Edwin Le Héron : PpL des banques (VII)

Publié le par Alexandre Anizy

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Au degré 1 : au niveau microéconomique des banques

 

Evaluation des paris productifs des entrepreneurs

 

Le rôle des banques dans le système capitaliste est de financer la production en opérant une sélection parmi les entreprises et leurs projets d’investissement : les banquiers sont les éphores de l’économie de marché, comme le soulignait fort justement Schumpeter. Cet examen s’opère différemment selon leur état de confiance et leurs « esprits animaux », autrement dit selon leurs anticipations en incertitude radicale.

Concernant la formation des anticipations, Keynes donne 3 caractéristiques :

  • Pour le futur, le présent est plus utile que le passé ;
  • Les prix et la production courante, qui reflète l’évaluation présente par l’opinion, repose sur la somme actualisée des rendements futurs anticipés ;
  • Par convention, on suit généralement la majorité, parce qu’on la suppose mieux informée.

En finançant l’économie et par là-même en créant de la monnaie, les banques sont soumises aux 4 risques du prêteur :

  • le risque de défaut : c’est le non-remboursement ou la valeur nulle de l’actif en cas de faillite ; pour les banques, cela peut déclencher une crise de solvabilité puis de liquidité ;
  • le risque de liquidité : parce que Peter L. Bernstein définit la liquidité comme étant la capacité d’inverser n’importe quand une décision au plus petit coût possible, il convient de ne pas confondre « réversibilité » (i.e. la capacité d’inverser une décision à chaque instant) et « liquidité » (i.e. faire une inversion au moindre coût) ; « Le risque de liquidité correspond donc à l’irréversibilité de certaines décisions (financement par crédit non refinançable), mais aussi au coût parfois élevé de la réversibilité (forte moins value, coûts de transaction élevés). » (Edwin Le Héron, p.116) ;
  • le risque de marché : il s’agit de la variation de l’évaluation des actifs de la banque ;
  • le risque de revenu : il s’agit notamment des actions (dividendes incertains), des obligations et crédits à taux variables.

 « Si tous les modes de financement soumettent à un risque de défaut, les crédits font courir de plus un risque de liquidité et les titres potentiellement tous les risques. » (ELH, p.116)

 

Comportement bancaire et choix de financement

 

Le choix du moyen de financement (par crédit ou par titres du marché financier) s’opère « principalement selon un arbitrage entre rendement et risque face aux crises possibles. La préférence pour la liquidité des banques se traduit par la volonté de réduction de leur incertitude et donc par la recherche de la plus grande réversibilité au moindre coût de leurs décisions. D’où le choix d’une structure de bilan. » (ELH, p.116)

 

        Risque du prêteur et choix du financement

Edwin Le Héron parvient à établir une hiérarchie de financement (actif) et gestion du passif.

Pour limiter le risque de défaut : imposer des ratios d’endettement maximum, des temps courts de retour sur investissement, des hypothèques et des garanties diverses ; sans « esprits animaux », les banques choisiront les emprunteurs les plus sûrs (Etats) et du Court Terme, mais dans cette position elles n’assurent plus leur rôle d’évaluation et de financement des risques d’entreprises ; on a alors :

        [crédits courts + TCN > crédits longs, obligations, actions] 

Pour limiter le risque de liquidité : rendre moins liquide son passif (grâce à l’émission de titres, au développement de l’épargne stable), et plus liquide son actif (crédits CT > crédits LT ; créances refinançables ; titrisation de créances ; titres du marché) ; « Face au risque de crise de liquidité, la structure de bilan traduit la recherche d’une « marchéïsation » de leurs activités. » (ELH, p.117) ; on a alors :

Actif : [obligations, TCN > Crédits courts > Actions > Crédits longs]

Passif :

[titres émis par les banques > Ressources stables > Monnaie]

Concernant le risque de marché : attribuer des crédits est une activité spécifique pour les banques, parce qu’elles doivent recueillir des informations, qui donnent de la valeur à ces créances ; c’est pourquoi les crédits facilitent l’évaluation et la stabilité de l’actif ; on a alors :

[crédits, obligations à taux variable > obligations et TCN à taux fixes

 > actions ]

Face au risque de revenu : (des actions notamment) exiger une forte prime de risque et ne prêter qu’aux entreprises profitables ; on a alors :

[crédits, obligations, TCN > crédits, obligations à taux variables > actions ]

 

« Ainsi le choix d’une économie de marché plutôt qu’une économie  d’endettement peut sembler efficace pour éviter les crises de liquidité, mais tend à créer un risque de solvabilité des banques plus graves encore. Une économie de marchés financiers augmente la volatilité de l’évaluation de l’actif et renchérit le coût du passif (…). Or une crise de solvabilité entraîne facilement une crise de liquidité à sa suite (…) » (ELH, p.117)

Sur le plan macroéconomique, la liquidité des marchés financiers ressemble souvent à un mirage, notamment pour les actions : ils représentent une porte de sortie … dont le prix n’est pas assuré ! Ce mirage est dû à la confusion entre réversibilité et liquidité.

 

(A suivre)

 

 

Alexandre Anizy

 

Rappel : « La préférence pour la liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire » est la contribution d’Edwin Le Héron au numéro des Cahiers lillois d’économie et de sociologie titré « Monnaie et taux d’intérêt en analyse keynésienne »  (L’Harmattan, septembre 2002, 182 pages, 16 €).