus conventionnels (dans « Dialectique et sociologie »)

Stirner pense de façon immanente, pratiquant un nominalisme radical : tout signifiant doit correspondre à un signifié réel dûment constatable.

« Hegel est religieux tout le temps, même en philosophie – surtout en philosophie ; Stirner, un athée en tout. » (p.310)

Mais alors qu'est-ce que l'Unique ?

« L'Unique, c'est l'autre nom du Je d'un Moi qui s'exprime. Il n'y a donc pas un concept d'Unique comme il en existe chez Kierkegaard avec l'Individu, Fichte avec le Moi, Hegel avec la Subjectivité. (…) un Unique se confond avec la réalité de son corps de chair et d'os. Fait-on plus radicalement matérialiste ? Et plus définitivement nominaliste ? » (p.316)

 

S'agissant de Max Stirner, le tamis usuel de Michel Onfray n'est pas rédhibitoire. Mieux pardi ! Il mérite un arrêt, compte tenu « du désordre de la composition et de la confusion des thématiques » dans « l'unique et sa propriété », puisque le philosophe allemand a poussé la coquetterie intellectuelle jusqu'à l'application de SON mot d'ordre, « Je fais ce que Je veux » !

 

 

Alexandre Anizy

 

 

: ceci est d'une certaine manière le prolongement de notre note

http://www.alexandreanizy.com/article-l-illusion-economique-selon-bernard-guerrien-81881634.html

: il nous semble que cet auteur apprécie la philosophie au marteau.

: lire notre note

http://www.alexandreanizy.com/article-a-michel-onfray-travailler-plus-pour-ecrire-moins-52224938.html