Mettre hors d'état de nuire les agences de notation

Publié le par Alexandre Anizy

A travers le cas de l'agent examinateur Moritz Kraemer (Responsable Europe de la notation des pays chez Standard & Poor's), nous avons déjà révélé la logique débile qui justifie les notes de son agence. Voir les articles suivants :

http://www.alexandreanizy.com/article-27525105.html

et

http://www.alexandreanizy.com/article-mauvaise-note-pour-moritz-kraemer-de-standard-poor-s-44167373.html


Aujourd'hui, nous montrons l'incompétence – c'est un euphémisme – des mêmes agences à travers le cas Abacus 2007-AC1, le portefeuille de titres de créances variées (CDO, collaterized debt obligations) qui vaut quelques soucis passagers, car au bout du compte, ils n'écoperont d'aucune sanction puisque toutes les précautions juridiques ont été prises, à la Banque Goldman Sachs.

Rappelons les faits. Le propriétaire d'un fonds spéculatif, John Paulson, qui veut miser en Bourse sur la baisse d'un titre, demande à Goldman Sachs de créer, avec l'aide du cabinet "structureur" ACA Capital, et placer un CDO : ce sera Abacus 2007-AC1, présenté le 26 février 2007. Ce CDO reposait sur 90 titres adossés à des prêts immobiliers dits "subprime" ou "midprime", référencés par un organisme légal, le Cusip, dont les données sont accessibles au milieu financier.

« L'information est disponible, mais chaque titre subprime est rédigé sur 50 à 60 pages et souvent différemment selon les juristes. Il eût fallu mobiliser du personnel adéquat pour éplucher les 5.700 pages du dérivé de dette Abacus. » Rama Cont, directeur du Centre d'ingénierie financière de l'université Columbia.

Si on prend le premier paquet titrisé de la liste Abacus (numéro 00075QAM4), il avait obtenu la note BBB chez Standard & Poors et Fitch, la note Baa2 chez Moody's, soit des notes juste au-dessus du niveau spéculatif. Ceux qui le voulait pouvait découvrir que c'était un actif pourri, puisqu'en février 2007, au moment où Goldman Sachs le présente, il a déjà perdu plus de 76 millions de dollars, soit un niveau extraordinaire d'insolvabilité des emprunteurs (7,05 %) atteint en 6 mois ! Malgré cette performance dans la pourriture, la note BBB ne sera pas modifiée.

Et maintenant le tour de magie de 2 agences de notation (Moody's et Standard & Poor's) : des titres notés BBB ou pire, synthétisés dans Abacus 2007-AC1, obtiendront le fameux AAA, indispensable sésame pour une émission sur le marché. Pourquoi ? C'est un mystère.

Pire ! Selon l'expert, ces dites obligations n'étant en fait que des produits dérivés d'obligations de dettes n'auraient jamais dû être notées !


Rappelons encore que ces mêmes agences de notation accordaient le fameux AAA pour Enron, Freddie Mac, Fannie Mae, à la veille de leurs effondrements.

Et ce sont des zozos de cet acabit qui allument les feux de la spéculation boursière contre la Grèce, le Portugal (1), etc …


Ces agences de notation opaques sont de véritables fléaux, que le gouvernement français devrait sans délai mettre hors d'état de nuire parce que, comme l'affirmait De Gaulle, la politique de la France ne se décide pas à la corbeille … de Marc Ladreit de Lacharrière par exemple (en dernière analyse, le patron de l'agence de notation Fitch).



Alexandre Anizy

 

(1) : l'agence Moody's a déclaré hier qu'il y avait une « très forte probabilité » pour qu'elle dégrade, « d'ici à trois mois », la note du Portugal d'un ou deux crans … suivant ainsi la dégradation de Standard & Poor's d'il y a huit jours. Le feu est ainsi bien entretenu (voir hier la baisse de l'euro sur les marchés, la chute des Bourses).


P-.S. : dans son éditorial du 5 mai, le Monde, dont la situation financière est calamiteuse, défend les agence de notation. Ne chercher aucun rapport évidemment.