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notes culturelles

Le trio de Carmen Mola

Publié le par Alexandre Anizy

Si trois gus ont créé Carmen Mola pour les medias espagnols qui ont marché (comme Emile Ajar en France, ils ont décroché le Planeta), qu’en est-il de leurs produits ?

 

Dans La fiancée gitane, le personnage central (l’inspectrice Elena Blanco) est habilement tressé. On a donc une autrice et une héroïne obsédée par la disparition de son fils… de quoi plaire aux lectrices qui forment le gros contingent de la clientèle en librairie.

L’édition est une industrie, il ne faut jamais l’oublier. C’est pourquoi, si l’éditeur a fait du bon boulot (point de vue mercatique), nous n’en dirons pas autant pour les journaleux littéraires !

 

Alexandre Anizy 

 

L'amour de Bégaudeau

Publié le par Alexandre Anizy

            Pas drôle, L’amour (¹) de Bégaudeau est vache. S’en passer gagne du temps.

Alexandre Anizy  

(¹) Aux éditions Verticales, août 2023.

 

De Kimi Cunningham Grant

Publié le par Alexandre Anizy

Sur le conseil d’une amie, nous découvrîmes les deux romans de Kimi Cunningham Grant.

 

            Commençons par Le silence des repentis (poche 10/18, avril 2023). La qualité du style, la finesse psychologique et la trame du récit emportent sans difficulté le lecteur jusqu’au bout de l’histoire.   

« Bien sûr il débarque, plus tard dans l’après-midi, au moment où je suis occupé à déblayer, de nouveau, un chemin pour rejoindre la remise. Il est équipé d’une paire de raquettes qui ont l’air d’avoir une centaine d’années, et cette fois, dans le silence ouaté, j’entends le frou-frou de ses pieds dans la neige. Je l’aperçois de loin. C’est la première fois qu’il ne me prend pas au dépourvu, qu’il ne précipite pas les battements de mon cœur. » (p.217)

La nouveauté du printemps 2023, c’est Les rancœurs et la terre (Buchet.Chastel), dans lequel l’autrice porte encore plus son attention à la psychologie des personnages. Son dispositif narratif  ̶  un va-et-vient systématique entre le présent et passé  ̶   pourrait être lassant si le livre faisait 500 pages, et si l’autrice n’avait pas pris soin d’ajuster les longueurs des chapitres qui, chez elle, ne s’éternisent pas. Kimi Cunningham Grant tient le rythme adapté au récit, comme le style, toujours perlé.

« Red était assis sur sa galerie, devant chez lui, dans le noir. Les grillons rugissaient, les lucioles clignotaient dans le jardin et jouaient une douce mélodie lumineuse. Dans une autre vie, il avait regardé Sue et Junior courir pieds nus dans l’herbe une nuit d’été, mains tendues devant eux, dans l’obscurité, pour les attraper. Sue était revenue vers lui pour le serrer contre elle, ses cheveux étaient chauds et doux contre la joue de Red. Ils avaient perforé le couvercle métallique d’un bocal avec un clou et autorisé Junior à les garder dan sa chambre pour la nuit. Une "veilleuse en lucioles", avait-il dit. » (p.163/235)

Du bel ouvrage.

 

Alexandre Anizy  

 

Le talent de Bérengère Cournut

Publié le par Alexandre Anizy

Oser la poésie et réussir le challenge, voilà le talent protéiforme de Bérengère Cournut.

 

            Bien sûr nous aurions pu vanter la qualité du travail romanesque de cette écrivaine, mais la presse l’a déjà si bien fait que Cournut fut récompensée (prix du roman Fnac 2019). Mais non, du roman Née contente à Oraibi (éditions Le Tripode, 2019), que nous avons goûté notamment parce que le sujet nous intéresse, nous piochons un extrait pour donner un aperçu de la variation stylistique.

Quand j’ai ouvert les yeux, ma mère et mon frère étaient assis près de moi dans la pièce à chats et parlaient à voix basse. Ma mère avait fait venir Mahukisi pour avoir son avis et se demandait ce qu’il fallait faire pour que je ne m’affaiblisse pas trop avant le retour du printemps. En voyant mon frère, le sens de mon rêve m’est apparu instantanément, et j’ai interrompu brusquement leur conciliabule : le serpent, c’était lui, et les deux aigles représentaient nos parrains. Il fallait que mon frère joue leurs rôles à tous trois et m’extraie de notre maison pour m’emmener à Walpi, auprès du clan de l’Ours, qui pourrait peut-être quelque chose pour moi. (p. 169)

Ce qui nous apprécions chez Bérengère Cournut, ce sont l’amplitude thématique et la palette, qu’elle démontre une nouvelle fois avec Elise sur les chemins (Le Tripode, 2021). En voici deux extraits pour vous mettre en appétit.    

Depuis que nos frères sont partis

Le Lion travaille dur

A ses cultures, à son jardin

Zéline n’a plus que six petits

A laver-nourrir-instruire

Alors elle a décidé que non

Elle ne ferait plus l’école à la maison

(p. 6 sur 94)

 

Emile est d’accord, je monte dans son fourgon

A l’avant  ̶  entre lui et Philémon

La route serpente

Les deux hommes chantent

Des trucs qui datent de la révolution

Mais de laquelle ? je demande

Bof, dit Philémon. C’est toujours la même…

(p.75 sur 94)

 

Amélie, Leïla, Karine peuvent ramer,

La sublime Bérengère sait les planter.   

 

Alexandre Anizy

Anciens combattants de Frédéric Jacques Temple

Publié le par Alexandre Anizy

Il nous semble que l’irrévérence contribue à la culture du respect. Qui mieux que Frédéric Jacques Temple ?

 

 

Anciens combattants

 

Ils sont revenus

vingt ans après Cassino

les tempes grises

bardés de caméras et de lires

avec leurs femmes acariâtres.

Ils tentent en vain de mettre

leurs pas dans les pas d'autrefois...

 

Les voyez-vous sur les champs de bataille

stupéfaits de leurs vieux exploits

honteux de ne retrouver qu'eux-mêmes

encombrés de bedons et de bretelles

tricolores...

 

Frédéric Jacques Temple

(La chasse infinie et autres poèmes, Poésie/Gallimard, 2020)

 

 

Chronique de Belgrade d’Ivo Andrić

Publié le par Alexandre Anizy

            Les éditions des Syrtes ont eu la bonne idée de rassembler des nouvelles du grand romancier yougoslave Ivo Andrić : qu’ils en soient remerciés.

 

            Le livre est intitulé La chronique de Belgrade (2023), puisque les scènes se passent dans Belgrade au temps des nazis. De là prétendre que l’auteur aurait eu peut-être l’intention de faire de la Ville blanche à cette époque le personnage central d’un livre, ce n’est hélas que  tirer sur une ficelle des affaires. Mais peu importe.

 

            Zeko raconte l’évolution psychologique d’un héros ordinaire, très ordinaire de la Résistance.

« Affirmer, comme on l’a écrit, que Belgrade entre 1941 et 1944 était "la ville la plus malheureuse d’Europe", n’est peut-être pas tout à fait exact, mais il n’en demeure pas moins qu’elle fut à cette époque un théâtre où s’enchaînèrent des illustrations du mal et de la bassesse dont les hommes sont capables, mais aussi de grandeur et de beauté. On souffrit, on pâtit physiquement et moralement. Une composante toute minuscule de cette Belgrade-là fut la maison de l’ingénieur rue Tolstojeva. » (p.104)

 

            Le jour où… est une courte nouvelle qui dessine un autre personnage en train de se libérer de la peur.

« Oui, la vie est possible. Il le sent clairement même si, à chaque instant, l’un de ces sales et derniers obus peut l’emporter, ce que souligne sans ambiguïté la peur qui lui enserre l’estomac, qu’il lit dans les yeux exorbités du jeune ouvrier. Malgré tout, la vie est possible, luxuriante, riche de sens. Jamais elle n’avait été aussi proche, intelligible, possible. » (p.178)

 

 

Cher éditeur, pour votre travail, point de justificatif douteux ! Le talent d’Ivo Andrić suffit.

    

Alexandre Anizy  

 

Les morsures de Gérard Laveau

Publié le par Alexandre Anizy

            Si l’été pluvieux et venteux vous pèse, peut-être comme un couvercle, plongez sans hésitation dans la moiteur du dernier polar de Gérard Laveau.

 

Les morsures du paradis (éditions Maïa, juin 2023) se passent dans le Sud, où vous retrouverez les détectives Torpédo & Amer, toujours dans la dèche.

« Le vieux détective dort, elle lui a donné ses antalgiques, deux gros comprimés blancs. Maintenant, elle comparaît devant une sorte de tribunal. C’est l’impression que cela lui fait. Ils sont autour de la table de la pension au prétexte d’un café. En réalité, elle les affronte. Les parents et le fils, pas vraiment agressifs, mais moins souriants. Le père lui avait annoncé la couleur, elle a eu le temps de décider de ce qu’elle lâcherait.

Francis toussote. Sévère.

̶  Votre éditeur. Il est tombé où, au juste ? » (p.94/222)

 

Si le paradis est inexorablement délabré par les hommes, vous pouvez vous réfugier pour quelques heures dans ces pages léchées de Gérard Laveau (également ici ) : un petit bonheur sans conséquence.

 

Alexandre Anizy  

 

Le nouveau de Keigo Higashino

Publié le par Alexandre Anizy

            A Paris, on peut lire Higashino dans le système de Prêt Numérique en Bibliothèque, dont le catalogue est indigne de la Ville Lumière.  

 

C’est le cas notamment pour Le nouveau (Actes Sud, 2021), dans lequel Keigo Higashino étonne toujours par son brio architectonique (lire Doigts de Higashino sur mezzanines de Françoise Nyssen ou bien encore Un café maison ).     

 

Alexandre Anizy  

 

La scierie

Publié le par Alexandre Anizy

            Qui aime les arbres doit connaître cette activité particulière : la scierie. En 1953, un anonyme a raconté.

 

Grâce à notre librairie de quartier (c’est tout l’intérêt de les fréquenter), nous sommes tombés sur un exemplaire de La scierie (éditions Héros-Limite, 2013), que nous qualifions de récit documentaire sur le début professionnel d’un jeunot qui attend l’appel du service militaire : le décor, l’ambiance,  les machines, les rapports humains, les cadences infernales… Si la technique a progressé, peut-on vraiment dire que tout cela a changé ?    

 

Alexandre Anizy  

 

Heureux qui lit Bartelt

Publié le par Alexandre Anizy

            Avec le temps, on peut devenir sage.

 

Franz Bartelt est à sa manière un sublime¹ du monde des « Lettres françaises » : il  montre une nouvelle fois (lire par exemple Franz Bartelt écrit ce qui lui plait ) son talent dans Je ne suis pas malheureux (Le Dilettante, 2023).   

 

Alexandre Anizy  

 

(¹) Cf. Denis Poulot, Question sociale. Le Sublime ou le travailleur parisien tel qu’il est en 1870, Maspéro, 1980.

 

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