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notes culturelles

Autant que possible de Constantin Cavafis

Publié le par Alexandre Anizy

Autant que possible

 

Et si tu ne peux pas mener la vie que tu veux,

essaie au moins de faire en sorte, autant

que possible : de ne pas la gâcher

dans trop de rapports mondains,

dans trop d'agitation et de discours.

 

Ne la galvaude pas en l'engageant à tout propos,

en la traînant partout et en l'exposant

à l'inanité quotidienne

des relations et des fréquentations,

jusqu'à en faire une étrangère importune.

 

Constantin Cavafis  

(En attendant les barbares et autres poèmes, Poésie/Gallimard)

Sonnet pour un maître (Edwin Le Héron)

Publié le par Alexandre Anizy

            Nous ne pouvions pas ne pas lui rendre hommage.

 

 

Sonnet pour un maître

 

Edwin Le Héron

 

 

Par une nuit d’hiver dans une banlieue rouge,

Dans la cabane de chantier tu es entré :

Deux motards stylés, qui se mouvaient dans les bouges,

Bluffaient la misère de l’université.

 

L’ouvrier étudiant et le bourgeois nanti

Par son mentor sans barrière ont discuté :

Pas de salut hors de la Générale, fi !

De l’air frais soufflait en théorie décapée.

 

Question élégance, point de disette :

Finement, tu passas du blouson noir

Au costume griffé avec rosette !

 

Les destins se creusent, et on s’assagit :

On se prépare pour le dernier soir.

As-tu rejoint Daniel dans le taxi ?   

 

 

Alexandre Anizy  

Mai 2025

 

Bartelt n'est pas facultatif

Publié le par Alexandre Anizy

Chez l’arbuste, c’est quoi ça ? 

Eh bien, le dernier opus revu par le maître de Nouzonville : Facultatif bar (L’arbre vengeur, 2025, poche « l’arbuste véhément »). A ne pas mettre à la portée de toutes les mains, malgré le style soigné.

Au fil du temps, cette idée s’était transformée en préoccupation. Il y songeait, il en rêvait, il la ruminait. Il se laissait glisser dans une sorte de torpeur étrange où il se sentait bien. A la maison, Olga ressemblait à n’importe quelle femme. Elle portait le masque le plus respectable. Elle avait de l’allure et du charme. En la voyant, on savait au premier regard qu’on avait affaire à quelqu’un de très bien, de très honorable, de très réfléchi, de très posé, qui menait sa vie, sans un mot de trop, sans un geste déplacé, sans une pensée indigne. On pouvait s’y fier. Elle affichait cette innocence naïve dans laquelle les épouses se drapent volontiers pour échapper à la méfiance ou à la jalousie de leur mari. C’était facile. Mais, sous cette apparence lisse et convenue, il y avait un mystère, une réalité, quelque chose d’inavouable et de profond, le mal originel, celui dont l’être ne parvient jamais à se délivrer et qui le porte à toutes les imprudences, à tous les jeux, fussent-ils mortels. (p.134)

Avec dans cette histoire déjantée des saillies à la pelle !

Elle se livrait, bien sûr, au commerce de la chair. Mais, où est le péché lorsqu’il s’agit de chair vivante ? Le négoce de la viande morte, tel qu’il se pratique dans la boucherie, serait-il plus noble ?

Ce n’était pas pour rien qu’elle haïssait le mot même de « prostitution ». Ou alors, il aurait fallu l’appliquer aussi aux arts de la boucherie de détail, qui sont saignants et dont la matière n’est jamais consentante.

« Moi, je me suis vendue de la tête aux pieds. Il fut un temps où je passais à la casserole vingt fois par jour. J’ai été accommodée à toutes les sauces. Maintenant, je forme la relève. Sans moi, l’homme du commun serait triste. Je sauve la vitalité du pays. Et on me montrerait du doigt tout en tressant des couronnes au boucher de la rue Carnot ? Non. Laissons la viande morte aux nécrophages. L’homme qui aime la vie va plus souvent au bordel qu’à la boucherie. »

Joignant, si on peut dire, le geste à la parole, elle était devenue végétarienne.  (p.28)

Pour le bonheur des lecteurs, Franz Bartelt cultive l’irrespect dans un langage précieux.

Alexandre Anizy  

 

A la manière de Milène Tournier

Publié le par Alexandre Anizy

            Ma foi, plus diariste que poétesse.

 

Je ne sais pas ce que deviendront

les becquets de Milène Tournier

sur le Frigidaire :

un chapelet rose de mignardises ?

 

Alexandre Anizy  

 

Deux poèmes de Wang Jiaxin

Publié le par Alexandre Anizy

Questions sur la parole d’un poète chinois.

           

Le témoin

Quand je veux te dire ce qu’est la vérité, je m’aperçois que je suis obligé de parler un autre langage.

 

Sans titre

Quand tu es obligé de parler, tu dois le faire, mais refuse encore une fois de servir de témoin à cette époque.

 

Wang Jiaxin

(extrait du livre Inspirations chinoises, présentation, traduction et notes de Isild Darras,  L’Harmattan, 2004)

 

Kobzar de Taras Chevtchenko

Publié le par Alexandre Anizy

Que fait l’éditrice ?  

 

Taras Chevtchenko est le grand poète de langue ukrainienne, précise-t-on en 4ème de couverture de Kobzar (éditions Bleu et Jaune, 2023), qui est l’œuvre d’une vie (1500 pages environ), dont on ne publie ici que le premier opus de 114 pages, sans appareil critique. C’est pourquoi le lecteur reste sur sa faim, au mieux.

 

Si l’ambition de l’éditrice était de mettre en valeur le Grand Kobzar, alors c’est un Morceaux choisis qu’il eût fallu concocter.

 

Alexandre Anizy  

Henua de Marin Ledun

Publié le par Alexandre Anizy

            Quand Marin Ledun s’adonne toujours à l’ethno-polar…  

 

Il y a quelques années, nous avions exprimé notre intérêt réservé pour cet auteur (lire ici ), mais le fait qu’il se soit penché sur les Marquises nous a appâtés, puisque nous n’avons rien lu sur cette contrée française exotique.

Dans Henua (Gallimard série noire, janvier 2025), Marin Ledun montre à nouveau ses qualités et son insuffisance stylistique qui s’amenuise : « Une construction solide, mais avec une décoration faiblarde », répétons-nous ici.        

            On s’en refera un dans dix ans, peut-être…

 

Alexandre Anizy  

 

Les loups d'Abdellatif Laâbi

Publié le par Alexandre Anizy

Les loups

 

J’entends les loups

Ils sont bien au chaud dans leurs maisons de campagne

Ils regardent goulûment la télévision

Pendant des heures, ils comptent à voix haute

Les cadavres

Et chantent à tue-tête des airs de réclame

Je vois les loups

Ils mangent à treize le gibier du jour

Elisent à main levée le Judas de service

Pendant des heures, ils boivent un sang de village

Encore jeune, peu fruité

A la robe défaite

Le sang d’une terre où sommeillent des charniers

J’entends des loups

Ils éteignent à minuit

Et violent légalement leurs femmes

 

 

Abdellatif Laâbi

L’arbre à poèmes, Poésie Gallimard, 2022   

 

Un monde à inventer de Joël Vernet

Publié le par Alexandre Anizy

Un monde à inventer

 

 

Là sur la terre, et ce n’est pas au ciel,

   Tous ensemble jetés comme proies aux vautours.

      On nous a laissé croire à la course au feu,

Cet appel des amples bénéfices, des guerres sans merci,

Partout, partout.

 

Tandis que des gosses criaient famine,

 Tant d’autres sablaient le champagne

Dans leur palais de pacotille, protégés par des soldats

Au cœur de pierre.

        On nous a laissé croire

 

  Qu’il y aurait un autre monde,

Et tant et tant ont dressé des louanges

     Aux maîtres qui les tenaient

      Sous le cuir de leurs bottes.

Tant et tant ont béni

 

     Leurs maigres privilèges,

Toi y compris, oui toi y compris.

   Que la honte lèche ton visage !

    Et maintenant qu’il n’y a plus de routes,

     Que les avions sont à l’arrêt,

 

Que commence à poindre la rouille

       Aux flancs des paquebots qui glissaient

De croisière en croisière

     Pour le sot plaisir de quelques-uns,

       Que les chemins sont barrés,

 

Ils viennent derrière les écrans

    Avec leur visage de morgue,

Leur verbe épuisé, leur langue de vieux professeur, de faux

 Savant,

       Nous dire que l’avenir appartient à chacun

    Si nous nous enfermons derrière nos portes.

 

  Et toi, poète de trois fois rien que l’on n’a jamais lu,

   Dont les livres sont poussière,

Tu écrivis au temps où un possible n’était pas impossible :

Nous ne voulons pas attendre la mort dans nos maisons.

        Après le feu, l’effondrement des bourses,

 

Nous les prendrons au mot qu’ils viennent de nous jeter

          En plein visage. Nous les prendrons au mot

  Pour qu’ils cessent leur course folle.

Nous inventerons un monde

     Où nous ne les entendrons plus, plus jamais,

 

  Avec leur morgue de spécialistes, leurs propos savants

Qui signent leur défaite. Ils sont plus fragiles que nous tous,

      Pourquoi ne le savons-nous pas ?

 

 

Joël Vernet

(Œuvres poétiques, tome 1, La rumeur libre, 2023)

 

 

Ainsi va Jake Hinkson

Publié le par Alexandre Anizy

            Un écrivain américain qui a épousé une libraire française ne peut pas être mauvais.

Jake Hinkson le démontre avec Ainsi va le monde (Gallmeister, octobre 2024), qu’il sort en 1ère mondiale dans notre beau pays si mal gouverné. L’architectonique du polar est excellente, le style satisfaisant, les personnages bien travaillés. A ce propos, celui d’Alice Hardy nous a rappelé Stoner, le roman de John Williams que nous avions encensé ici .

 

Dans ces deux genres différents, vous passerez de bons moments.

 

Alexandre Anizy  

 

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