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notes culturelles

Bétibou de Claudia Piñeiro

Publié le par Alexandre Anizy

Bétibou, c'est un polar argentin de Claudia Piñeiro.

L'originalité de Bétibou, polar réaliste de Claudia Piñeiro (Actes Sud, 2013, en livrel), c'est le fait d'avoir 3 enquêteurs (une écrivaine, un publiciste placardisé, un web-journaliste novice). L'auteur joue avec subtilité sur les caractères différents pour faire progresser l'intrigue. C'est un régal.

Mais en plus, on a en filigrane un tableau du monde argentin (la société, le monde de la presse...) : un bonus appréciable.

Alexandre Anizy

La ligne commerciale de Donna Leon

Publié le par Alexandre Anizy

Cette année, Donna Leon tire à la ligne. Et comme elle, l'éditeur français met le paquet (1).

Grande déception en lisant Brunetti entre les lignes (Calmann-Lévy, 2016, en livrel), l'avant-dernier Donna Leon en vente dans toutes les librairies et grandes surfaces, puisqu'on espérait y apprendre deux ou trois choses sur le monde de la bibliophilie. Que dalle ! A la place, l'auteur nous sert du Tertullien : j'abhorre !

Comme nous le pressentions précédemment,

http://www.alexandreanizy.com/article-mauvais-augure-pour-donna-leon-120095608.html

Donna l'américaine n'est plus que dans la phase d'exploitation du filon Brunetti.

Alexandre Anizy

(1) En septembre, sortie d'un deuxième opus en 2016 : Brunetti en trois actes.

Bussi assassin !

Publié le par Alexandre Anizy

En juin 2016, le serial writer Michel Bussi a encore frappé.

Le temps est assassin est le nouveau polar de Michel Bussi (Presse de la cité, en livrel - cher, très cher forcément !). L'intrigue est foisonnante, ce qui tient le lecteur, mais l'absence de style élève presque l'écrivailleur Marc Lévy au rang de littérateur.

En publiant un livre annuel, le géo-politologue Bussi gagne du pognon (grand bien lui fasse !) en occupant son temps libre : c'est une affaire qui marche bien. Malheureusement il y a une victime : la littérature.

Alexandre Anizy

L'archipel manqué de Makine

Publié le par Alexandre Anizy

Trop de métier peut brouiller un texte : Andreï Makine de l'Académie française le démontre avec "L'archipel d'une autre vie".

Andreï Makine est incontestablement un écrivain de la trempe d'Henri Troyat : comme il en prend le rythme de production, espérons qu'il n'aura pas la même fin indigne. Alors on se renfrogne quand on songe au ratage de son dernier roman titré L'archipel d'une autre vie (Seuil, août 2016, livrel à 12,99 € - trop cher !).

Si l'auteur s'était cantonné au récit de la traque, il aurait sorti le meilleur roman de la rentrée. Malheureusement, la 6ème partie reste sur l'estomac (trop rapide, trop convenue, trop floue...).

Du même acabit, Makine semble avoir un rapport difficile avec les hélicoptères, puisqu'ils lui inspirent des images brouillonnes dignes d'une Karine Tuil inspirée (oxymoron) : un hélicoptère rompit la somnolence brumeuse du matin ou encore L'hélicoptère hacha la brume. Ça gâche le plaisir, parce que Makine c'est plutôt : Le sens de ma fuite se rapprochait désormais de cette "autre vie" dont il m'avait parlé et dont le début ressemblait à une marche sur les traces d'une femme inconnue.

Alexandre Anizy

Le télégrammisme de Karine Tuil

Publié le par Alexandre Anizy

Gallimard a recruté et mise sur Karine Tuil pour obtenir le César de l'édition. Mais la lessive "Tuil" mérite-t-elle de l'emporter chez les jurés ? Surtout pas.

Trois ans après L'invention de nos vies, où l'auteur plongeait une fois encore dans les spécificités sémites, l'écrivailleuse Karine Tuil revient en librairie pour fourguer L'insouciance (août 2016, livrel à 14,99 € - toujours cher chez Antoine G.), avec les gros moyens en finance et en vassalité du principal éditeur français. (1)

Cette année, pour échapper au soupçon de communautarisme, l'auteuse introduit les quotas dans ses personnages (bonne remarque de Jérôme Dupuis dans L'express du 24 août) : un Juif milliardaire, un Noir des banlieues, un Blanc, et une Blonde aux gros seins. Les caractères caricaturaux ayant été posés, l'histoire peut avancer à coups de clichés. Chez Tuil, l'imagination n'est pas au pouvoir.

Peut-être l'auteuse a-t-elle soigné l'écriture ? Las ! Il semble qu'il y ait confusion entre le style et un vocabulaire enrichi (liste non exhaustive des incongruités relevées par Frédéric Pagès dans le Canard du 31 août : "pulvérulence intime", une mer "d'iridescences", "sa vie avait déflagré"). Affligeant.

Puisqu'on est au supermarché (des idées reçues), glanons quelques échantillons :

« Oh, arrêtez avec ça, reprend Issa. On en a plein la tête de l'antisémitisme ! A l'école on nous enseigne quoi ? L'holocauste. C'est pas la Shoah, c'est le show permanent... Les pauvres juifs... Ah, ça on y a droit ! Mais l'esclavage, le colonialisme, rien, pas une ligne !

― La Shoah est le plus grand génocide de l'histoire ! s'exclame Sonia.

― Ce génocide, comme vous dites, a été commis par des Européens et tu sais pourquoi ? Parce que ces colonisateurs n'ont jamais traité les autres peuples que comme des sous-hommes.

― Et vous voudriez qu'on l'oublie ? demande Sonia. Qu'on n' en parle plus ?

― Y a deux poids deux mesures, c'est tout ce que je dis. C'est l'homme blanc qui écrit l'histoire et tout ce qu'il fait, c'est d'effacer la souffrance de l'homme noir. Ils instrumentalisent tous la Shoah pour se donner bonne conscience. » (page 190/461)

[La tête enfermée dans une prison virtuelle, c'est ainsi que Karine Tuil fait penser à certains textes de Roger Knobelspiess.]

« (...) ils étaient fiers de montrer qu'ils n'avaient pas cédé aux attraits de la capitale mais de nombreux Parisiens avaient décliné l'invitation : "la Seine-Saint-Denis, la nuit, c'est trop dangereux". Ceux qui avaient accepté l'avaient fait avec réticence en demandant si "on" n'allait pas "leur casser la voiture". » (p.302/461)

Puis pour la banlieusarde chic vient forcément le moment...

« A cet instant, elle préfèrerait être à sa place, en Irak, au milieu de ces chefs d'entreprise, ou à l'Elysée, en train d'écrire un discours. L'effervescence lui manque. Les réunions quotidiennes aussi. La grossesse va la mettre sur le banc de touche. » (p.364/461)

[Avec la blondasse aux seins opulents, la maternité handicapante pour la carrière... Tuil ne porte pas un discours valorisant pour les femmes.]

« Chacun se replie dans un coin du lit. La climatisation est en marche, pourtant la chaleur est étouffante, les nerfs brûlent, ça pourrait s'embraser. Marion est réveillée, elle fixe un point du mur, elle voudrait avoir la force de se redresser, de faire sa valise et de partir rejoindre Romain mais elle se contente de suivre François du regard tandis qu'il se lève et se dirige vers la salle de bains. » (p.368/461)

[L'écri-nain pipole Christine Angot a fait des émules : le télégrammisme - ce que Bernard Pivot appelle « une écriture énergique et diablement efficace »(2) - est tendance !]

Quant aux scènes de sexe, elles sont "détumescentes", comme l'écrit Jérôme Dupuis.

Avec Insouciance, Karine Tuil déflagre la littérature : ses lecteurs sont à compter parmi les "Blessés", auxquels elle dédie son produit.

Alexandre Anizy

(1) A lire la chronique de Bernard Pivot dans le JDD du 4 septembre 2016, on pourrait croire qu'une voix est acquise.

(2) Ibidem.

La consistance de Dolores Redondo

Publié le par Alexandre Anizy

Sans redondance, Dolores Redondo livre un polar surnaturel.

Avec parcimonie, Dolores Redondo a nimbé de surnaturel les enquêtes de l'inspectrice Salazar, sans quoi nous aurions fissa lâché l'affaire. Mais comme elle a soigné à la fois l'architectonique et le style, on lit d'une seule haleine De chair et d'os (Mercure noir, 2015, en livrel).

Alexandre Anizy

Cas de conscience avec Etienne de Montéty

Publié le par Alexandre Anizy

Avec un inédit de Dumas, le directeur du Figaro littéraire prescrit de la daube. Est-ce une règle du vade-mecum de la presse ?

Le 26 juillet 2016, Etienne de Montéty utilise un quart de page du Figaro pour louer un livre, Un cas de conscience d'Alexandre Dumas (Phébus, 105 pages, 11 €, et en livrel) : il aurait pu s'abstenir, tant ce texte repêché élève la platitude et l'ennui à un niveau inimaginable pour un Dumas. Alors pourquoi cette recension élogieuse ?

Etienne de Montéty (1) est un homme instruit et cultivé dont nous reconnaissons les facultés intellectuelles, même si cet homme-là a de bien mauvaises fréquentations, comme le commandant félon Hélie Denoix de Saint-Marc (2), ou bien le totalitaire Thierry Maulnier, et même si nous n'avons pas apprécié son roman La route du salut :

http://www.alexandreanizy.com/article-la-deroute-de-montety-et-les-moeurs-de-l-edition-120471868.html

Alors pourquoi un médiacrate comme Etienne de Montéty prend-il un quart de page du Figaro pour recommander une daube d'Alexandre Dumas ? Réponse dans notre article en lien ci-dessus.

Alexandre Anizy

(1) En est-il ? Montéty (de) : ancienne famille bourgeoise du Rouergue (Séverac-le-château) répandue un peu partout aujourd'hui. Dictionnaire de la vraie & fausse noblesse, Tallandier 2008.

(2) Denoix de Saint-Marc : fausse noblesse ; bourgeoisie fieffée du Périgord (Campsegret, Bergerac). Ibidem.

Plonger dans la piscine d'Alan Hollinghurst

Publié le par Alexandre Anizy

Pourquoi Alan Hollinghurst nous fait penser à Donna Tartt avec "La piscine-bibliothèque" ?

C'est une chose entendue : La piscine-bibliothèque (en livrel et en poche) est un bon roman ; il est même culte relativement à l'homosexualité. Mais nous refusons de le cantonner dans le genre "roman gay", bien qu'il faille prévenir qu'il tombera des mains de lecteurs du fait de son érotisme animal.

De quoi s'agit-il ? Alan Hollinghurst dépeint une pratique sexuelle débridée, situant son roman dans les clubs anglais où se côtoient les aristocrates puissants et les gens fortunés, dans le cadre d'une vengeance.

Le problème est qu'il ne conclut pas son affaire, comme Donna Tarrt :

http://www.alexandreanizy.com/article-donna-tartt-n-a-pas-coupe-dans-le-chardonneret-122874500.html

Or pour nous, un écrivain doit apporter une vision du monde : celle d'Alan Hollinghurst paraît ici incomplète. Volontairement tronquée par un sage calcul ?

Alexandre Anizy

Flinguer le petit jeu de Céline Minard

Publié le par Alexandre Anizy

Avec Céline Minard, la littérature a failli être plombée.

Bon petit soldat du monde de l'édition, l'écrivain Céline Minard applique à merveille une règle bien connue : ce n'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule.

Alexandre Anizy

Le polar psy de Wendy Walker

Publié le par Alexandre Anizy

Chez Wendy Walker, le psy conduit l'enquête à sa manière.

Au fur et à mesure, Wendy Walker captive le lecteur, non pas par le style de bonne facture mais l'architectonique subtile de son polar Tout n'est pas perdu (Sonatine, 2016, livrel à 14,99 € - trop cher !). De plus, l'enquête progresse au rythme des séances chez le psy, au cours desquelles la victime et ses parents sont analysés. L'auteur nous place à côté du psy, et il nous interpelle comme ici :

« Ne le voyez-vous pas ? Ne le savez-vous pas en votre for intérieur ? Nous aimons les gens pour ce qu'ils sont et ce qu'ils nous font ressentir. Nous pouvons d'ordinaire tolérer leurs défauts et les passer sous silence. Mais une fois que nous voyons dans leurs yeux le moindre reflet de nous-mêmes qui n'est pas celui que nous voulons voir, celui que nous avons besoin de voir pour nous sentir bien, le pilier de l'amour est brisé. » (p.55/287)

Originalité et habileté narrative, avec des assertions à méditer : que de choses appréciables dans ce "wendyfull world" !

Alexandre Anizy