Michel ROCARD et la prochaine crise mondiale

Publié le par Alexandre Anizy

Pour Michel ROCARD, la crise mondiale nous attend demain. En bon énarque, il apprécie les chiffres qui mettent en perspective son diagnostic et son jugement, et il sait les trouver.

 
Ainsi, la dette des Etats-Unis (ménages, entreprises et Etat) sur une longue période s’est envolée à partir de 1982 : « Lors de la crise de 1929, l’endettement américain –environ 130 % du produit national – était déjà au « cœur du système ». Aujourd’hui il atteint plus de 230 % ! Pour éviter la faillite, le système financier américain doit emprunter 2 Milliards de dollars par jour ! » (Michel ROCARD, Nouvel Observateur 13 décembre 2007)

De 1945 à 1980, le monde a connu des crises nationales. Mais la sphère financière ayant pris une grande importance à l’aube de l’ère mitterrandienne, nous avons connu des crises financières graves : les crises latino-américaines dans les années 80, la crise asiatique dans les années 90, la crise du système monétaire européen en 1992, l’éclatement de la bulle Internet en 2000. La financiarisation globale a permis de mutualiser les risques, ce qui in fine amortit la dureté et l’ampleur des chocs.

Et aujourd’hui, la dette américaine hors banque s’élève à 39.000 Milliards de dollars. Comment en arrive-t-on à cette situation inextricable ? Pour Michel Rocard, « ce passage d’un équilibre à un déséquilibre massif, généralisé, tient au changement de la répartition du produit national, entre les salaires (salaires et revenus de protection versés par la Sécurité sociale) et les profits (bénéfices industriels, honoraires des professions libérales, rémunérations directes sur le marché). (…) En gros, les salaires sont passés de 71 % du PIB en 1981 à 60 % en 2005. » (Michel ROCARD, idem) Pour être plus explicite, si le partage de 1981 s’était maintenu en France, les ménages auraient dépensé 130 Milliards de plus, ce qui auraient représenté 1 point supplémentaire de croissance chaque année : nous aurions 500.000 chômeurs de moins.

« Tout a changé dans les années 90 avec l’apparition des fonds et d’abord des fonds de pension. L’actionnaire (…) a exigé un retour sur investissement de plus en plus élevé. Corollaire : une pression de plus en plus forte sur les salaires (…). » (Michel ROCARD, ibidem)

« Avec une pauvreté de masse évaluée à 10 millions de personnes en Grande Bretagne et entre 5 et 6 millions en France, la part des salaires dans le PIB a évidemment reculé par rapport au profit réinvesti de manière spéculative. D’où, faute d’une demande suffisante, une croissance anémiée, incapable de contenir l’hémorragie des déficits et une dette de plus en plus difficile à rembourser. » (Michel ROCARD, ibid.)

 

Les pétrodollars, les excédents commerciaux chinois et japonais, représentent une masse abondante de liquidités. « Tous les banquiers vous le diront, malgré leur affinement, les politiques économiques ne peuvent rien sur l’usage et l’évolution de ces liquidités. Ce dysfonctionnement, culturel dans sa nature, structurel dans son résultat, est terrible. Personne ne sait comment ça peut finir, et j’ai la conviction que ça va bientôt exploser. (…) C’est le capitalisme dans sa forme mondialisée et financiarisée – non le marché dont je suis partisan – qui est en cause aujourd’hui.» (Michel ROCARD, ibidem)

 
Nous vous épargnons les considérations éthiques et les mesures techniques envisagées par l’énarque ROCARD.
Car pour lui, la clé du problème réside dans le statut juridique de l’entreprise : fin des apporteurs extérieurs de capitaux, vive la communauté oeuvrant pour le projet collectif.
« (…) une seule force capable de le mener à bien : la social-démocratie internationale. Il va falloir défendre tout ce qui produit contre tout ce qui spécule. C’est ça, la nouvelle lutte des classes. »
Vaste programme.

 

Alexandre Anizy