Cécile Ladjali vaut un tiers de Saint-Laurent
Comme Cécile Ladjali, on peut être agrégée de lettres modernes, même docteur, et écrire un roman invertébré sans pied ni tête, rempli de bonne conscience.
Le produit s'appelle Illettré (Actes Sud, 2016, 224 pages, 19 €, livrel à 13,99 € - trop cher comme d'habitude chez cet éditeur). Sous le prétexte de raconter la vie de Léo, i.e. son combat contre l'illettrisme, Cécile Ladjali nous abreuve jusqu'à plus soif de considérations personnelles sur l'école, l'estime de soi, etc. Voulant finir sur une jolie formule, elle anéantit son ouvrage :
« J'ai écrit le vide, j'ai posté le vide, et j'ai signé toute ma vie. »
Parce que cela donne l'impression d'une histoire tricotée autour d'une pensée ténue, nous classons l'ouvrage dans "essai romancé".
Nous ne demandons pas à Mme Ladjali d'avoir la précision documentaire du Flaubert de Un coeur simple , qui n'encombre pas son récit de considérations sociales et politiques (hormis les saillies anticléricales), ni de détails anecdotiques qui esquisseraient les caractères des personnages. Même le style est épuré chez le Normand, contrairement à l'incipit maniéré de Mme Ladjali :
« Maculé de petits ronds aux diamètres variables, l'asphalte est hérissé de reliquats de gomme. »
Nous soupçonnons Cécile Ladjali d'être sous la contrainte éditoriale : l'item annuel doit remplir les étals si on veut faire carrière. Mais alors, qu'elle en filasse trois par an comme Cecil Saint-Laurent. Las ! Elle n'en pèse que 33 %.
Alexandre Anizy