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notes culturelles

"Migrations" le chef d'oeuvre de Milos CRNJANSKI (Tsernianski)

Publié le par Alexandre Anizy

Puisque nous avons écrit que les 2 chefs d’œuvre de Svetlana Velmar-Jankovic représentaient un bon début pour ceux qui voudraient découvrir l’âme serbe (les gens pseudo-modernes parlent de l’identité et en font un ministère), il importe d’établir une priorité chronologique en plaçant en tête de liste la fresque admirable de Milos Crnjanski (prononcer Tsernianski) : « Migrations » (éditions Julliard / l’âge d’homme, décembre 1986, 856 pages, 160 FRF)

Priorité, d’ailleurs facultative, et non pas hiérarchie.

 

Que le livre massif ne vous effraie pas ! Vous serez emportés par le récit du voyage d’une famille, d’une partie du peuple serbe, par la finesse psychologique des personnages (il n’est pas abusif de faire référence aux « Frères Karamazov » de Dostoïevski), par le souffle qui habite cette épopée (nous pensons alors au Tolstoï de « Guerre et Paix »). Le tout se tient grâce au style fluide imprégné de douceur.

Par exemple, prenons l’incipit :

 

« Depuis la veille les brumes enveloppant les saules semblent s’évaporer ; les nuages tourbillonnent et descendent toujours plus bas ; la profondeur où coule le fleuve est opaque et impénétrable ; la terre est noire, invisible, gorgée d’eau. »

 

Ajoutons les dernières phrases :

 

« Il y a eu et il y aura, éternellement, des migrations comme il y aura toujours des naissances pour continuer la vie.

Les migrations existent.

La mort n’existe pas ! »

 

 

Donnons la parole à un personnage de Svetlana Velmar-Jankovic (« dans le noir », éditions Phébus), qui n’avait « (…) aucune estime pour cet être antipathique et suffisant qu’était ce M. Crnjanski, même si, à ma plus grande surprise, il avait signé un livre extraordinaire, « migrations ». » (Dans le noir, p.85) :

« J’ai toujours pensé que, sur la toile de fond du réel, surgissaient des événements dictés, sinon par un lien secret, du moins par une certaine connivence. A présent, alors que je suis une vieille dame, je le sais avec certitude, je sais que tout est lié, comme eût dit l’hystérique Crnjanski, ce brillant écrivain. » (Dans le noir, p.152)

 

Comme pour Louis-Ferdinand Céline, on peut à la fois détester et admirer Milos Crnjanski.

 

Alexandre Anizy

 

"Nigdina" ou "Pays de Nulle part" un autre chef d'oeuvre de Svetlana VELMAR-JANKOVIC

Publié le par Alexandre Anizy

« Nigdina », titre original traduit en français par « le Pays de Nulle part » (éditions Phébus, août 2001, 290 pages, 21 €), est un autre chef d’œuvre de l’écrivain serbe Svetlana Velmar-Jankovic.

 

On y retrouve les enfants de son livre culte, « dans le noir », dont nous avons déjà dit tout le bien que nous en pensons (1).

Ce livre raconte la fin du rêve yougoslave, la réalité des bombes sur Belgrade en 1999, la fulgurance de l’amour, la désillusion sur la condition humaine.

Si vous voulez comprendre de l’intérieur ce que fut la Yougoslavie en général et la Serbie en particulier, commencer par ces 2 chefs d’œuvre de Svetlana Velmar-Jankovic est un bon début.

 

« L’avènement des réalités virtuelles va de pair avec celui des cruautés nouvelles. L’ère de la barbarie sans âme, camouflée sous le masque de la civilisation hautement développée, est en marche, vous pouvez me croire. » (p.46)

 

Non, pas de haine ou de rancune dans ce livre, mais plutôt la lucidité sans le cynisme, l’humanisme sans l’angélisme. Le ton désabusé, qui fut un frein au succès du livre en son pays, reflète justement le désenchantement d’une partie des Serbes.

 

« Que tous les purismes reposent sur le mensonge. » (p.260) 

 

 

Alexandre Anizy

 

(1) : lire notre note culturelle du 17 juin 2008, « Svetlana Velmar Jankovic a écrit un chef d’œuvre »

Une petite cote pour "opale" de Stéphane LEFEBVRE

Publié le par Alexandre Anizy

De passage au Touquet (1) durant l’été, il nous était difficile de ne pas tomber sur le premier roman policier de Stéphane Lefebvre, titré « Opale » (éditions les Nouveaux Auteurs, mars 2009, 629 pages, 19,90 €).  

L’auteur est un enseignant, un ch’ti qui a eu d’une part l’intelligence de situer son intrigue dans un environnement familier : les quelques pages sur la Côte, dont la baie de la Canche, sont réussies. D’autre part, le livre est bien structuré, ce qui suscite un intérêt continu chez le lecteur, qui en a donc pour son argent (pour reprendre le critère économique d’un journaliste local).

 

Qu’est-ce qui cloche à Opale ?

Le style, évidemment, bien que certains écrivassiers pipoles de cette rentrée littéraire devraient envier celui de Stéphane Lefebvre, si tant est que ces gens-là lisent, ce dont on peut douter, car il a coulé facilement, trop facilement.

Donnons un exemple (on aurait pu faire plus simple …) : « Je me tapis dans l’ombre d’un pilier … » (p.397), au lieu d’un « je me tapis derrière un pilier … », car depuis quand le soleil fait-il de l’ombre dans une église ?

        L’abus d’expressions formatées finit par agacer le lecteur.

 

S’il resserre son texte, s’il peaufine son langage, Stéphane Lefebvre devrait réussir un excellent deuxième roman. Il en a le talent.

En l’attendant, vous pouvez déjà apprécier les éclats d’opale.

 

 

Alexandre Anizy

 

(1) : selon la lettre communale, Le Touquet est « LA station des 4 saisons » de la Côte d’Opale.

 

Paolo COELHO l'alchimiste

Publié le par Alexandre Anizy

« L’alchimiste » est le roman qui a fait connaître Paolo COELHO : traduit en 41 langues et 11 millions d’exemplaires vendus. Le succès est mérité.

 

On le compare au « petit prince » ou à « Jonathan Livingstone le goéland », ce qui est excessif.

 

Alexandre Anizy

Yann MOIX et Frédéric BEIGBEDER : comment faire du fric ?

Publié le par Alexandre Anizy

Puisque la rentrée littéraire a commencé, parlons aujourd’hui de deux spécimens de la « pipolittérature », qui satureront les pages culturelles des médias.

 

Commençons par Yann Moix, le touche-à-tout qui ne fait pas de grandes choses, qui va publier un essai opportun, très opportun, puisque la dépouille mortelle est à peine enterrée : « Cinquante Ans dans la peau de Michaël Jackson » (1).

Force est de constater, si on regarde la bibliographie de cet énergumène libéré, qu’il ne crache pas sur les tombes, bien au contraire : il sait user du talent des autres. Mais comme c’est un homme instruit, sa passion des Anciens ne virera pas à la nécrophilie.

 

Terminons avec Frédéric BEIGBEDER, dont le nouveau livre titré « un roman français » (2) a déjà fait couler beaucoup d’encre cet été : figurez-vous que dans le premier tirage, dont des exemplaires ont été expédiés aux journalistes spécialisés, l’auteur s’en serait pris au Procureur de Paris Jean-Claude Marin d’une manière discourtoise, voire diffamatoire, ce que son éditeur (pourtant un grand professionnel) n’aurait vraiment compris qu’à la deuxième lecture, après laquelle il aurait donc demandé à l’écrivain d’édulcorer radicalement son texte, et il aurait aussi décidé la destruction du premier tirage … Tout ceci a été largement repris dans la presse, constituant un excellent aguichage (3)…   

Mais personne n’a dit combien d’exemplaires ont été mis au pilon. Or, il faut savoir que la première édition d’un auteur notoire comme Beigbeder doit être au moins de 30.000 unités (pour une bonne mise en place dans les commerces) … Sans une preuve tangible de la quantité détruite par le sous-traitant de l’éditeur, on peut raisonnablement douter de la véracité de cette belle histoire (4).

 

Si l’édition a toujours été un business, ces deux écrivassiers modernes savent eux aussi faire du fric.

 

Alexandre Anizy

 

(1) : éditions Grasset.

(2) : éditions Grasset

(3) : « teasing », pour les managers. En l’espèce, nous pouvons même parler d’une nouveauté, puisque l’aguichage repose sur une partie du texte que les lecteurs ne verront jamais … Rappelons que Frédéric Beigbeder est un publicitaire (sa formation : DESS en marketing – publicité au Celsa).

(4) : à moins que le 1er tirage ne soit pas la 1ère édition : sa destruction ne représente alors quasiment rien financièrement. 

Etrangers à "Chârulatâ" de Rabindranath TAGORE

Publié le par Alexandre Anizy

Ce qui caractérise « Chârulatâ »(1), roman de Rabindranath Tagore (prix Nobel 1913), c’est l’économie de moyens : la sobriété du style, l’enchaînement des faits, la suggestion des sentiments.

C’est aussi pourquoi nous nous opposons au commentaire dithyrambique de Nils C. Ahl qui écrit : « Cet obscur autel de douleur est le véritable objet du roman. Le drame est inéluctable. »(2). Car c’est le chemin vers l’autel qui constitue l’objet.

 

Malgré le style élégant, la construction subtile, nous restons étrangers, ou plutôt sans enthousiasme, face à cette histoire d’intérieur.

 

Alexandre Anizy

 

(1) : éditions Zulma, février 2009, 112 pages, 15 € ; une traduction soignée de France Bhattacharya.

(2) : dans le Monde du 12 juin 2009.

"Black bazar" d'Alain MABANCKOU

Publié le par Alexandre Anizy

Alain Mabanckou a plus d’un talent dans sa besace : primo, il romance bien ce que vit la communauté africaine de Paris (un savoir-faire dans la composition et la maîtrise d’un langage apparemment relâché) ; secundo, il excelle dans la promotion médiatique (Christophe Barbier a son écharpe rouge, le milliardaire philosophe Bernard-Henri Lévy sa chemise blanche, Alain Mabanckou sa casquette rasta) ; tertio, il progresse méthodiquement dans sa conquête de la renommée littéraire (déjà un pied sur le marché américain !).

 

En lisant « Black bazar »(1), vous passerez agréablement l’après-midi sur la plage, ou ailleurs. C’est déjà ça.

 

 

Alexandre Anizy

 

(1) : éditions du Seuil, janvier 2009, 247 pages, 18 €.

A propos du cercle des epluchures litteraires

Publié le par Alexandre Anizy

Sérieusement, voilà un bijou sans prétention qui ravira les lecteurs sensibles, qui chavirera les cœurs des dames, qui enthousiasmera les amoureux du genre épistolaire, qui déplaira aux gastronomes (mais on s’en fout !), qui brillera peut-être dans le classement des meilleures ventes puisqu’il le vaut bien !

 

Ecrit par 2 Américaines, Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, nous retrouvons néanmoins dans « le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates »(1) un style anglais (vous savez bien, l’humour …), qui fait incontestablement le charme de ce livre.

A dévorer sans modération.

 

Alexandre Anizy

 

(1) : éditions Nil, mars 2009, 391 pages, 19 €.

 

CUSSET ? une autre TUIL(e) !

Publié le par Alexandre Anizy

En attendant son brillant avenir, Catherine Cusset nous a gratifiés d’un roman, « la haine de la famille »(1), dont le titre racoleur nous embarrasse comme une promesse non tenue. 

En ressassant un thème connu qu’elle ne renouvelle pas, l’auteur finit par écrire des âneries comme celle-ci : « Le nazi, c’est moi. Moi qui n’aime pas ma mère. » (p.144)

C’est pathétique.

Catherine Cusset vaut bien Karine Tuil.

                                        

 

 

Alexandre Anizy

 

(1) : éditions Gallimard, avril 2001, 224 pages, 16,01 euros

Un desaccord avec Milan KUNDERA

Publié le par Alexandre Anizy

Dans son dernier livre « une rencontre »(a), au chapitre évoquant l’amitié et l’inimitié, Milan Kundera écrit : « (...) (aujourd’hui, je le sais : à l’ère du bilan, la plaie la plus douloureuse est celle des amitiés cassées ; et rien n’est plus bête que de sacrifier une amitié à la politique. Je suis fier de ne l’avoir jamais fait. J’ai admiré Mitterrand pour la fidélité qu’il a su garder à ses vieux amis. (…) C’est cette fidélité qui était sa noblesse). » (p.133)

Il ajoute :

« Contrairement à la puérile fidélité à une conviction, la fidélité à un ami est une vertu, peut-être la seule, la dernière. » (p.134)

 

Le propos n’est pas contradictoire, mais pour le moins imprécis.

Si on ne voit pas, par exemple, en quoi mourir pour une idée serait puéril (est-ce vraiment ainsi qu’il faudrait qualifier le geste de Jan Palach ?), on comprend encore moins, puisque les hommes évoluent sans doute plus que les idées, pourquoi la fidélité à un ami serait élevée au rang de vertu.

 

Revenons à l’Occupation et au francisquain Mitterrand , puisque Kundera nous y invite en quelque sorte, pour expliciter notre désaccord. Dans le film "l armee des ombres" (b) de Jean-Pierre Melville, le groupe de résistants dirigés par Paul Meurisse décide d’éliminer leur amie Simone Signoret, parce qu’elle a déjà parlé. Trahir est un acte de rupture. Elle est donc flinguée par nécessité et sans détestation, parce qu’il faut être inhumain pour haïr celui qui a parlé sous la torture (ou le chantage à la déchéance humaine). Mais on ne peut pas en dire autant pour René Bousquet, ce fonctionnaire haut collaborateur, dont Mitterrand ne s’écarta jamais : dans ce cas, la faiblesse de Mitterrand ne peut être en aucun cas un signe de noblesse.

 

Ce sont les actes qui définissent le mieux les hommes. Toujours. Et les actes de bravoure du passé ne peuvent pas effacer les saloperies du présent : la vie de Joseph Darnand, le Chef de la Milice, illustre parfaitement notre pensée.

En restant fidèle à un ami qui a changé en mal, on se montre simplement incapable d’apprécier raisonnablement une situation : ce n’est qu’un lâche aveuglement.

 

 

Alexandre Anizy

 

(a) : éditions Gallimard, mars 2009, 204 pages, 17,90 €.

(b) : un chef d’œuvre.