Le somnifère paradisiaque d' Ana Maria Matute
En janvier 2011, les éditions Phébus sortaient le roman « Paradis inhabité » (288 pages, 21 €) de l'écrivain espagnol Ana Maria Matute.
Pour le lecteur, ce fut presque l'enfer …
Alexandre Anizy
Ecrivain - Economiste. Propos sur l'économie, la littérature et la politique.
En janvier 2011, les éditions Phébus sortaient le roman « Paradis inhabité » (288 pages, 21 €) de l'écrivain espagnol Ana Maria Matute.
Pour le lecteur, ce fut presque l'enfer …
Alexandre Anizy
Puisque le temps qui passe inexorablement lamine nos châteaux en Espagne, et même plus, il agit aussi sur les personnages centraux d'Alicia Giménez Bartlett dans « un vide à la place du coeur » (titre original « nido vacio » ; Rivages Noir, octobre 2010, 434 pages, 10,50 €).
Avec Petra Delicado et son adjoint Garzón, nous plongeons dans la noirceur de la réalité sociale, déprimante si vous n'avez pas les défenses immunitaires ad hoc. Mais parallèlement à l'intrigue, toujours finement ciselée, l'auteur nous gratifie d'une réflexion sur le mariage. La leçon est profitable, du moins aux protagonistes.
Ne boudons pas notre plaisir : encore du bel ouvrage !
Alexandre Anizy
En mai 2009, nous avions raillé les travaux de Philippe Aghion, une sorte de caricature de l’économiste français.
http://www.alexandreanizy.com/article-31995702.html
Comme cet enseignant-chercheur qui se dit de gauche est en pleine promotion d’un essai ("tonique" selon le Nouvel Observateur…), il convient de repositionner le bonhomme à sa juste place.
Pour quelqu’un qui prétend repenser l’Etat, la banalité de ses priorités économiques est consternante :
« Ce que nous proposons, c’est un Etat économe qui agit du côté de l’offre, cible ses investissements vers les domaines les plus porteurs de croissance [nous n’échappons pas au concept fumeux de "l’économie de la connaissance", ndAA] et conditionne ses investissements publics à la mise en place de bonnes règles de gouvernance. » (in Nouvel Observateur du 15 septembre 2011)
On croirait entendre une déclaration indigente de Christine Lagarde, l’ex incompétente ministre de l’économie retournée dans ses pénates.
Et lorsque cet homme de droite déclare que
« La gauche française à vocation à réformer l’Etat pour le mettre aux normes de justice et d’impartialité qui prévalent chez nos voisins européens les plus avancés. » (idem),
il faut traduire ainsi : la mission de la gauche PSUMP est de dégraisser l’Etat. Mais n’est-ce pas le projet politique de la bande à Sarkozy Nagy Bocsa ? En réalité, Philippe Aghion est un cynique : il sait que le dépeçage sera plus facile et plus profond lorsqu’il sera opéré sous le masque du radical-socialisme. Comme le capitalisme français (sans capitaux) a été transformé pour son plus grand bien en 1981 sous l’impulsion du francisquain Mitterrand.
« Il faut tourner la page de la social-démocratie de la consommation et de la redistribution pures pour ouvrir celle, proposée dans ce livre, d’une social-démocratie de l’investissement et de l’innovation. » (ibidem)
En fait, ne pas ouvrir ce livre insignifiant est le bon geste.
Alexandre Anizy
En août, une lectrice a pris Joseph Macé-Scaron la plume dans le pot de confiture : les intellectuels surmenés ou fainéants doivent maintenant savoir que la méthode du copier – coller est obsolète, que le maquillage de l'intertextualité ne leurre même plus les gogos. Le plus étonnant dans cette histoire de médiocrité, c'est que cette révélation soit arrivée sur la place publique.
Chers internautes rions, une nouvelle fois pour nous, des petites bassesses de Macé-Scaron. (ah ! son acte tardif de contrition...)
Le 13 janvier 2009, nous avons publié ici-même une note titrée "Mourir d'ennui pour Dantzig ?"
( http://www.alexandreanizy.com/article-26717251.html )
Quelques temps après, nous tombons sur la chronique de JMC dans Marianne, l'hebdomadaire de la morale et de la vertu républicaine qui semble les mettre en veilleuse ces jours-ci. Quelle coïncidence ! Nous décidons alors d'envoyer la lettre ironique ci-dessous.
Et nous reçûmes le courriel ci-dessous.
Cette réponse, que le roitelet des lettres Joseph Macé-Scaron n'était pas tenu de faire, souligne le sentiment d'impunité qui trottait dans le crâne du caméléon du Marais, dont l'arrogance du tricheur jouisseur n'est que le corollaire.
Ainsi roule la France moisie.
Alexandre Anizy
Professeur à Paris 8, Olivier Pastré affirme aujourd'hui dans Libération que le scénario de la sortie de l'euro pour la Grèce serait un suicide. A la lecture de cet entretien, il apparaît surtout que « pour le reste de l'Europe (…) la facture à payer serait élevée », ce qu'il vaut mieux éviter en plombant un vilain canard de l'oligarchie européenne, n'est-ce pas ? Dans ces conditions, à qui sont réservés les bienfaits d'un patriotisme économique bien compris ?
Sur ce sujet, le patriotisme économique étant alors un thème porteur, le professeur Olivier Pastré, noble banquier tunisien au temps du dictateur Ben Ali, avait décidé en septembre 2006 d'apporter ses lumières au public dans un livre titré « la méthode Colbert » (Perrin, 228 pages, 17,50 €). Comme d'habitude, nous n'avons pas été déçus par le bonhomme.
Quand, dans l'introduction, ils lisent ceci :
« Les marchés financiers dictent leur loi. La communication a envahi la sphère politique. La nation française elle-même n'est plus qu'une subsidiarité de l'Europe. » (p.13) ;
d'aucuns pourraient penser que l'auteur, diplômé d'une université américaine, a viré sa cuti, faute de connaître la méthode Pastré. Car, logé dans les méandres d'un raisonnement soporifique, le noyau dur de la pensée néolibérale est affirmé sans hésitation ni argumentation. Prenons un exemple.
« Les délocalisations sont inévitables. (…) Il faut donc s'y faire et, en même temps, en relativiser les conséquences. » (p.117)
Un économiste fataliste donc, qui sent bien que son rôle est d'expliquer inlassablement l'inéluctabilité d'un phénomène inoffensif, puisque
« (…) les délocalisations ne modifient en rien l'ancrage d'une entreprise à son territoire national. » (p.118),
prouvant ainsi qu'il néglige le transfert du savoir-faire industriel en ne voyant que la surface capitalistique des choses ;
mais de toute façon,
« On peut donc avancer. Il le faut. C'est impératif, car il n'y a pas d'alternative. Un échec complet du cycle de Doha (...) » (p.89) ;
faire l'apologie du libre échange, avec un accent thatchérien, dans un livre qui prétend rendre efficace la thèse du patriotisme économique, c'est le genre d'enfumage coutumier de cet économiste bien en cour.
En matière de pédagogie, le professeur Pastré n'a jamais eu la moyenne (puisqu'il apprécie les évaluations, nous lui donnons sa note – et nous savons de quoi nous parlons). Un exemple.
Il raconte qu'en 2005 une rumeur d'OPA sur Danone par Pepsi-Cola parcourait les marchés financiers (quelques spéculateurs en profitèrent forcément), les salles de rédaction, et même le milieu politique : « (…) il ne s'agissait que d'une intox. » (p.16) C'est tout.
Mais l'issue de cette troublante affaire (une enquête n'a-t-elle pas été menée?) est relatée sans faire de lien et en termes si vagues que le lecteur non averti sera bien en mal de décoder le propos : « Faut-il défendre nos entreprises opérant dans des secteurs sensibles contre d'éventuels raiders étrangers ? Là aussi, le saupoudrage est la règle (les casinos ont ainsi été considérés, pendant un temps, comme des entreprises stratégiques ; Danone – encore lui – a dû se réjouir, qui possède le casino d'Évian...). » (p.30) En réalité, cette rumeur d'OPA a donné naissance à un amendement de loi (que d'aucuns ont nommé "Danone") qui stipulait que le rachat d'un casino était soumis à une autorisation de l’État.
Pour un bon pédagogue, il y avait de quoi expliquer, par exemple, les concepts de manipulation de cours, de lobbying, de "pilule empoisonnée". Mais pas chez Pastré, où on évoque, on cite sans dire, on raille en langage sibyllin.
En matière de rigueur intellectuelle, le professeur Pastré aura toujours des lacunes, surtout sur les sujets qui clivent. Exemple.
« La révolution libérale du début des années 1980, impulsée par Ronald Reagan et Margaret Thatcher, n'a pas eu d'autre objectif que d'enrayer ce cercle vicieux. » (p.26)
C'est-à-dire "ce mode de régulation" "reposant sur l'intervention de l’État jusque dans la direction des entreprises, avait tendance à déresponsabiliser" les créateurs de richesse (comprendre les actionnaires, les entrepreneurs, les managers), "reposant sur une inflation auto-entretenue" ; pour résumer : « Le pari avait été fait, au cours de cette période, du salarié contre le rentier. » (p.25) Et non pas seulement la « stagflation, enfant adultérin de la stagnation et de l'inflation », comme la présente avec légèreté le professeur Pastré, qui n'ignore pas que le néolibéralisme est un projet de politique globale, un choix de société, et non pas un simple "policy mix".
Malgré ou à cause de ses défauts, la méthode Pastré séduit les médias : ça ne les remonte pas dans notre estime.
Alexandre Anizy
: lire les notes passées consacrées à quelques articles d'Olivier Pastré.
Pierre Willi est un homme sympathique, absolument pas mielleux, qui dédicaçait récemment ses livres au Touquet, la station des quatre saisons (paraît-il) : curieux et avenant, nous avons acheté « le mystère Verwoorde » (Ravet-Anceau, novembre 2010, 256 pages, 10 €)
Force est de constater que nous abandonnâmes la lecture au bout de 2 chapitres (soit 20 pages). L'auteur a tellement parsemé sa prose de tout et de petit que nous proposons une réponse à la question qu'il pose à la page 55, « comment écrire un livre avec toutce verbiage insipide ? » : en en faisant une bouillabaisse assommante.
Alexandre Anizy
Jonathan Rabb est un Américain cultivé (oxymoron?), puisqu'il a écrit un polar subtile autour de l'assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg en janvier 1919, à Berlin. (« Rosa », poche 10/18 juin 2011, 568 pages)
N'y cherchez pas un récit du mouvement spartakiste. Seulement une peinture de la ville en toile de fond, juste l'esquisse d'un portrait psychologique de Rosa la Rouge nécessaire à la structure narrative, d'un trait délicat puisque Rabb fait ici dans la dentelle. Il n'empêche qu'historiquement fondé, ce livre permettra à d'aucuns d'en apprendre sur cette période allemande.
Pour cela, ils devront peut-être vaincre leur impatience, car l'intérêt ne vient que lentement : est-ce à cause du style sobre et académique ? Mais une fois saisis par l'intrigue, ils voudront connaître non pas la fin mais la résolution de l'enquête, qui nous a laissé sur notre faim.
Quoi qu'il en soit, vous pouvez prendre du Rabb avec Rosa !
Alexandre Anizy