Pinar Selek doit rester à la Maison
Nous venions juste de terminer La maison du Bosphore de Pinar Selek (Liana Levi, mars 2013, livrel à 15,99 € - trop cher !), quand nous apprîmes que la Turquie d'Erdogan avait demandé son extradition, une demande incongrue puisque la sociologue a obtenu l'asile politique en France, mais pas irréaliste. Nous avons donc deux bonnes raisons de parler de Pinar Selek.
Dans La maison du Bosphore, l'auteur immerge le lecteur dans Istanbul, racontant la vie d'un quartier où se mêlent les nationalités. Par touches délicates et successives (c'est un roman chorale), elle évoque le passé douloureux de son pays intranquille, depuis si longtemps.
A vrai dire, nous eûmes du mal à rentrer dans l'histoire : disons que les 50 premières pages n'emportaient pas notre adhésion. Mais comme ni l'architectonique de l'ouvrage, ni le style ne nous ont bloqués par la suite, force est de conclure qu'il ne s'agit que d'une mise en route imparfaite ou bien d'une indisponibilité momentanée du lecteur, car au fur et à mesure, nous fûmes séduits par l'œuvre réussie de Pinar Selek.
Concernant l'acharnement judiciaire de l'Etat turc à l'encontre de la sociologue, nous pensons qu'il confirme, ici comme ailleurs, tout en laissant de l'espoir puisque des tribunaux l'ont déjà acquittée à 3 reprises, la thèse de Carl Schmitt : le droit dépend du politique. Est-ce une raison pour la livrer à son pays qui lui veut du mal ? Non, évidemment.
Alors tant qu'elle le voudra, Pinar Selek doit rester chez nous, à la Maison.
Alexandre Anizy