Crise financière : la contagion
Sur le marché immobilier américain, les prix chutent : (12,4) % en Floride, (10) % à Sacramento. Freddie Mac, n° 2 du financement du crédit immobilier a publié une perte trimestrielle de 2 milliards USD, bien supérieure aux prévisions sombres … Or, avec Fannie Mae, elles assurent la liquidité du marché hypothécaire, sous la garantie indirecte de l’Etat américain. Elles détiennent ou garantissent 40 % des crédits immobiliers résidentiels américains, dont le total s’élève à 11.000 milliards USD, soit 2.000 milliards de plus que la dette publique des Etats-Unis.
Les fonds propres de Freddie Mac sont avalés par la crise, rendant nécessaire une recapitalisation de l’ordre de 5 à 6 milliards USD. En conséquence, le cours de Freddie Mac a chuté de 38 % en 3 jours à la mi-novembre, tandis que celui de Fannie Mae perdait 35 %.
La crise ne concerne donc pas seulement les emprunteurs modestes et fragiles (le subprime) : c’est le marché de la pierre et de son financement qui vacille.
La semaine dernière, le gouvernement de BUSH l’a d’ailleurs bien compris en proposant des mesures radicales.
En Grande-Bretagne, d’une part ils sont 1,5 millions de détenteurs d’emprunts de la catégorie « subprime », c'est-à-dire à très haut risque pour les créanciers. D’autre part, le groupe des « divorcés, veufs, travailleurs indépendants » ayant emprunté à taux variable s’élève à 4 millions. Selon PriceWaterhouseCooper, 25 % d’entre eux devront payer 195 € de plus par mois en moyenne, auxquels il faudra ajouter les hausses des dépenses incompressibles (énergie, impôts, frais de scolarité, ...).
Les spécialistes s’attendent au pire pour 2008.
En Allemagne, touchée par la crise du « subprime », la banque régionale SachsenLB avait été vendue cet été. La banque IKB avait évité le dépôt de bilan grâce à un sauvetage mené par les autorités financières : fin novembre, un 2ème renflouement a été organisé, ce qui donne un apport total de la banque publique Kfw de 4,8 milliards €, avec une ligne de crédit s’élevant à 8,1 milliards €.
Pour enfoncer le clou, IKB fait l’objet d’une enquête pour délit d’initié : parmi les suspects, l’ancien patron Stefan ORTSELFEN, le directeur du personnel et de la gestion des risques Claus MOMBURG.
La France serait-elle épargnée ? Non, il est inutile d’espérer être un îlot de calme dans l’océan déchaîné : la France sera touchée, au moins par ricochet. Les banquiers l’avouent, notamment en essayant en secret de monter une structure de sauvetage pour dépanner les futures victimes.
La facture se situerait entre 200 et 2.000 milliards USD.
Devant une fourchette aussi imprécise, vous pouvez considérer qu’en fait ils n’en savent rien.
Pour Christian BOISSIEU (Président du Conseil d’analyse économique ; professeur à Paris I), « (…) les banques ne maîtrisent pas complètement les risques qu’elles portent. » : les nouveaux instruments financiers (la titrisation, les dérivés, …) ont financé l’investissement des entreprises et des ménages. Il convient donc de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain, d’autant plus qu’il n’y a pas péril en la demeure : « Les banques françaises ont aujourd’hui la capacité de digérer les pertes générées par la crise des subprimes. »
« (…) le monde reste dans une situation d’abondance de liquidités. Il y a un problème de liquidité entre les banques. (…) il n’y a pas pénurie de capitaux. La crise est gérable et digérable. »
Nous n’en doutons pas, mais quel en sera le prix ?
« On assiste aujourd’hui à une guerre des changes dans laquelle l’Europe est la seule perdante. Cette situation n’est pas tenable longtemps. » (Christian de BOISSIEU, Le Point du 11 octobre 2007, p.110.)
Nous sommes d’accord avec le constat et avec la prévision.
Alexandre Anizy