« Penser, c'est dire non », écrivait le philosophe Alain. A notre avis, le journal le Monde ne pense plus depuis belle lurette.
D'aucuns se rassureront en n'imaginant pas un instant, que la presse française puisse être comparable à l'indienne qui est soupçonnée de corruption dans un rapport officiel de son Conseil, dans lequel des journaux comme Dainik Bhaskar, Dainik Jagran, Times of India, Hindustan Times, mais aussi des chaînes de télévision, sont accusés de pratiquer le système de "l'information payée". (« de nombreux témoignages à charge contre eux, quelques évidences, mais aucune trace de flagrant délit », selon un rapporteur, Paranjoy Gyha Thakurta)
Pourtant, nous avons déjà montré le rapport étrange qu'entretient le quotidien vespéral avec la vérité, notamment dans les notes suivantes :
http://www.alexandreanizy.com/article-32988296.html ,
http://www.alexandreanizy.com/article-le-monde-dedouane-sarkozy-avec-bezat-en-petit-telegraphiste-43654663.html .
Prenons aujourd'hui 2 exemples.
Le 20 juin 2009, le Monde publiait quasi entièrement une lettre de la présidence de la République (Christian Frémont, directeur de cabinet) qui contestait l'explosion des frais de l'Elysée relatée dans un article du journal. Ce droit de réponse avait été livré par un coursier de l'Elysée directement au domicile d'Eric Fottorino, le boss, qui le publiait d'autorité …
A l'automne 2009, le même Fottorino sortait un éditorial titré « Débattons », commençant ainsi :
« Plutôt que d'alimenter le vain débat sur l'opportunité du débat, ce qui fera gagner en temps ce qu'on perdra en polémique, il nous paraît plus utile d'aller d'emblée au fond de l'affaire : quels sont les traits de l'identité nationale ? »
Jeter un caillou (le « vain débat sur l'opportunité du débat ») dans l'engrenage planifié du ministre Eric Besson, ce ne serait ni utile ni convenable, n'est-ce pas ?
Et puis en février 2010, comme le battage médiatique du pauvre Besson partait en eau de boudin et qu'il le comprenait lui-même, quelques heures avant l'émission d'Arte le Monde enterrait le débat sur l'identité nationale dans un éditorial :
« En liant ouvertement identité nationale et immigration, ce débat était engagé sur des bases trop scabreuses pour être acceptable. »
Doit-on en conclure qu'Eric Fottorino est un journaliste minable, incapable de voir « les bases trop scabreuses » de la propagande gouvernementale ? Non.
Le problème du Monde réside dans sa propension à suivre l'agenda des dominants, voire à participer sans distanciation à leurs plans de campagnes.
Faut-il rappeler que le quotidien vespéral fut surveillé par Alain Minc, le conseiller du soir du président ubiquiste Sarkozy de Nagy Bocsa, et que le patron actuel doit notamment sa carrière au triumvirat Minc – Colombani – Plenel ?
Le directeur du Monde Eric Fottorino doit peut-être se dire comme le rédacteur en chef du célèbre reporter Jack London :
« Nous voulons la vérité, mais ce doit être une vérité atténuée, une vérité diluée, une vérité insipide, inoffensive, une vérité conventionnelle, une vérité élaguée. » (p.29) (1).
Alexandre Anizy
(1) : « quiconque nourrit un homme est son maître », éditions du Sonneur, mars 2009, 43 pages, 5 €.