Fiscalité : retour vers 1913 ?

Publié le par Alexandre Anizy

En votant en octobre 2007 le régime de prélèvement libératoire à 18 %, la majorité présidentiel a opéré un changement majeur : l’impôt sur le revenu pèse principalement sur les revenus du travail, les revenus du capital ont un régime préférentiel de taxation proportionnelle à taux réduit.

 
Lorsque Joseph CAILLAUX instaura l’impôt sur le revenu en 1914, tous les revenus du capital étaient intégralement soumis au barème progressif, et se surcroît passibles de l’impôt sur les bénéfices créé en 1917, de l’impôt sur les valeurs mobilières institué en 1872 : c’était le pacte républicain.

Après la Seconde Guerre Mondiale, on commença la stratégie du salami, à savoir : exonération d’une part croissante d’intérêts d’emprunts publics, exonération des loyers fictifs, et surtout création de l’avoir fiscal en 1965 et du prélèvement libératoire. Et on arrive à cette situation en 2005 : sur 100 Milliards d’euros de revenus du patrimoine perçus, seuls 20 Milliards étaient soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.

 
La dernière tranche du salami vient donc d’être coupée : « (…) les dividendes (…) auront dès 2008 la possibilité d’échapper purement et simplement au barème progressif (…) » Thomas PIKETTY (Libération 22 octobre 2007)

« Maintenant que les revenus du capital échappent presque intégralement au régime de droit commun, il devient aisé de faire tendre vers 0 % les taux d’imposition de ces régimes dérogatoires » (Thomas PIKETTY, idem)

La course au dumping fiscal, au sein même de l’Europe, ne s’arrêtera pas de sitôt.

 
Thomas PIKETTY nous rappelle qu’« (…) une société détaxant durablement les patrimoines (alors même que ces derniers ont retrouvé leurs couleurs d’avant 1914 !) court le risque de sclérose économique (une classe de rentiers vieillissants réapparaîtra inévitablement) et d’explosion sociale. » (ibidem)

Mais les prémices d’un retournement se font sentir, notamment pour l’impôt sur les sociétés. Thomas PIKETTY se veut alors moderne : « (…) il est possible que le XXIe siècle doive inventer son propre modèle, fondé par exemple sur l’imposition des stocks de patrimoines eux-mêmes et non plus des flux de revenus. »
Vaste chantier.

 
Alexandre Anizy