Pourquoi éditer en France un Boris Pahor de faible intérêt ?
Connaissant l’estime que nous portons à Boris Pahor, vous devinez que nous n’avons pas hésité longtemps pour acquérir Quand Ulysse revient à Trieste (éditions Pierre-Guillaume de Roux, avril 2013, 329 pages, 25,50 € - pour une couverture d’un grammage insuffisant). On peut d’ailleurs penser que l’éditeur comptait sur ce réflexe conditionné pour se lancer dans la traduction et la mise sur le marché de cet ouvrage.
Ce fut une déception. Sans doute parce qu’il y a plusieurs livres possibles dans l’ouvrage, et qu’aucun n’est vraiment traité. Ni le retour du jeune soldat italien dans sa ville de Trieste après la chute de Mussolini, ni l’enrôlement de force des mêmes soldats par les Allemands, ni l’engagement dans la Résistance italienne mais un peu dans celle des Slovènes. Une seule idée lancinante parcourt ce roman : les Slovènes de Trieste sont humiliés (¹) (au début du XXe, d’abord par les Autrichiens, puis par les Italiens : ah ! l’italianisation forcée, l’incendie de la Maison du Peuple slovène par les fascistes…). Mais ce n’est pas suffisant.
Du coup, on s’interroge sur le pari de l’éditeur : parce que la vie est courte et le temps de lecture forcément compté, pourquoi mettre sur le marché français, avec une couverture médiatique de bon aloi, un texte faible de Boris Pahor ? N’est-ce pas le rôle social du milieu de l’édition que de séparer le bon grain de l’ivraie dans l’importation des grands auteurs contemporains ? Dans le cas présent, il faut savoir que des maisons d’édition ont déjà publié d’autres œuvres, et que l’auteur aura cent ans en août.
Nous craignons que le choix éditorial soit le fruit d’une logique marchande dégueulasse.
Alexandre Anizy
(¹) : Surtout ne pas imaginer Boris Pahor en nationaliste borné ! Il ne vit pas en Slovénie, et il est citoyen italien.