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notes culturelles

Chez Marilynne Robinson

Publié le par Alexandre Anizy

Il nous arrive quelquefois, lorsque nous flânons dans une librairie, de décider abruptement, au vu de la quatrième de couverture et après avoir lu quelques passages pris au hasard, d'acheter le livre d'un auteur dont on ne soupçonnait même pas l'existence. C'est ainsi que nous découvrîmes des auteurs boudés par les médias et le public, à tort mais aussi à raison.


Avec « chez nous » de Marilynne Robinson (Actes Sud, octobre 2009, 446 pages, 23 €), nous fîmes une mauvaise pioche. Impossible de rentrer dans ce roman bourré de dialogues. De plus, le style suranné et un tantinet "british" ne pouvait que nous rebuter :

« Glory monta dans le grenier, les limbes où avaient été reléguées les choses que l'on n'utilisait plus actuellement mais qui n'étaient pas inutiles au sens strict. Si la civilisation devait s'effondrer, par exemple, on se réjouirait peut-être de l'existence de cette réserve de vieilles chaussures et de parapluies tordus, ce patrimoine valant alors mieux que rien, quoiqu'à peine. » (p.134)


Pour avoir le plaisir d'une trouvaille, il faut accepter les rogatons : c'est le prix à payer.



Alexandre Anizy

 

Marilyne de Michel Vigneron

Publié le par Alexandre Anizy

« Marilyne de Boulogne » (éditions Ravet-Anceau, février 2008, 188 pages, 9 €), c'est le premier polar d'un flic, Michel Vigneron, qui bosse dans la ville éponyme.

Une histoire de sexe glauque.

Le rebondissement final indique la maîtrise narrative d'un auteur à suivre.



Alexandre Anizy

 

Improbable "Tokyo" de Mo Hayder

Publié le par Alexandre Anizy

Comme nous n’avions pas d’autres romans sous la main, nous tentâmes pour la troisième fois de lire « Tokyo » de Mo Hayder (Pocket, mars 2007, 469 pages), et nous parvînmes à son terme. Nous n’avons pas beaucoup de mérite, puisque cette femme anglaise écrit bien (traduction d’Hubert Tézenas), mais cette histoire-là étant hautement improbable, nous dûmes résister à l’envie de renoncer.

Force est de constater que c’est la maîtrise de son art, notamment son savoir-faire dans la relance de l’intrigue, qui nous amena au bout du livre.


Alexandre Anizy


L'enterrement du talentueux Miroslav Krleža

Publié le par Alexandre Anizy

Le récit d'un « Enterrement à Thérésienbourg » de Miroslav Krleža (éditions Ombres, septembre 1994, 89 pages, 49 FRF) commence par une présentation historique du 17ème Régiment impérial et royal de Dragons d'Aspern et Essling, dont la fin explique sa localisation dans cette garnison.

« En été, un vieil invalide de 1848 vendait des galettes, du jus de framboise et des ballons devant l'impératrice tandis que, devant Kossuth-Layos, entre le lierre et le laurier, une grossière main de bois portait discrètement un écriteau sur lequel étaient dessinés, symétriques et elliptiques, les deux zéros du symbole pannonien des W.C. » (p.17)

L'élégance d'un style non dénué d'ironie montre que nous sommes en bonne compagnie.


Le drame surviendra après un événement cocasse. Nous assisterons à l'enterrement du lieutenant Guéza Ramong d'Orkeny et Magasfalva, et tout particulièrement à l'oraison funèbre dite par le colonel von Warronigg.

Iconoclaste.



Alexandre Anizy

Sous le soleil de Slobodan Selenić

Publié le par Alexandre Anizy

Aujourd'hui, prenons de l'altitude avec Slobodan Selenić, que nous classons d'emblée dans la catégorie des géants grâce notamment à « l'ombre des aïeux » (Gallimard, octobre 1999, 409 pages, 170 FRF).


C'est l'histoire d'un jeune Belgradois en formation en Angleterre, qui épouse une Anglaise et la ramène au pays ; c'est l'histoire du rapport entre une étrangère et la Serbie des années 1930, entre cette mère anglaise et son fils Mihajlo ; c'est l'histoire d'un Serbe bien éduqué, dépassé par la fureur de l'époque qui pénètre dans sa propre maison.


Comme nous, vous serez subjugués par la finesse de l'analyse psychologique, par la montée inexorable de la tension dramatique, par la maîtrise narrative et stylistique (1).

Prenons l'incipit:

« Calé sur deux grands oreillers, je suis plutôt assis que couché dans mon lit antique large comme une couche royale, qui est pour moi, depuis deux décennies au moins, le refuge le plus sûr et le centre de notre enclos bien protégé. »

Ou encore :

« Nul autre que moi n'eût pu deviner, dans l'attitude posée et raisonnable de ma chère obstinée, le volcan de sensualité qu'elle pouvait être et moins encore que, malgré la honte qui l'envahissait après ses envolées licencieuses, mon Elizabeth, si maîtresse d'elle-même en toute circonstance, emportée par les vagues furieuses du plaisir, dérivait, impuissante, comme un léger esquif dans les grandes tempêtes d'équinoxe. » (p.205)


En prime, nous vous offrons un aphorisme :

« L'esprit critique dans le patriotisme, c'est la religiosité sans la foi. » (p.171)


C'est aussi l'histoire de la Yougoslavie entre les deux Guerres mondiales, commentée sans complaisance par un intellectuel serbe. Une vision complémentaire à celle de Svetlana Velmar-Janković, avec son chef d'œuvre « dans le noir ».

Lire à son sujet les notes

http://www.alexandreanizy.com/article-20514017.html

http://www.alexandreanizy.com/article-35605079.html


Sans tarder, lisez maintenant Slobodan Selenić, un soleil dans l'ordinaire grisaille littéraire !


Alexandre Anizy


(1) : soulignons le remarquable travail de traduction de Gojko Lukić et de Gabriel Iaculli.

Marie Ndiaye écrivain impuissant

Publié le par Alexandre Anizy

« Trois femmes puissantes » (Gallimard, décembre 2009, 317 pages, 19 €) est un roman couronné de succès (d'abord public, puis officiel avec le prix Goncourt), qui réhausse le niveau général de la littérature française contemporaine. Marie Ndiaye a du talent et du métier, ce dont tout le monde convient. Pour autant, que penser de ce roman-là ?


Il s'agit de vraies fictions (trois pour le prix d'une), qui nous auraient réconciliés avec le genre romanesque si nous n'avions pas achevé ce livre en nous interrogeant sur son réel intérêt. Pourquoi trois histoires ? Hormis l'origine africaine et la puissance des femmes, les vilenies des hommes, quelle est la thématique unitaire ? En refermant l'ouvrage, nous étions déçus, parce que ce rassemblement de trois récits indépendants ne constitue pas un projet littéraire satisfaisant.


Reste l'écriture, qui pose un problème. Incontestablement, Marie Ndiaye travaille ses textes : sous une modestie apparente, nous voyons bien que les phrases sont ciselées, que les mots sont polis, que le foisonnement lexical constitue la règle d'or. Obnubilé par sa quête d'une phraséologie éclatante, l'auteur en oublie la plausibilité du sens, par exemple lorsqu'il parle de « maison arrogante » (p.11) ou bien de « croassement réticent » (p.220) (c'est le propriétaire d'un bâtiment qui peut être arrogant, c'est la grenouille qui peut être réticente …) Du fait de l'accumulation, les incongruités et la préciosité finissent par empeser le style ; alors tout paraît fade à cause de la richesse excessive, qui n'empêche pas les répétitions idiotes comme le verbe paraître dans la citation suivante, atone par le rythme saccadé comme dans l'incipit :

« Et celui qui l'accueillit ou qui parut comme fortuitement sur le seuil de sa grande maison de béton, dans une intensité de lumière soudain si forte que son corps vêtu de clair paraissait la produire et la répandre lui-même, cet homme qui se tenait là, petit, alourdi, diffusant un éclat blanc comme une ampoule au néon, cet homme surgi au seuil de sa maison démesurée n'avait plus rien, se dit aussitôt Norah, de sa superbe, de sa stature, de sa jeunesse auparavant si mystérieusement constante qu'elle semblait impérissable. »

Le tort de Marie Ndiaye est de s'écouter écrire, si bien qu'elle en oublie le style, au sens que lui donne Philippe Djian dans « ardoise ».

(lire http://www.alexandreanizy.com/article-6876006.html )


 

« Quel sens cela aurait-il d'ajouter ma voix aux indignations qui s'expriment, si elle n'est pas originale ? », s'interrogeait Marie Ndiaye dans le Figaro du 15 octobre 2009 à propos de l'engagement politique des intellectuels, en semblant ignorer que cela vaut aussi pour la littérature.



Alexandre Anizy

 

Petit bémol pour Jacques Marseille

Publié le par Alexandre Anizy

La mort de Jacques Marseille a marqué beaucoup d'esprits dans les salles parisiennes de rédaction, si on se fie au nombre d'hommages rendus. Nous nous associons évidemment aux louanges concernant l'historien, élève de Jean Bouvier (auteur d'un travail remarquable sur la « Naissance d'une banque : le crédit lyonnais » - Flammarion, 4ème trimestre 1968, 382 pages), dont il prendra la succession à la chaire d'histoire économique et sociale de la Sorbonne.


Jacques Marseille était un excellent historien dont les articles de presse avaient aussi le mérite de bousculer les certitudes établies. Pour le fond idéologique, nous n'avons pas attendu aujourd'hui pour railler le professeur : lire notre note prémonitoire (sur la crise et les banques) du 12 novembre 2007

http://www.alexandreanizy.com/article-7244247.html ,

et celle du 26 août 2008

http://www.alexandreanizy.com/article-22253855.html .


Nous n'avons pas l'intention d'imiter ici le colonel von Warronigg à la fin du récit « enterrement à Thérésienbourg » de Miroslav Krleža (éditions Ombres, septembre 1994, 89 pages, 49 FRF), mais simplement d'apporter un bémol dans ce déluge d'éloges.

Il se trouve que nous avons suivi un cours de Jacques Marseille à l'université de Paris 8 (sans lui, nous n'aurions jamais lu Agricol Perdiguier, « Mémoires d'un compagnon » - éditions François Maspéro, 3ème trimestre 1977, 419 pages) : comme enseignant, en ce lieu et à ce moment-là, il n'impressionnait ni par le talent, ni par la passion pédagogique.



Alexandre Anizy

 

Un Djian sans incidence

Publié le par Alexandre Anizy

Comme il y avait longtemps que nous n'avions pas pris une dose de style par l'entremise de Philippe Djian, nous décidâmes d'avaler la dernière œuvre de ce romancier talentueux.

Lire notre note précédente :

http://www.alexandreanizy.com/article-6876006.html


Dans « incidences » (Gallimard, février 2010, 233 pages, 17,90 €), tout est là, comme d'habitude : l'ambiance, le rythme. Prenons l'incipit :

« S'il y avait une chose dont il était encore capable, à cinquante-trois ans, par un grand soir d'hiver que blanchissait la lune et après avoir bu trois bouteilles d'un vin chilien particulièrement fort, c'était d'emprunter la route qui longeait la corniche le pied au plancher. »

Comparons à l'intro de « maudit manège » (éditions Bernard Barrault, mars 1986, 386 pages, 78 FRF) :

« Un soir, environ cinq ans après la mort de Betty, j'ai bien cru que ma dernière heure venait d'arriver. Et Dieu sait que je m'attendais pas du tout à ça. »

Mais le Djian débutant n'aurait pas écrit un truc de ce genre :

« Maintenant, il connaissait la douceur. Il savait désormais ce qu'une femme avait à offrir, au-delà du sexe. Il était au courant, désormais. Il se sentait apaisé. » (incidences, p.215)


Allez-y, plongez dans la faille du dernier des Djian.



Alexandre Anizy

 

La convocation ennuyeuse d' Herta Müller

Publié le par Alexandre Anizy

Issue d'une riche famille allemande du Banat expropriée par les communistes, avec un père ayant combattu dans la Waffen-SS, on comprend sans difficulté l'ardente combativité d'Herta Müller contre le régime pourri du dictateur roumain Nicolae Ceausescu. Cet écrivain n'ignore rien des saloperies de la Securitate.


Dans son roman « la convocation » (Métailié, février 2001, 208 pages, 18 €), elle veut nous décrire les tracas d'une rebelle dans les Carpates. Malheureusement, elle ne parvient pas à nous intéresser, tant son propos nombriliste d'une sécheresse étonnante semble vagabonder au gré de son humeur et de ses associations d'images.

Bref, on s'ennuie beaucoup et on cherche en vain la poésie d'Herta Müller.


Dès qu'elle a retrouvé sa mère patrie, Herta Müller a été choyée par les jurys littéraires ou autres : quasiment une breloque tous les deux ans. Un peu comme les chercheurs dont la réputation ne grandit qu'en fonction du nombre d'articles et autres communications publiés, indépendamment de leurs authentiques originalités, la renommée d'Herta Müller finit par atteindre le zénith : le prix Nobel en 2009.

Grand bien lui fasse !



Alexandre Anizy

 

 

 

 

Du milliardaire philosophe Bernard-Henri Lévy : sources bidon, concepts bidon

Publié le par Alexandre Anizy

Après son explosion en plein vol médiatique à cause d'une « boulette atomique » incrustée dans son dernier produit frelaté, l'obscène milliardaire philosophe Bernard-Henri Lévy voit venir la deuxième vague de son plan médias, comme nous l'annoncions la semaine dernière :

http://www.alexandreanizy.com/article-le-milliardaire-philosophe-bernard-henri-levy-optimise-sa-couverture-mediatique-44493553.html .


Cela commence dès le lundi soir par un plaidoyer de l'ex papesse du Monde des livres, Josyane Savigneau, qui ne refuse rien aux faiseurs de la scène intellectuelle germanopratine. Son article est un bon exemple de la méthode pernicieuse du quotidien vespéral.

Résumons son propos : Normalien agrégé de philosophie, le penseur Bernard-Henri Lévy serait-il, « et pas toujours contre son gré », «  l'otage de BHL, riche héritier et star médiatique » ? Après un passage, construit autour de citations du faiseur, voulant accréditer l'idée d'un travail philosophique sérieux, mais qui ne dit rien sur « la fâcheuse erreur », Savigneau dit qu'elle « (…) a eu le sentiment que BHL, avec ses relations, ses réseaux, sa volonté de puissance, avait agi, au lieu de laisser la pensée de Bernard-Henri Lévy s'imposer ».

Suit un aperçu du bombardement médiatique.

Puis vient le moment d'aborder le vrai sujet : « Parallèlement, un fâcheux incident s'est produit. Le site littéraire du Nouvel Observateur, Bibliobs, a révélé que (…) s'appuyait sur un auteur fictif, Botul. »

Ce qui est vraiment fâcheux pour Savigneau du Monde, ce n'est pas qu'un intellectuel use d'une source bidon dans une argumentation philosophique, c'est qu'un site littéraire ait découvert le pot aux roses.

Le reste du plaidoyer : on s'attaque à cette malencontreuse erreur pour discréditer un penseur, pour ne pas le lire … « Cela s'appelle la haine de la pensée » (BHL, cité par Savigneau) (C'est d'ailleurs la trouvaille de la journaliste : user des mots de BHL pour défendre BHL)



Pour nous, Madame Savigneau, le Normalien agrégé a depuis longtemps oublié ce qu'était un travail intellectuel. Aujourd'hui, il en arrive à discuter philosophiquement avec des penseurs inexistants (mais a-t-il lui-même réellement lu le livre canular sur Botul ? Une bonne question si on est un vrai journaliste), ou bien à bidonner un reportage (« choses vues dans la Géorgie en guerre », dans le Monde du 19 août 2008 … et la polémique qui suivit). Quelle pitié !


Car l'obscène milliardaire philosophe Bernard-Henri Lévy se prétend aussi un guerrier, qui se bat « pour réintroduire de la morale dans cette jungle qu'est le néocapitalisme », notamment avec « ce qu'on appelle là-bas [les USA] la philantropie et qui est une autre version de nos idéaux redistributifs ».

Comme l'a souligné Maurice Ulrich, « La guerre en philosophie ramenée à une pratique de dames patronnesses (...) ».

Apparemment, ce serait aussi la réponse du milliardaire philosophe à la question sociale : le futur est un retour au XIXème siècle …



En conclusion, nous disons que nous avons trouvé, il y a longtemps, une réponse simple et honnête à la question suivante : pourquoi faut-il ignorer les produits griffés par le milliardaire philosophe Bernard-Henri Lévy ?

Parce que, comme disent les industriels américains (BHL adooore les Etats-Unis …), « Shit in, shit out ».



Alexandre Anizy


P.S 1 : comme « il faut sauver le guerrier Lévy », vont prochainement apparaître à la une, à l'écran, à la radio, tous les affidés (comme les scribouillards de la revue « la règle du jeu » appartenant au riche BHL – comme dirait Savigneau), tous les ex GP devenus néocons, etc.


P.S 2 : nous avons appris que Nicolas Domenach (de Marianne) et Christophe Barbier (de l'Express) soutiennent BHL contre ceux qui lui cherchent des poux pour une fâcheuse erreur … Ces 2 journalistes, qui ont interviewé le « penseur » à l'occasion de la sortie du produit frelaté, n'avait rien remarqué à la lecture (mais l'ont-ils lu ?), de sorte qu'ils pensent peut-être qu'ils ne peuvent pas agir autrement sans risquer de perdre la face … Où va se nicher l'éthique professionnelle ?