Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

notes culturelles

Le dernier Grisham pour la plage ?

Publié le par Alexandre Anizy

            Grisaille au Touquet, soleil de Camino Island ?

 

 

            C'était la Pentecôte, le président était absent (pauvres badauds de l'avenue St Jean), et nous étions dépourvus. A la maison de la presse, la couverture du dernier Grisham (Livre de poche), Le cas Fitzgerald, faisait rêver...

            Incontestablement, en visant la simplicité l'auteur a progressé, contrairement au résident notoire. Mais ce n'est pas suffisant.

 

 

Alexandre Anizy

 

Ernest père de Jean-Marie Borzeix aimait les arbres

Publié le par Alexandre Anizy

            C'est un petit livre, mais il touche son but.

 

 

            Pour laisser une trace, Jean-Marie Borzeix a évoqué son père Ernest dans L'homme qui aimait les arbres (Bleu autour, mai 2018).

 

            « Durant les vacances scolaires, sous d'autres cieux, il m'arrivait de l'accompagner dans les longues marches en forêt. Plus les clairières s'éloignaient, plus les layons de la forêt domaniales s'effaçaient, plus les bois devenaient touffus, plus je me serrais contre lui. En traversant de hautes futaies de chênes et de hêtres, nous avancions en direction des bruits sourds qui montaient au-dessus des coupes en exploitation. Les équipes de bûcherons qui avaient nettoyé le sous-bois de ses chablis ne se laissaient pas interrompre par l'arrivée du "patron". Si l'abattage d'un beau chêne était en cours, ils continuaient à manier le passe-partout, à serrer le manche de la hache. (...) Tout semblait si bien maîtrisé par ces travailleurs aux manières rudes que j'étais tout à fait rassuré. L'arbre tombé, la minute de silence respectée comme pour un mort, les conversations pouvaient reprendre. Mon père voulait tout savoir, tout voir. Il commençait par les souches claires dont les cernes livraient, entre autres secrets, l'âge des chênes abattus et les années de grand froid ou de canicule. Puis de la même manière qu'un professeur hospitalier procède à la visite des patients de son service ou qu'un officier rend les honneurs aux corps inertes de ses hommes tombés au cours de la bataille, il passait en revue les grumes qui allaient être débardées et alignées à l'entrée de la coupe, avant de s'attarder sur certaines pour examiner de près la qualité du bois entre l'écorce et le coeur. Il signait enfin d'un coup sec avec le marteau dont la table portait la gravure de sa marque. Il ne lui restait plus, pour clore son inspection, qu'à jeter un regard rapide sur le bois de chauffage entassé au cordeau : estimer les stères de charbonnettes était pour lui un jeu d'enfant. (...) Au "patron", il est plus d'une fois arrivé de terminer son inspection en beauté. Sa veste enlevée, en bras de chemise, il se saisissait d'une grande hache... » (p17 à 19)    

            Mais Ernest était un blagueur.

 

            Au départ, c'était un projet modeste, égoïste : accumuler des instantanés. Et puis le métier de Jean-Marie a pris le dessus, et il est parvenu à l'essentiel : Ernest est toujours parmi nous, donc vivant.   

 

 

Alexandre Anizy

 

Quel chemin pour Thomas Vinau

Publié le par Alexandre Anizy

            Seule la voie importe, parce qu'il n'est pas possible de...

 

 

 

Régler la question

 

Régler

définitivement

(disons

momentanément)

la question

de la poésie

avec un stère de bois

et une bonne

tronçonneuse

 

Thomas Vinau

(C'est un beau jour pour ne pas mourir, Le Castor astral, mars 2019)

 

La coupe de Thomas Vinau

Publié le par Alexandre Anizy

            Forcément, Alexandre Anizy ne pouvait pas la rater.

 

 

La coupe d'automne

 

J'ai débroussaillé l'orage

j'en ai les avant-bras

tout déchirés de pluie

et le bout des doigts

remplis d'épines de nuages

mais ça valait le coup

on y voit plus gris

 

Thomas Vinau

(C'est un beau jour pour ne pas mourir, Le Castor astral, mars 2019)

 

La centralité forestière de François Cheng

Publié le par Alexandre Anizy

            Un quatrain de derrière les fagots.  

 

 

 

Egaré au coeur de l'immense,

Le moindre arbre en vie est pivot

Autour duquel l'univers tourne.

Point de lointain qui ne soit proche.

 

François Cheng

( Enfin le royaume, Gallimard, mars 2018)

 

En cage avec Lilja Sigurdardottir

Publié le par Alexandre Anizy

            Rien n'oblige à tourner les pages du énième polar islandais, mais la bougresse a du métier.

 

 

            De par son job d'organisatrice du festival Iceland Noir, Lilja Sigurdardottir est au coeur de la distribution à Reykjavik, mais aussi de la production. Nous ne sommes donc pas surpris de la voir rafler les prix, d'autant plus qu'elle ne démérite pas intrinsèquement. La cage (éditions Métailié, 2019), tome 3 de sa trilogie, en est  un bon exemple : une intrigue ficelée et rythmée, des personnages bien définis, des faits probants... seule l'écriture est faiblarde. Deux échantillons :

« La porte se referma avec un bruit sec derrière Agla. Les cellules de la nouvelle prison de Holmsheidi étaient insonorisées ; le soir venu, il régnait un silence complet dans l'aile des femmes. » (incipit) ;

« Anton était à vrai dire soulagé qu'Oddur ne se souvienne pas de lui, car deux ans auparavant, il n'était qu'un loser maigre et boutonneux. Pas vraiment le genre de businessman qu'il souhaitait laisser paraître à cet instant. » (p.148/339)

 

            Drogue, fric, sexe tendance, tous les ingrédients utiles pour pimenter un récit sans éclat : La cage est un produit formaté correct.

 

 

Alexandre Anizy

 

Un noir sur Gaudi

Publié le par Alexandre Anizy

            Qui a réussi ce tour de force ?  Aro Sainz de la Maza.

 

 

            Le bourreau de Gaudi (Actes Sud, 2014) est un excellent polar qui vous balade dans Barcelone et l'histoire des constructions de Gaudi, un travail fignolé avec l'aide d'une "équipe de rêve" (l'éditeur, l'agent, l'épouse), si on se fie aux remerciements.

            Le jeu en valait la chandelle.  

 

 

Alexandre Anizy

 

La confiture de Soljenitsyne

Publié le par Alexandre Anizy

            Ayant lu un ouvrage de Soljenitsyne dans le cadre de nos recherches actuelles, nous eûmes envie de prolonger ce nouveau contact en lisant un texte littéraire.

 

 

            Nous optâmes pour La confiture d'abricot et autres récits (Fayard, août 2012, en livrel). Eh ! ma foi, nous ne le regrettâmes pas. Comme nous avions  en tête le souvenir d'un style âpre, qui paraissait adapté au projet romanesque relatif au Goulag, ce livre non seulement atténue ce vieux jugement mais il rend évident le talent littéraire, ô combien contesté dans les années 1970 par les affidés du parti communiste comme Max-Pol Fouchet !

 

            Commençons par le premier récit, la confiture d'abricots : l'histoire d'un jeune fils de paysans déportés dans la taïga qui s'échappa sur ordre de son père, après que les dékoulakiseurs aient coupé l'abricotier en exécution de leurs menaces pour obtenir le grain caché... jeune fugitif, il trouve restance chez les enfants des rues.    

            « Les gens qui n'avaient pas eu le temps de mettre la leur [l'assiette] à l'abri s'arrêtaient souvent de manger : les guenilleux n'attendaient que ça pour tout engloutir. Ils volaient aussi à la gare, et ils se chauffaient auprès des goudronneuses. Seulement j'étais trop grand et fort, je me détachais au milieu d'eux : déjà plus un enfant et moins dépenaillé. J'aurais pu m'établir caïd, demeurer à l'abri et les envoyer en chasse, mais j'ai le cœur sensible.

            Si bien que ça n'a pas traîné : une équipe du Guépéou m'a pêché au milieu de la bande, moi tout seul, et conduit en prison. » (p.8/373)

 

            Le récit d'un soulèvement paysan dans Ego est aussi édifiant sur les agissements des bolcheviks après Octobre, pour écraser toute opposition. En plus tordue, la nouvelle titrée Nos jeunes.

 

            La courte biographie du maréchal Joukov est fort intéressante d'un point de vue historique.

            « Ayant remarqué ce flottement chez Staline, Joukov s'enhardit jusqu'à des recommandations importantes. A la fin de juillet, il risqua une proposition : abandonner Kiev et se retirer derrière le Dniepr, sauver ainsi des forces puissantes et leur éviter l'encerclement. Staline et Mekhlis le traitèrent en chœur de capitulard. Et Staline retira aussitôt à Joukov l'état-major général pour l'envoyer repousser les Allemands à Ielnia. (Ç'aurait pu être pire : ces semaines avaient vu fusiller des dizaines de généraux considérables et remarquables qui avaient remportés des succès pendant la guerre civile espagnole ; il avait tout de même fait libérer Méretskov.) » (p.313/373)

Puis Staline admit que Joukov avait eu raison pour Kiev...

            « Et c'est ainsi qu'en septembre 1941, Joukov conserva Leningrad. (Avec un blocus de neuf cents jours...) Et, juste à ce moment, au lendemain de la prise d'Oriol par Guderian, il fut extirpé de nouveau par Staline, cette fois pour sauver la ville même de Moscou. » (p.316/373)

Si en matière de stratégie militaire Hitler a eu quelques éclairs, ce n'est pas du tout le cas de Staline : l'écrivain Soljenitsyne s'emploie à rétablir la vérité sur le rôle du mauvais petit Père des peuples dans la grande guerre russe du XXe siècle. N'est-ce point la fonction essentielle d'un intellectuel digne de ce nom ?

 

 

            En 2019, quoi de neuf ? Soljenitsyne, pour mettre à l'heure les pendules européistes.

 

 

Alexandre Anizy

Notre ère selon Supervielle

Publié le par Alexandre Anizy

Après les élections européennes du 26 mai, faut-il prendre le parti de Supervielle ?     

 

 

Notre ère

 

Le monde est devenu fragile

Comme une coupe de cristal,

Les montagnes comme les villes

L'océan même est mis à mal.

 

Un roc est aussi vulnérable

Qu'une rose sur son rosier

Et le sable tant de fois sable

Doute et redoute sous nos pieds.

 

Tout peut disparaître si vite

Qu'on le regarde sans le voir.

La terre même est insolite

Que ne fait plus tourner l'espoir.

 

Hommes et femmes de tout âge

Regagnons vite nos nuages

Puisqu'il n'est pas d'asile sûr

Dans le solide et dans le dur.

 

Jules Supervielle

(Oeuvres poétiques complètes, La Pléiade)

Les intellectuels les allumettes et Prévert

Publié le par Alexandre Anizy

A méditer avant d'aller voter.

 

IL NE FAUT PAS

 

Il ne faut pas laisser les intellectuels jouer avec les

allumettes

Parce que Messieurs quand on le laisse seul

Le monde mental Messssieurs

N'est pas du tout brillant

Et sitôt qu'il est seul

Travaille arbitrairement

S'érigeant pour soi-même

Et soi-disant généreusement en l'honneur des travailleurs du bâtiment

Un auto-monument

Répétons-le Messssieurs

Quand on le laisse seul

Le monde mental

Ment

Monumentalement.

 

Jacques Prévert

(Paroles, dans la Pléiade, volume 1, 1992)