Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

notes culturelles

La consistance de Dolores Redondo

Publié le par Alexandre Anizy

Sans redondance, Dolores Redondo livre un polar surnaturel.

Avec parcimonie, Dolores Redondo a nimbé de surnaturel les enquêtes de l'inspectrice Salazar, sans quoi nous aurions fissa lâché l'affaire. Mais comme elle a soigné à la fois l'architectonique et le style, on lit d'une seule haleine De chair et d'os (Mercure noir, 2015, en livrel).

Alexandre Anizy

Cas de conscience avec Etienne de Montéty

Publié le par Alexandre Anizy

Avec un inédit de Dumas, le directeur du Figaro littéraire prescrit de la daube. Est-ce une règle du vade-mecum de la presse ?

Le 26 juillet 2016, Etienne de Montéty utilise un quart de page du Figaro pour louer un livre, Un cas de conscience d'Alexandre Dumas (Phébus, 105 pages, 11 €, et en livrel) : il aurait pu s'abstenir, tant ce texte repêché élève la platitude et l'ennui à un niveau inimaginable pour un Dumas. Alors pourquoi cette recension élogieuse ?

Etienne de Montéty (1) est un homme instruit et cultivé dont nous reconnaissons les facultés intellectuelles, même si cet homme-là a de bien mauvaises fréquentations, comme le commandant félon Hélie Denoix de Saint-Marc (2), ou bien le totalitaire Thierry Maulnier, et même si nous n'avons pas apprécié son roman La route du salut :

http://www.alexandreanizy.com/article-la-deroute-de-montety-et-les-moeurs-de-l-edition-120471868.html

Alors pourquoi un médiacrate comme Etienne de Montéty prend-il un quart de page du Figaro pour recommander une daube d'Alexandre Dumas ? Réponse dans notre article en lien ci-dessus.

Alexandre Anizy

(1) En est-il ? Montéty (de) : ancienne famille bourgeoise du Rouergue (Séverac-le-château) répandue un peu partout aujourd'hui. Dictionnaire de la vraie & fausse noblesse, Tallandier 2008.

(2) Denoix de Saint-Marc : fausse noblesse ; bourgeoisie fieffée du Périgord (Campsegret, Bergerac). Ibidem.

Plonger dans la piscine d'Alan Hollinghurst

Publié le par Alexandre Anizy

Pourquoi Alan Hollinghurst nous fait penser à Donna Tartt avec "La piscine-bibliothèque" ?

C'est une chose entendue : La piscine-bibliothèque (en livrel et en poche) est un bon roman ; il est même culte relativement à l'homosexualité. Mais nous refusons de le cantonner dans le genre "roman gay", bien qu'il faille prévenir qu'il tombera des mains de lecteurs du fait de son érotisme animal.

De quoi s'agit-il ? Alan Hollinghurst dépeint une pratique sexuelle débridée, situant son roman dans les clubs anglais où se côtoient les aristocrates puissants et les gens fortunés, dans le cadre d'une vengeance.

Le problème est qu'il ne conclut pas son affaire, comme Donna Tarrt :

http://www.alexandreanizy.com/article-donna-tartt-n-a-pas-coupe-dans-le-chardonneret-122874500.html

Or pour nous, un écrivain doit apporter une vision du monde : celle d'Alan Hollinghurst paraît ici incomplète. Volontairement tronquée par un sage calcul ?

Alexandre Anizy

Flinguer le petit jeu de Céline Minard

Publié le par Alexandre Anizy

Avec Céline Minard, la littérature a failli être plombée.

Bon petit soldat du monde de l'édition, l'écrivain Céline Minard applique à merveille une règle bien connue : ce n'est pas parce qu'on n'a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule.

Alexandre Anizy

Le polar psy de Wendy Walker

Publié le par Alexandre Anizy

Chez Wendy Walker, le psy conduit l'enquête à sa manière.

Au fur et à mesure, Wendy Walker captive le lecteur, non pas par le style de bonne facture mais l'architectonique subtile de son polar Tout n'est pas perdu (Sonatine, 2016, livrel à 14,99 € - trop cher !). De plus, l'enquête progresse au rythme des séances chez le psy, au cours desquelles la victime et ses parents sont analysés. L'auteur nous place à côté du psy, et il nous interpelle comme ici :

« Ne le voyez-vous pas ? Ne le savez-vous pas en votre for intérieur ? Nous aimons les gens pour ce qu'ils sont et ce qu'ils nous font ressentir. Nous pouvons d'ordinaire tolérer leurs défauts et les passer sous silence. Mais une fois que nous voyons dans leurs yeux le moindre reflet de nous-mêmes qui n'est pas celui que nous voulons voir, celui que nous avons besoin de voir pour nous sentir bien, le pilier de l'amour est brisé. » (p.55/287)

Originalité et habileté narrative, avec des assertions à méditer : que de choses appréciables dans ce "wendyfull world" !

Alexandre Anizy

Pas de surtensions pour Olivier Norek

Publié le par Alexandre Anizy

Olivier Norek vient de publier un troisième livre (Michel Lafon, mars 2016, livrel à 7,99 €).

Comme le dénouement est cousu de fil blanc, le style aussi raffiné que celui de Marc Lévy, on ne peut décemment pas écrire que l'auteur se soit vraiment surmené : il n'y a que le titre en Surtensions.

Alexandre Anizy

Le jardin de bronze de Gustavo Malajovich

Publié le par Alexandre Anizy

Le jardin de bronze de Gustavo Malajovich vaut son pesant d'or.

De Gustavo Malajovich Actes Sud a publié en 2014 le premier volet d'une série, titré Le jardin de bronze (livrel à 11,99 € - toujours trop cher chez cet éditeur) : un auteur qui transforme le bronze en or mérite nos encouragements.

Pour tout dire, la partie n'était pas gagnée. En effet, à la première entame, nous avons fermé le livrel avant même la page 50 (c'est le délai de grâce que nous accordons à un auteur pour nous intéresser à son texte), parce que le prologue nous avait tant déplu que nous n'étions plus parvenu à entrer dans l'histoire.

Mais après quelques semaines, nous tentâmes un nouvel essai, sans repasser par ce maudit commencement. On a parfois raison de persévérer.

Si l'architectonique de Malajovich est forcément savante, le style est plus ordinaire. Exemple :

« Fabian sortit de son rêve en poussant un grognement et se retrouva sur le parquet à côté de son lit. C'était la première fois qu'une telle chose lui arrivait : tomber du lit par la faute d'un rêve. »

Si vous suivez nos conseils, ce livre ne vous tombera pas des mains !

Alexandre Anizy

Le manuel de Velibor Čolić

Publié le par Alexandre Anizy

Avec le manuel, Velibor Čolić revient à son meilleur niveau.

En ces temps de migration, il est sans doute apparu opportun à Velibor Čolić de livrer son Manuel d'exil (Gallimard, avril 2016, en livrel à n € - Antoine... c'est toujours trop cher) : bonne idée puisqu'il retrouve ainsi sa veine littéraire ! En effet, nous pensons que le croato-bosnien intéresse (1) quand il met sa plume dans l'encrier d'un Patrick Besson par exemple, celui de Tour Jade ou bien 28 boulevard Aristide Briand mais surtout pas celui des Brabant - un navet couronné par le Renaudot, c'est vous dire... Sans déconner, Čolić pourrait devenir un autre Bukowski, en plus balkanique et moins aviné.

Pour commencer, il raconte sa guerre :

« Dans les tranchées je ne porte pas de casque. Je tremble tout le temps, je vomis en cachette, j'écris des épitaphes pour mon pays et je porte un drapeau bosniaque sur la manche de ma chemise. Mes camarades disent : « C'est un bon Croate, regarde : il est pour la Bosnie... » Je suis soldat. Le soir je suis ivre et je chante avec mes compagnons nos belles ballades tristes (...) » (p.6/151)

Putain, quelle connerie la guerre !

Et il nous gratifie de quelques aphorismes délectables :

« Dieu pêche les âmes à la ligne, le diable les pêche au filet. » (p.12/151)

D'une certaine Barbara, il souligne la singularité :

« Son corps est touché par un feu sacré, un swing saugrenu qui fait de ses pas une obscène ritournelle, une cadence jazzy et irrégulière. » (p.128/151)

Même si l'exil ne fait pas partie de votre programme à court terme, courez acheter ou voler Velibor Čolić.

Alexandre Anizy

(1) Lire notre billet :

http://www.alexandreanizy.com/article-ederlezi-a-lazy-story-de-velibor-oli-124094032.html

Histoires récompensées de Marie-Hélène Lafon

Publié le par Alexandre Anizy

Mieux vaut tard que jamais ! Les Goncourt ont enfin reconnu après nous,

http://www.alexandreanizy.com/article-lire-et-promouvoir-le-joseph-de-marie-helene-lafon-124741797.html

et encore

http://www.alexandreanizy.com/article-l-annonce-d-un-pays-par-marie-helene-lafon-124930069.html

le talent de Marie-Hélène Lafon en lui attribuant le 9 mai chez Drouant leur Prix de la nouvelle 2016 pour son livre Histoires (Buchet Chastel, octobre 2015, livrel à 11,99 € - trop cher !). Un échantillon, pour la plage :

« Joseph ne renversa pas les filles. Il s'amusa peu. Il était maigre et sec, vif et véloce. Jeanne ne fut pas renversée ; Marie non plus. Marie n'eut pas le temps. Elle n'avait pas le corps. Elle mourut à dix-sept ans, de tuberculose. 1909 - 1926, deux dates et un prénom. Très tôt, elle n'avait pas su manger l'air cru. Il la blessait. Ils ne peuvent pas vivre, ceux-là, dans ces pays. Ils n'ont pas la force. Ils s'en vont. Restèrent les deux, Jeanne et Joseph. Ils apprenaient bien à l'école, l'hiver, dans les vacances du travail nourricier. Ils allaient à l'école au long des chemins, ensemble, les deux. Ils avaient le même front. Ils s'aimaient sans doute et leurs prénoms étaient doux. Peut-être parce qu'elle était fille, elle fut choisie pour étudier. » (p.29/150)

Un dernier, pour la marche :

« Jeanne fut tante. Par la vertu de la semence crachée du frère, par le coup de reins du frère et son ahanement, dents serrées, Jeanne devint tante (...) » (p.31/150)

Cet ouvrage nous a fait penser à un sujet de thèse : l'animalité humaine dans l'œuvre de Marie-Hélène Lafon.

Alexandre Anizy

Et la mer de Huh Su-Kyung

Publié le par Alexandre Anizy

Huh Su-Kyung évoque l'abandon dans un poème.

Et la mer

Une mer profonde est venue à pied.

En l'accueillant, je veux la saisir à pleines mains

Les mains me manquent, je les ai laissées quelque part

Quelque part ailleurs, je les ai laissées chez quelqu'un

Ne pouvant la saisir sans mes mains, je veux pleurer

Les yeux me manquent

Je les ai laissés quelque part

Quelque part ailleurs, je les ai laissés chez quelqu'un

Ne pouvant être prise dans mes bras, la mer hésite puis s'en retourne

J'ai envie de lui dire « ne t'en va pas, ne t'en va pas »

La langue me manque, quelque part ailleurs

Chez quelqu'un, j'ai tout laissé chez lui

Je veux avoir les larmes aux yeux, j'aurais voulu briller noire

Pourtant j'ai tout laissé, tout

Chez quelqu'un

Huh Su-Kyung

(dans la revue Europe, n° 1043 de mars 2016)