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notes culturelles

Sorj CHALANDON et "mon traître"

Publié le par Alexandre Anizy

Le roman que Sorj CHALANDON a publié en novembre 2007 se lit d’un trait, comme un roman de gare : l’histoire d’une amitié entre un combattant de l’IRA et un luthier français. (« mon traître », Grasset, 276 pages, 17,90 €)

Le décor du roman, c’est bien entendu la guerre en Irlande du Nord durant de nombreuses années, mais le foyer que l’auteur attise, c’est la relation des 2 hommes. Malheureusement, il ne parvient pas à cerner la véritable nature, la dimension réelle de cette amitié : sur ce sujet, on reste sur notre faim en refermant le livre.

Mais comme Sorj CHALANDON a du métier (journaliste pendant des lustres), il sait raconter une histoire de manière alerte : la profondeur du texte et la qualité littéraire s’en ressentent.
Extraits pour illustrer notre avis :
« En octobre 1979, je suis resté neuf jours à Belfast. J’ai vainement attendu que Tyrone Meehan passe en procès. Chaque matin, j’accompagnais Sheila à la porte de la prison de Crumlin pour avoir des nouvelles. » (p. 87)
« Sheila semblait fatiguée. Elle a allumé la radio. C’était une émission en gaélique. J’avais le front appuyé contre la vitre. Elle était glacée. » (p. 215)

« Mon traître » a obtenu le Prix Joseph KESSEL : il méritait cette distinction, parce qu’il est dans la veine des romans de ce baroudeur célèbre.

La guerre est toujours une saloperie.
Dans ces conditions, de la trahison de Tyrone Meehan, pourquoi en faire une affaire personnelle ? L’adjectif possessif du titre nous a laissé songeur.

 
Alexandre Anizy

Chahdortt DJAVANN nous parle

Publié le par Alexandre Anizy

En mars 2008, Chahdortt DJAVANN publiait « la muette » (Flammarion, 117 pages, 14 €).
C’est l’histoire d’une enfant que des circonstances atroces ont rendu muette, et qui mourra sous les coups de la bassesse.
C’est l’histoire de sa filleule qui, assistant à cette triste fin, ne pourra pas l’empêcher : son sort en sera scellé.
Le style est limpide : les mots simples de la narratrice contentent le lecteur embarqué dans ce récit.

« Je crois que je n’ai jamais aimé ma mère, mais, enfant, je n’osais pas me l’avouer ; parfois même je me sentais coupable d’aimer la muette plus qu’elle, comme si je la trahissais. » (p. 55)

Avec « la muette », Chahdortt DJAVANN nous parle du malheur d’être une femme en quelques endroits de cette planète.
Il faut l’écouter.

 
Alexandre Anizy

INDRIDASON ne boit pas la tasse avec "l'homme du lac"

Publié le par Alexandre Anizy

Le dernier polar d’ Arnaldur INDRIDASON, « l’homme du lac » (édition Métaillé 2008), mérite le détour.

Avec « la voix » (lire notre note du 16 mars 2008), nous avions émis quelques réserves sur son procédé romanesque.
Aujourd’hui, nous constatons que le passé du flic et les affaires familiales ont été mises en sourdine. Cette fois-ci, le double récit est maîtrisé.

Dans Libération du 21 février 2008, on pouvait lire sous la plume de Sabrina CHAMPENOIS : « On glisse à Arnaldur INDRIDASON que, comment dire, ses romans nous paraissent « atmosphérique ». Parce qu’ils prennent leur rythme dans les états d’esprit plus que dans l’action, parce qu’ils peuvent flotter, comme entre deux eaux, c’est d’ailleurs leur grand charme, cette oscillation non-prescriptrice. » On abonde.

Pas de longueur, un style à la hauteur : ne boudons pas notre plaisir !

Alexandre Anizy

"31 sonnets" de GUILLEVIC

Publié le par Alexandre Anizy

Nous parlons aujourd’hui du poète GUILLEVIC (Eugène) pour 2 raisons : parce que la simplicité de ses vers nous a touchés à une époque, et parce qu’un lecteur assidu de notre blog en a parlé lors d’une note consacrée à ARAGON, nous donnant envie de le relire et de l’évoquer.

 
Il se trouve que nous connaissons GUILLEVIC à travers LE recueil « Trente et un sonnets » (Gallimard, édition 1980, avec la préface de Louis ARAGON), qu’il semble avoir renié par la suite : était-ce une commande politique de son Parti en 1954, (précisons : le Parti Communiste Français) était-ce une commande du Maître des Lettres Françaises, i.e. Louis ARAGON ?

Il est vrai que la préface a un air de condescendance.

Cependant, une fois encore (lire par exemple son texte « la nuit du 4 » - un poème de Victor HUGOpage 1341 à 1349 de La Pléiade, tome II) nous devons reconnaître le sens de l’observation et de l’analyse de Louis ARAGON : il voit l’essentiel et il l’exprime clairement tout en le mettant en perspective. Ainsi il écrit :

« Déjà le sonnet est devenu langage, et c’est l’essentiel, l’extraordinaire, simple langage, et tout le monde reconnaît, même à contrecoeur, la similitude qui subsiste entre le GUILLEVIC d’hier et celui d’aujourd’hui, le parler dépouillé, mesuré, cette haine de l’éclat, cette insertion de la pensée dans les mots comme des murs : j’ai toujours songé, lisant GUILLEVIC, à ces jardins du Vaucluse et du Gard (…) » (préface, page 17)

 
Dans les sonnets « aux hommes de plus tard », on trouve pêle-mêle l’ode au travailleur, la critique sociale, l’espoir des jours meilleurs, etc.

« Sa machine pour l’ouvrier n’était pas rien.

Il avait du plaisir à montrer qu’il savait

S’y prendre et vous tournait par exemple un rivet

Qu’il vous tendait avec un air presque olympien. »

 

« Vous qui ne devrez plus comme nous combiner

Comment payer le percepteur et la crémière, (…) »

 

Mais il est vrai que les sonnets relatifs aux « affaires », même s’ils sont bien tournés, ne nous interpellent pas.

 

Alors, ce qui nous a séduit hier et aujourd’hui encore, ce sont des vers comme ceux-ci :

Sonnet « matin »

« L’un trempe son pain blanc dans du café au lait,

L’autre boit du thé noir et mange des tartines,

Un autre prend un peu de rouge à la cantine.

L’un s’étire et se tait. L’autre chante un couplet.

(…)

Nous voulons être heureux, heureux, nous autres hommes. »

 

Sonnet « vous avez tellement grandi »

« Vous avez tellement grandi, vous êtes grandes,

Mes filles, maintenant. Souvent nous nous taisons.

Je me vois détourner vos yeux vers l’horizon

Et me voiler ce que chacune lui demande.

(…)

Il faut savoir. Vous êtes à côté de moi.

Je dois me dire que c’est bien, très bien. Les roses

Un jour s’ouvrent au vent, au soleil, à l’effroi. »

 
Et puis, à tous les écoliers, les lycéens, et bien sûr les enseignants,
Nous recommandons la lecture du  sonnet « l’école publique » : tout est dit sur ce qu’elle était encore au début du siècle dernier, et tout ce que nous lui devons tous.

 
Prochainement, nous parlerons du 1er livre de GUILLEVIC, « Terraqué », puisqu’on le présente comme son meilleur.

 
Alexandre Anizy

Claire CASTILLON n'est pas une pomme

Publié le par Alexandre Anizy

En 2002, Claire CASTILLON a publié un roman intitulé « la reine Claude » (Stock, 161 pages, 13,80 €) : elle aurait dû s’abstenir, puisqu’il ne parle que d’une sphère privée sans prétendre à autre chose, sans nous dire autre chose.

 
D’abord, ça commence par une citation de Jacques CHARDONNE, ce qui est de mauvaise augure : « (…) Je n’ai plus rien à dire à personne. »
Ce qui est parfaitement juste. Mais écrire 161 pages pour arriver à cette conclusion dénote un aveuglement sans doute provoqué par un égocentrisme d’adolescente et une capacité d’analyse modeste. Claire CASTILLON aime sa petite personne, comme Christine ANGOT.

 
Parlons du style.
La première phrase du roman est un bon aperçu de ce que le lecteur va déguster !
« C’est l’histoire de ma vie qui a croisé la tienne, c’est l’histoire de nos nerfs en crise, de deux malades qui n’ont que l’amour pour moteur, la rage de rester haut. »

Un grand amour de demoiselle digne de la collection Harlequin, si l’auteur avait fait l’effort d’en respecter le cahier des charges. Mais comme vous le voyez, ce sera plus chic, plus cosmo, plus germanopratin.

Deuxième et dernier paragraphe de la première page :
« Pompon, balle, boule ou nombril. Pelote, œuf, cerise, melon, abricot, pomme, pomme de terre, patate, carrément, nectarine, orange, clémentine, noix, noisette. Potiron. Reine Claude. »

Une avalanche de noms communs dans ce qui sera un empilement de phrases plus ou moins bien tournées.

 
Claire CASTILLON est une romantique qui met des gros mots dans sa soupe. Pour elle, on devine que ce doit être le summum de l’indépendance d’esprit et de la modernité.

 
Alexandre Anizy

La chute de Claire WOLNIEWICZ

Publié le par Alexandre Anizy

Comme promis dans notre note du 16 juillet 2007, nous avons accordé une seconde chance à Claire WOLNIEWICZ, qui vient de publier son 2ème roman intitulé « le temps d’une chute » (édition Viviane Hamy, janvier 2008, 263 pages, 19 €).

Autant le 1er avait su capter notre attention par un style et un ton personnel, autant ce roman d’une vie racontée en vitesse accélérée nous déçoit : tout est quasiment furtif dans ce livre, tant l’obligation de rapidité, compréhensible par rapport au choix qui est à la base de la structure du roman, s’est imposée à l’auteur.
Il en découle notamment une accumulation de dialogues, dont on se lasse vite : on est chez Anna GAVALDA, sans la légèreté.

Ce livre est un faux pas.

Alexandre Anizy

"Ma mère" de Georges BATAILLE

Publié le par Alexandre Anizy

« Ma mère » de Georges BATAILLE se veut un livre scandaleux : une mère qui conduit son fils dans l’orgie et la débauche.
Nous sommes très loin du livre d’Albert COHEN, c’est évident.

Si le sujet est sulfureux, Georges BATAILLE n’a pas mené à son terme le projet littéraire, en partie parce que le style est resté timoré.
Ce livre est l’ébauche de ce qui aurait pu être un chef d’œuvre dans la lignée du marquis de SADE.

Alexandre Anizy

Albert COHEN et sa mère

Publié le par Alexandre Anizy

De nos jours, il est de bon ton de dire que « Belle du seigneur » est un chef d’œuvre.
Pour notre part, il fait partie des livres qui nous sont tombés des mains, malgré notre persévérance.

Non, pour nous, c’est « le livre de ma mère » qui est la véritable réussite littéraire d’ Albert COHEN.

Une idée de cadeau pour toutes les mamans du monde.

 
Alexandre Anizy

L'éditeur MELIS ne gâte ni Luciano ni GARIBALDI

Publié le par Alexandre Anizy

En novembre 2007, au dernier salon du livre du Touquet, nous avions été intéressé par la présentation rapide mais passionnée de GARIBALDI par Luciano MELIS. C’est pourquoi nous achetâmes son livre « Garibaldi mon héros » (éditions MELIS, 185 pages, 17 €), ce qui nous donna l’occasion de parler à un homme courtois et ouvert.

Nous venons d’achever la lecture de ce produit ni fait (fautes, phrases imprimées 2 fois de suite, etc.), ni à faire : en effet, on n’apprend rien sur le petit Luciano, et pas grand-chose sur Garibaldi.
C’est un livre totalement raté.

L’éditeur Luciano MELIS devait être en congé quand l’écrivain Luciano MELIS fit passer son « roman » dans le plan éditorial 2007 de sa société.

 
Alexandre Anizy

"Nocturne barbare" de Gérard LAVEAU

Publié le par Alexandre Anizy

Gérard LAVEAU vient de publier un nouveau polar intitulé « nocturne barbare » (Jacques André Editeur, 2007, 221 pages, 14,50 €).

C’est un très bon titre. Si on pense de suite aux « noces barbares » de Yann QUEFFELEC, au film « nocturne indien » d’ Alain CORNEAU, c’est un autre univers, une autre histoire dans laquelle nous pénétrons grâce à un style délicat mais efficace, qui sublime la mélancolie des personnages centraux.

 
Les cinq premières phrases vous donnent un aperçu : « Il pleut sur Lyon, c’est un printemps pourri. Au troisième étage d’un immeuble de bureaux qui connut des jours meilleurs, Torpédo rêvasse sur une nomenclature pharmaceutique. Sa beauté est étrange, adolescente et triste. Elle tire machinalement sur son cigarillo. Son cœur fait une embardée quand on frappe à la porte. »

 
Il est gonflé, Gérard LAVEAU : surnommer Torpédo une héroïne aux mœurs saphiques … Il ose aussi broder un macramé romanesque autour d’affaires criminelles connues, en réussissant le pari de la vraisemblance : nos sommes dans la « haute écriture » !

 
Avec ce quatrième titre des dossiers de l’Agence Amer, Gérard LAVEAU atteint la plénitude de son art en matière policière : il l’avait touchée d’emblée avec son roman « à la douce ».

 
Courez acheter « nocturne barbare » pour entendre une partition finement jouée : vous ne regretterez pas, puisque le livre vaut plus que le déboursement.

 
Alexandre Anizy