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La banqueroute est la voie royale

Publié le par Alexandre Anizy

Pourquoi les Républicains seraient-ils plus vertueux que les rois ? Il faut être économiquement et historiquement inculte, ou bien sot ou aveuglé par la doxa ordo-libérale, ou bien intéressé d'une manière ou d'une autre par l'accaparement monstrueux opéré par les forces financières sur la richesse mondiale, pour persister sur la route de la servitude comme un mauvais président, le culbuto molletiste Hollande.

            Pour informer le bon peuple de France, ce que ne font jamais vraiment les medias possédés par de grandes fortunes (il n'y a rien d'exceptionnel dans cette situation), Thomas Morel et François Ruffin ont eu l'excellente idée de piocher dans l'histoire de France des cas exemplaires de réduction drastique de la dette souveraine, qu'ils ont rassemblés dans un livre salutaire titré Vive la banqueroute ! Comment la France a réglé ses dettes, de Philippe le Bel au général de Gaulle (Fakirs éditions, 2ème trimestre 2013, 134 pages, 6 €) (1)

 

            Commençons par Philippe le Bel. Ne faut-il pas du "courage" à ce souverain pour brûler sur la place publique les financiers performants de son époque, i.e. les Templiers, et ce faisant mettre la main sur la fortune de cette secte ? C'est qu'il ne transigeait pas avec la raison d'Etat qui était d'abord et surtout la sienne, à Philippe le Bel, car il n'avait pas hésité pas avant ce bon coup de l'an 1307 à dévaluer sa monnaie (il mettait moins d'or et moins d'argent dans les pièces : un "faux monnayeur", disaient les mauvaises langues). Il est vrai qu'en 1288 le remboursement de la dette absorbait 66 % des recettes royales !

            Passons à Henri II (avait-il lu ou conversé dans ses rêves avec Sun Zi ?). En 1557, la crise monétaire part de l'Espagne et les dominos tombent en quelques mois (Portugal, Pays-Bas, villes d'Italie, et même l'Allemagne). La France croulait sous les dettes en 1547 avec un taux d'intérêt de 16 %, quand Henri II monta sur le trône. Alors que fit-il dix ans plus tard ? Il profita de la crise pour unilatéralement baisser les taux et suspendre le remboursement. Mieux que ça ! Henri II emprunta sans compter, car les banquiers avaient trop peur de tout perdre s'ils refusaient de lui faire crédit ... Ils avaient déjà compris  à leurs dépens l'avantage d'un grand principe de la finance : too big to fail (trop gros pour faire faillite).

            Arrivons au XXe siècle, au franc Poincaré. C'est une grande leçon de réalisme économique. En 1926, Raymond Poincaré devient président du Conseil après l'échec du Cartel de gauche (1924 - 1926) qui s'est heurté au mur de l'argent, lorsque la Banque de France (à l'époque, c'était une banque tenue par les grandes fortunes françaises) a refusé de faire de nouveaux crédits à l'Etat. Ceci est navrant, certes, mais la faute économique et politique du Cartel est de ne pas avoir compris que la France avait commis une erreur monétaire (comme l'Angleterre d'ailleurs) : maintenir la parité franc / or de 1913 alors qu'avec la grande boucherie, 25 % de la richesse nationale et 10 % de la population active ont disparu. Pour financer la guerre, la France s'est endettée et le budget croule sous cette charge du passé qui en pompe 40 % ! C'est à un Cartel frileux et respectueux des créanciers que les 200 familles ferment le robinet du crédit, pour mieux revenir aux affaires qu'elles n'avaient pas vraiment quittées. Que va faire Poincaré après avoir donné du temps au temps ? Dévaluer le franc de 80 % !

            La Libération de 1945 est un autre exemple à méditer pour les parlementaires psumpesques et quelques autres. En lisant Vive la banqueroute, vous prendrez de l'avance (intellectuelle) par rapport à tous ces suiveurs doxistes qui se croient responsables, voire pis courageux. Vous découvrirez qu'en 1945 le sage Mendès-France était un piètre économiste et un politicien médiocre. Même l'orthodoxe Jacques Rueff en fit le constat : « Il me parut que, dans l'état d'ivresse de la Libération, avec des administrations désorganisées et très peu efficaces, il n'y avait aucune chance pour que de pareilles dispositions [celles préconisées par Mendès-France, ndAA] puissent être l'objet d'une application cohérente et rigoureuse.» (cité p.103) 

            Enfin, les auteurs n'oublient pas de se gausser du "meilleur économiste" de France, Raymond Barre, dont le bilan calamiteux n'a échappé à personne.

 

 

            Alors il ne vous reste qu'une chose à faire : passer directement commande aux éditions Fakir pour ne pas devenir un des moutons que les gouvernants actuels voudraient berner pour mieux les tondre.

 

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) Commandez le livre directement dans la boutique du site  

                                   http://www.fakirpresse.info 

puisque les libraires (la Fnac par exemple) sont en train de le retourner à l'éditeur. Vous serez livrés sous 8 jours, ce qui est parfait (il n'y a pas le feu au lac, n'est-ce pas ?)  

 

 

 

Anticiper la saignée d'avant 2017 grâce à François Morin

Publié le par Alexandre Anizy

Si vous voulez connaître le scénario de la prochaine crise financière (probablement avant la fin de 2017 - ndAA), nous vous recommandons de lire sans tarder le petit livre de François Morin titré La grande saignée - contre le cataclysme financier à venir (Lux Editeur, 3ème trimestre 2013, 111 pages, 10 €), qui fait la lumière sur la folle machinerie instable qui régit le monde. Contrairement aux avis lénifiants de l'économiste Daniel Cohen qui ne peut pas ne pas penser aux intérêts du banquier Daniel Cohen (Vice Président chez Lazard), ou bien de l'économiste et banquier tunisien Olivier Pastré, l'auteur montre le degré de contamination du système financier et en tire les conséquences.

 

            Après 40 ans de dérèglementation financière et de gestion néolibérale de la monnaie (rappel : en France, ce sont Giscard et Pompidou qui livrent l'Etat français aux Forces de l'Argent en 1973), alors qu'ils sont maîtres du jeu monétaire, les banques imposent leurs taux d'intérêt aux Etats qu'elles soumettent à la discipline budgétaire pour honorer le service de la dette, et « ce n'est plus la hausse des prix des biens et des services qui déclenche une inflation, c'est une hausse du prix des actifs (immobiliers, actions, obligations, produits financiers dérivés). Ce qui provoque une éclosion de bulles spéculatives. » (p.22)

            Marquons le mouvement général de l'enfermement bancaire par quelques dates. Tout peut commencer à partir du 15 août 1971, quand les Etats-Unis rompent le lien entre le dollar et l'or (la base du système monétaire internationale mis en place par les accords de Bretton Woods signés en 1944, qui régissent la période dite des Trente Glorieuses pendant laquelle « aucune crise financière ne sévit dans le monde ») : en 1973, la libéralisation complète des taux de change est instaurée. C'est le premier abandon de souveraineté monétaire. « Une seconde libéralisation, celles des taux d'intérêt, intervient à la fin des années 1970 et durant les années 1980 », au fur et à mesure que les banques s'emparent de l'essentiel de l'émission et de la gestion de la monnaie. A la fin de cette conquête, « Taux de change et taux d'intérêt sont en effet des prix fixés par le marché dont les niveaux fluctuent dorénavant à chaque milliseconde » (p.24). Mais pour entreprendre, innover, commercer mondialement, les vrais créateurs de richesse ont besoin de la stabilité qui inspire la confiance (l'antidote de l'incertitude radicale, concept cher à Keynes et à Edwin Le Héron). Alors « Les plus grandes banques vont réagir rapidement. Elles vont proposer des "produits financiers dérivés" qui permettent aux acteurs de l'économie réelle d'être rassurés contre les risques liés aux variations des prix de marché, et principalement aux évolutions incessantes des taux de change et des taux d'intérêt ». (p.25)

            Dans les années 1990, c'est le dernier acte du processus : la libéralisation du mouvement des capitaux. La contamination peut alors se généraliser, puisque le risque lié aux variations de prix est disséminé et concentré.

            « Et c'est précisément là le point aveugle de cette dérégulation. Les produits financiers dérivés sont assurément des produits de couverture, mais ils sont en même temps des produits risqués pour ceux qui les émettent (à savoir les grandes banques). Or, il s'est avéré qu'il n'existe ni mutualisation réelle du risque pour ces titres, ni efficacité financière permettant un équilibre de prix. » (p.25)

[A ce sujet, quelle ne fut pas notre stupéfaction en août 2007, alors que les marchés s'affolaient, lorsque nous lûmes à la une du Monde l'article du dominus magnus de la firme Axa, Henri de la Croix de Castries, dans lequel il était question de "salade niçoise" et de mutualisation des risques ! C'était une communication savante qui révélait surtout l'incompétence de son auteur qui n'entravait que dalle ! (1)]

            Au jour d'aujourd'hui sur les marchés, on a donc 29 banques dites systémiques (2), dont le total des bilans au 31 décembre 2011 s'élevait à 46.115 Milliards de dollars, contre 198 Etats avec un endettement public mondial de 46.197 Milliards de dollars. Etonnant, n'est-ce pas ? Elles constituent un oligopole bancaire (3) organisé, notamment en occupant les postes-clés au sein de l'Institut de Finance International (IFI) qui regroupe 400 banques de la planète.      

 

            Pourquoi une crise financière en août 2007 ?

            Revenons aux produits financiers dérivés créés par les banques. Des obligations représentatives de créances (notamment les fameux crédits subprime) sont créées et vendues sur les marchés. Cette titrisation (nom donné à ces opérations) a en particulier donné naissance à des Collateral Debt Obligation (CDO, en français "obligations structurées adossées à des emprunts"). A la fin de 2006 aux Etats-Unis, suite à la hausse brutale des taux d'intérêt, les ménages qui ont emprunté à des taux variables ne peuvent plus payer : ils doivent vendre. Alors le marché immobilier s'effondre, comme la valeur de ces crédits. L'effondrement a vite gagné les titres financiers qui représentaient ces créances : les CDO.

            « Mais hélas, ces CDO étaient déjà entrés dans la composition d'autres CDO (des CDO square, "au carré", autrement dit des CDO de CDO !) avec lesquels ils formaient des empilements parfois très complexes. Ces constructions pyramidales ont rendu évidemment très problématique, pour ne pas dire impossible, l'évaluation des titres qui entraient dans ces constructions. » (p.31)

            Très souvent, les banques avaient acquis ces actifs toxiques pour leurs comptes propres : étant dans l'impossibilité de leur donner un prix, ils devenaient ipso facto sans valeur. Pour une banque, la perte substantielle de valeur de ses fonds propres a 4 conséquences :

  • mise en faillite (le cas Lehman Brothers en septembre 2008);
  • reprise en main partielle ou totale par l'Etat (le cas aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne)  ;
  • absorption par une autre banque ;
  • obligation de réduire son activité pour respecter le ration prudentiel de Bâle II (norme bancaire internationale), si elle est parvenue à préserver sa solvabilité et son indépendance.

            En 2008, les banques contaminées (i.e. quasiment toutes) ayant subi des pertes, elles ont restreint leur activité de crédit, et les Etats sont intervenus pour les recapitaliser. Pour l'Europe, les sommes publiques engagées s'élèvent à 5.000 Milliards d'euros. (p.33) Ce sont les marchés financiers eux-mêmes qui ont fourni les Etats, parce que les Banques Centrales ont ouvert les vannes (baisse des taux directeurs pour faciliter le refinancement des banques, rachat de titres obligataires sur le marché secondaire). Résultat immédiat : dès la fin 2009, ce sont maintenant tous les Etats qui apparaissent surendettés.

Si on prend le cas de la France, au 30 avril 2007, l'encours de la dette négociable de l'Etat s'élève à 904 Milliards d'euros. Au 30 avril 2012, le montant de l'encours est de 1.350 Milliards d'euros. (source : bulletins mensuels de l'Agence France Trésor) Ainsi sous la présidence de Sarkozy de Nagy Bocsa, cet encours a augmenté de 446 Milliards, soit une hausse de 49,34 %. En 2011, la dette publique représentait 85,8 % du PIB alors qu'elle n'était qu'à 63,9 % en 2006, soit une hausse de 21,9 points (sources de l'AFT : FMI, Eurostat, Insee).

 

            Que font les gouvernements des grands pays industriels au jour d'aujourd'hui ? En fait, ils partagent « une même vision des mesures d'urgence à engager : on rachète massivement ses dettes souveraines, on injecte des liquidités sur les marchés monétaires, on diminue très progressivement les déficits publics, on se fait la guerre entre monnaies. » (p.46) Les grandes banques centrales (BC) comme la Fed, la Banque du Japon, la Banque d'Angleterre, rachètent massivement leurs dettes souveraines respectives ; la BCE, coincée dans son carcan ordo-libéral, ne le fait pas. Résultat : le yen a perdu 45 % par rapport au dollar entre novembre 2012 et avril 2013 ; le dollar et la livre sterling ont décroché par rapport à l'euro, la monnaie unique de l'Europe qui est « le jouet des autres monnaies : elle reste la variable d'ajustement, à la hausse, de cette empoignade ». (p.48)

            « dans les périodes difficiles, banques centrales et gouvernements travaillent dans le même sens. L'intérêt supérieur du pays fait que ces deux acteurs majeurs jouent ensemble en parfaite connivence. Cette forme de consensus n'existe pas aujourd'hui en Europe. L'euro est alors la victime désignée des politiques monétaires menées par les autres pays. » (p.48)

 

            Sachant que les CDO ont été le premier poison de la crise de 2007 qui explosa le 15 septembre 2008 avec la faillite de Lehman Brothers, quel est le poison qui déclenchera la prochaine débâcle financière ?  Ce sont les credit default swap (CDS, en français les "couvertures de défaillance") : « Comme tout produit dérivé, les CDS possèdent une face "couverture" et une face "spéculative". Face "couverture", ils permettent à ceux qui les détiennent d'être assurés contre le risque de défaut de paiement d'un émetteur de dettes. (...) Face "spéculative" ensuite. Bien évidemment, la banque qui vend un CDS est en position risquée. Elle peut à tout moment être amenée à rembourser les détenteurs de CDS en cas de défaut de paiement d'un émetteur de dette. » (p.50) En contrepartie du risque qu'elles prennent, les banques émettrices de CDS touchent des primes versées par  ceux qui ont choisi de se couvrir. (4)

            Prenons ce qui s'est passé avec la faillite de Lehman Brothers. Il existait un CDS sur la dette de Lehman Brothers, émis par le groupe américain AIG. Immédiatement, AIG a dû rembourser 175 Milliards de dollars ! Sans un cent pour le faire, c'est le gouvernement américain qui a payé dans l'urgence, parce que AIG était un mastodonte systémique dont la faillite aurait déclenché une incontrôlable réaction en chaîne planétaire.

            Alors que se passe-t-il avec les CDS ? Comme c'est un produit financier, ils s'échangent sur un marché de gré à gré (pas de chambre de compensation), et par conséquent la valeur des CDS fluctuent. En principe, la valeur du CDS est à la hausse si le risque lié à la dette sous-jacente augmente (par exemple : quand une entreprise est mal gérée ou quand les indicateurs économiques d'un pays se dégradent). Ainsi très vite sur les marchés, avant d'acheter une obligation d'un pays, d'une firme, les investisseurs ont pris l'habitude de regarder la tendance sur les CDS du pays ou de la firme. « Le marché de ce produit dérivé très particulier va donc se retrouver à déterminer en grande partie la valeur des obligations sous-jacentes. » (p.52) Et il y a « un facteur aggravant qui décuple la spéculation : nul n'est tenu de posséder le produit sous-jacent pour acheter le produit dérivé correspondant. » (idem) On parle alors de "CDS nus". Aggravant, en effet. Sur les marchés, les détenteurs de CDS nus ont tout intérêt à voir la valeur du produit sous-jacent s'effondrer, car cela déclencherait le remboursement immédiat de leurs CDS. Autrement dit, concernant les dettes souveraines, les détenteurs de CDS nus ont intérêt à la propagation des défauts de paiement. Un exemple ? La fameuse troïka (FMI, BCE, Commission de l'Union Allemande) a géré le problème de la dette grecque avec en plus la hantise d'un déclenchement des CDS avec effet domino.

            Au fait, dans le système financier mondial, qui déclare officiellement le défaut de paiement d'un acteur ? C'est l'International Swaps and Derivatives Association (ISDA), une organisation sous la coupe des banques systémiques ... émettrices de CDS. 

[Dès le 2 octobre 2008, nous avions écrit que les CDS représentaient une véritable bombe, qu'il fallait désamorcer et interdire dans les plus brefs délais. Ceci n'a pas été fait. Lire notre billet :    http://www.alexandreanizy.com/article-23333443.html ]

 

 

            Nous vivons dans une bulle obligataire mondiale due à l'envolée des dettes souveraines (rappel : c'était pour sauver le système bancaire à partir de 2007, comme on l'a expliquée précédemment) et à la globalisation des marchés obligataires et celui des CDS : les salles de marché sont en interconnexion permanente. Dans cette bulle mondiale, « tout choc baissier sur la valeur des obligations se traduit négativement dans le bilan des banques. Simultanément, la hausse des taux d'intérêt - que provoque une valeur des obligations en baisse - crée un coût supplémentaire pour l'Etat s'il doit procéder à une nouvelle émission obligataire sur le marché financier. » (p.72) Bref, voilà de quoi entretenir la relation de dépendance entre les Etats et les banques systémiques.

            Du récit de l'évolution financière que François Morin a développé, « il découle que l'explosion de la bulle obligataire peut provenir soit d'un défaut de paiement d'un Etat, soit de la mise en faillite d'une banque systémique. » (p.72) Il n'est pas ridicule de penser que le système financier peut s'effondrer à cause d'un bankster, quand on sait que depuis la chute de Lehman Brothers en 2008, « à 25 reprises une quinzaine de banques à dimension systémique ont été gravement impliquées. » [UBS 4 fois, Société Générale et Goldman Sachs 3 fois, HSBC, RBS et Bank of America 2 fois] (p.74)

            Par exemple, dans le scandale du Libor, « l'enquête a démontré que la seule banque Barclays avait manipulé le Libor 173 fois entre 2005 et 2009 ! » (p.75) Face à de tels agissements, il faut comprendre que Jérôme Kerviel n'était au mieux qu'un caporal du milieu financier. (5)

 

            Quelle hypothèse pour le prochain incendie ?

            Cela pourrait commencer par un pays ou une banque ou une compagnie d'assurance ou une multinationale défaillante, qui allumerait la mèche dans la bulle obligataire mondiale décrite ci-dessus. Une fois activé, le feu n'épargnerait aucune banque. Contrairement à la crise de 2007, « les Etats seront alors aux abonnés absents en cas d'appel au secours. Trop endettés, ils assisteront impuissants à la tornade qui s'abattra sur le cœur du système financier mondial. (...) [les Etats] auront beau ériger des contrôles des changes, interdire l'accès aux guichets, bref limiter et contrôler les mouvements de capitaux, ils feront tous face à des systèmes bancaires en lambeaux et à un système monétaire et financier mondial en miettes. » (p.78) Les conséquences économiques et sociales seront terribles : récession brutale, recul important du commerce mondial, montée rapide du chômage, mouvements de masse et affrontements.

            Détaillons le processus avec François Morin. Le défaut de paiement d'un acteur économique met en branle le jeu de dominos ; la faillite en chaîne des banques perturbera gravement le marché interbancaire. Les banques centrales injecteront massivement des liquidités, mais les banquiers les placeront aussitôt sur leurs comptes de réserve dans leurs BC respectives : c'est la trappe à liquidités. La crise monétaire suivra la crise financière. Plus de financement pour les entreprises, plus de crédit à la consommation pour les ménages : la crise devient économique. Par le biais d'un fort recul du commerce mondial, l'affaissement de la production se propagera sur toute la planète qui entrera en dépression. Ceci provoquera partout des changements politiques.

            N'étant pas nihiliste, François Morin évoque une opportunité salvatrice que ne manqueront pas de saisir les Etats, car malgré leur endettement et les dogmes stupides qui les gouvernent ils ne resteront pas inactifs. « Plombées d'actifs toxiques, avec des fonds propres ne valant plus rien, ayant subi le rush des déposants, les banques seront rachetées par les Etats et, chaque fois, pour un euro, un dollar, une livre sterling, ou un yen symbolique... » (p.82) Ces nationalisations seront le premier pas vers la sortie de crise, car les Etats vont ainsi s'emparer de leurs propres dettes ... qu'ils pourront annuler, et ils pourront s'échanger entre eux leurs dettes souveraines qu'ils veilleront à effacer. Au bout du compte, dans les décombres des marchés financiers, les Etats rachèteront à bas prix ce qui restera de leurs dettes. « Aussi gravissime que soit le désastre, l'effacement des dettes souveraines dans les délais assez rapides en sera une conséquence positive. (...) Le paysage politique et social de l'après-crise, bien que dévasté, se présentera en effet comme un terrain relativement vierge à reconstruire pour chaque pays, pour chaque région. Reconstruction nationale, mais aussi internationale. » (p.84)

           

            François Morin essaie aussi de voir si un autre scénario empêcherait l'éclatement de la bulle obligataire mondiale. Mais il constate lui aussi que, tant que le néolibéralisme et sa variante ordo-libérale seront l'alpha et l'oméga des politiques économiques mondiales, la mise en service de l'outil "inflation" sera impossible et le démantèlement des Etats se poursuivra, puisqu'il représente la seule voie possible de ces fanatiques pour réduire la dette souveraine par la baisse des dépenses publiques, autrement dit la saignée qui fait crever le patient. Dans ces conditions idéologiques, Morin comprend que des faillites seront inévitables, que pour les banques modestes et les petits Etats le Système, avec notamment sa troïka (FMI, BCE, Commission de l'Union Allemande), saura trouver cahin-caha des solutions appropriées mais toujours conditionnées à des mesures drastiques inopérantes, comme la Grèce l'a déjà démontré. Mais au bout de cette route mortifère, c'est la débâcle financière.

            Finalement, pour lutter contre l'instabilité financière à l'origine du mal, François Morin en vient à poser 2 principes :

« Pour cela, les Etats doivent évidemment recouvrer leur souveraineté en matière de taux de change et de taux d'intérêt. » (p.100) ;

« Ce dont il est question, c'est plutôt de bâtir une monnaie commune à la façon, par exemple, de celle que Keynes concevait en 1944 en lui donnant le nom de bancor. » (idem)

Autant vous dire que le chemin chaotique sera long.

 

 

            Face à cette débâcle financière inéluctable (répétons-le : il n'est pas absurde de penser qu'elle se produira avant la fin de 2017) et le recul économique et sociale qu'elle engendrera, nous nous interrogeons, adoptant les 2 principes de Morin : la France peut-elle utiliser les circonstances à venir pour tirer son épingle du jeu ?

« C'est pourquoi face à un bon agresseur l'ennemi ne sait quelles positions défendre ; face à un bon défenseur, l'ennemi ne sait quelles positions attaquer. » Sun Zi (L'art de la guerre, Economica, 1990, p.115)

            Cinq banques françaises sont systémiques : elles sont donc au cœur du système monstrueux qui s'effondrera. L'Etat français peut en faire un avantage, maintenant. Dans l'hypothèse où le gouvernement déciderait de se lancer dans la manœuvre du retour au franc - moment où les forces du marché ne manqueraient pas d'agir violemment contre la France -, il serait judicieux pour l'Etat d'entrer préalablement en possession d'au moins une de ces 5 banques systémiques, afin d'être prêt lui-même à déclencher le feu dans la bulle obligataire mondiale : autrement dit, être dissuasif grâce à la menace systémique.

            Par cette anticipation, l'Etat se donnerait un peu de temps pour préparer l'après-crise et amortir le choc. En somme, il s'agit de faire mieux qu'Henri II.

 

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) : lire nos billets de 2008 et 2009

         http://www.alexandreanizy.com/article-37149494.html

et

          http://www.alexandreanizy.com/article-24837940.html

 

(2) : Les 29 banques systémiques sont : 8 américaines, 17 européennes dont 5 françaises, 3 japonaises et 1 chinoise.

 

(3) Exemple cité par F. Morin (p.29) : en 2012, 55 % des transactions sur le marché des changes par la Deutsche Bank (14,56 %), la City (12,29 %), Barclays et UBS et HSBC (pour 28,15 %) 

 

(4) Le CDS est un contrat, mais pas celui d'une assurance classique : après le dommage - ici c'est le défaut de paiement constaté -, point d'expertises à n'en plus finir ... on rembourse sans délai et automatiquement le détenteur de CDS pour la somme couverte !

 

(5) Lire les billets suivants de 2008, en saluant à nouveau l'honnêteté intellectuelle et le courage du professeur Philippe Dessertine, dont nous  avons critiqué ailleurs les "errements doxiques" :

            http://www.alexandreanizy.com/article-16358916.html

            et        

http://www.alexandreanizy.com/article-19172837.html

 

 

 

 

 

Terrassons le dragon Pascal Terrasse !

Publié le par Alexandre Anizy

C'est un apparatchik du PS (à 25 ans, l'encre de son diplôme de droit n'était pas encore sèche qu'il émargeait déjà auprès d'un Secrétaire d'Etat - en 1989), député de l'Ardèche à 32 ans, bref un type protégé qui n'a aucune expérience personnelle du marché du travail comme le vivent des millions de Français, qui en appelle ouvertement à la psumpesque union nationale. Pourquoi faire ? Instaurer la discipline sociale.

 

            Derrière cet élément de langage, on trouve l'ordinaire de la pensée eurocratique, comme :

« La vérité, c'est que l'austérité s'impose désormais à nous par des formes plus ou moins autoritaires. » ;

            [mais grâce à la coalition PSUMP, l'austérité sera douce ... pas de dragonnades ! ...  c'est une promesse implicite de Terrasse ! NdAA]

« Il est temps d'envisager des solutions nouvelles, comme celles qui ont permis à l'Allemagne de se redresser. » ;

            [L'agenda de Schröder, est-ce vraiment nouveau ? Economiquement judicieux ? Que nenni !]

« Mon propos n'est pas de demander de la dérégulation sociale, mais plutôt d'acter le principe de la discipline sociale. (...) nous devons revoir notre système de redistribution depuis les prestations sociales jusqu'au contrat de travail encore trop rigide (...) ».

            [En moins de 10 lignes, dans le même entretien au Figaro du 28 novembre 2013, Pascal Terrasse vous plonge dans son cerveau rongé de contradictions - pas de dérèglementation mais on poursuit la casse de l'Etat social ! Vous devez être fatigué, il faut vous reposer, monsieur le député démolisseur.]

 

            Monsieur Pascal Terrasse est un homme protégé qui ne risque pas de connaître les rigueurs de l'hiver social qu'il appelle de ses vœux. Il fait partie de ces politiciens qui aiment se retrancher derrière le drapeau de l'union nationale, un peu comme les parlementaires de juin 1940 se sont planqués à Vichy derrière le Maréchal Pétain en lui donnant les pleins pouvoirs (on s'en lave les mains mais on touchera la solde...).

 

            Anticipant le jour funeste pour la France où la pseudo élite fera loge commune pour mieux mater la populace (ce qu'ils pensent), nous lançons un appel symbolique :

                                   Terrassons le dragon Terrasse !

 

 

Alexandre Anizy    

 

 

Désobéir à l'Union Allemande (UA)

Publié le par Alexandre Anizy

Il ne faut pas désespérer des enseignants des écoles de commerce, car parmi eux il y en a qui comprennent quelque chose à la crise économique actuelle, et surtout qui ne se contentent plus de réciter les mantras de l'ordo-libéralisme. Certains d'entre eux vont même jusqu'à écrire, ce qui pourrait devenir une tache rouge bloquante dans leur carrière professionnelle - comme c'est le cas aujourd'hui dans le milieu universitaire pour les économistes hétérodoxes -, leur opposition aux diktats de la pensée eurocratique, c'est à dire allemande. Parmi ceux-là, Steve Ohana le fait avec un talent de pédagogue dans son livre Désobéir pour sauver l'Europe (Max Milo, septembre 2013, 187 pages, 16 €). Si cet auteur n'est pas encore sorti de l'ornière dominante (i.e. main stream dégradé), ses efforts méritent d'être salués, notamment en mettant en exergue quelques uns de ses arguments.

 

            Le chapitre (3) L'échec des politiques de compétitivité constitue l'un des points forts de cet essai, parce qu'il déconstruit un indicateur-clé de la propagande eurocratique, le fameux coût unitaire du travail : « Le coût du travail est une des clés de la compétitivité. Les pays où la dette s'est envolée sont ceux où le coût unitaire du travail a le plus augmenté. », claironne José Manuel Barroso (président de la Commission de l'UA) dans l'Express en mai 2013. Voyons ça de près.

            La compétitivité a 2 composantes : la "compétitivité-coût" qui représente le coût des matières premières et du travail (charges sociales incluses), et la "compétitivité-hors coût" (soit leur niveau de gamme, chacun étant un mélange différent de qualité, complexité, substituabilité). Notons que si un pays a la réputation (il ne faut jamais oublier la part subjective d'une qualification) d'avoir un niveau de gamme élevé, sa compétitivité peut ne pas être affectée par un coût élevé du travail, comme on le dit de l'Allemagne.

            Le coût unitaire du travail représente le coût du travail (charges comprises) nécessaire à la fabrication d'une unité d'un produit, qu'on obtient ainsi :

                        coût d'une heure de travail / quantité produite en une heure.

Pour raisonner au niveau d'un pays, la convention retenue pour moyenner les coûts unitaires de travail de tous les secteurs économiques est la suivante :

                        salaire horaire moyen / PIB réel par heure,

le PIB réel correspondant au ratio entre le PIB nominal et le niveau général des prix.

            « On montre alors que le coût unitaire du travail (CUT) s'obtient en faisant le produit de 2 termes : le niveau des prix (P) et la part du travail dans la valeur ajoutée (salaires réels / PIB réel ou encore salaire réel horaire / productivité horaire), que nous noterons (x) : CUT = P * x »" (p.37)

            C'est pourquoi la compétitivité-coût d'un pays peut se dégrader de 2 façons :

a) un changement du partage des revenus en faveur du travail ;

b) une appréciation relative du niveau des prix, venant soit des prix eux-mêmes en monnaie nationale, soit de l'appréciation de la devise domestique par rapport aux devises étrangères.

            Revenons maintenant à la propagande du misérable José Manuel Barroso, qui s'appuie sur un constat (de 2000 à 2007, le coût unitaire du travail a augmenté dans les pays périphériques et un peu baissé en Allemagne) pour lier la dette au coût unitaire du travail... et alors il faut donc baisser les salaires pour réduire la dette, n'est-ce pas ? Or cette analyse relève plus du tour de passe-passe que de l'argumentation sérieuse. Ohana y apporte 3 critiques :

a) le coût unitaire du travail des pays périphériques partaient d'un niveau beaucoup plus bas que ceux du centre ; le phénomène du rattrapage n'a rien d'exceptionnel ;

b) le Barroso ne dit évidemment rien sur la cause de cette hausse du coût unitaire du travail, car il la connaît aussi : « Le facteur principal derrière l'augmentation des coûts unitaires du travail dans les pays périphériques est donc l'augmentation des prix, pas le fait que les salariés ait une plus grande part de la valeur ajoutée. » (depuis 30 ans, la part du travail dans la valeur ajoutée est à la baisse dans tous les pays industrialisés)

c) le raisonnement de Barroso part d'une zone euro fermée, alors qu'une grande partie du commerce se fait avec l'extérieur de l'Euroland : le taux de change est donc un paramètre-clé de la compétitivité, en particulier pour les pays périphériques qui produisent plutôt en bas de gamme et pour les pays émergents ; c'est pourquoi « Le bon outil de mesure de compétitivité-coût n'est pas le coût unitaire du travail par rapport à l'Allemagne mais le taux de change effectif réel, qui mesure la compétitivité-coût moyenne d'un pays par rapport à ses principaux partenaires commerciaux (en et hors zone euro). » (p.39) Avec cet outil adéquat, les études montrent que « la perte de compétitivité-coût des pays périphériques et de la France de 2000 à 2008 vient principalement de l'appréciation de l'euro (...) » (p.40)

            Que faut-il en conclure ? Barroso et consorts font d'abord et toujours de la politique quand ils usent volontairement sans discernement d'indicateurs économiques.

 

            Dans le chapitre (4) L'échec des politiques d'austérité, Ohana montre que les fameux marchés n'étaient absolument pas demandeurs d'une politique d'austérité pour les pays sûrs, puisque l'épargne s'orientaient justement vers ces pays, et « la création de monnaie par les principales banques centrales a encore davantage amplifié ces flux vers les dettes sûres. (...) Un basculement des dettes japonaise, américaine, britannique, française ou allemande du côté risqué n'est simplement pas pensable. » (p.51) D'ailleurs quelque soit la politique budgétaire ou monétaire menée par ces pays et quelque soit l'évolution de leurs notes chez les incompétentes agences de notation, tous les pays sûrs au déclenchement de la crise en 2008 le sont restés à ce jour.     

            Concernant l'Italie qui inquiète beaucoup en ce moment, Ohana montre rapidement que c'est la politique d'austérité imposée par l'Europe et mise en œuvre par Mario Monti qui a plongé ce pays dans le marasme financier d'aujourd'hui !

            Le pire dans cette question vient peut-être des économistes eux-mêmes, quand on observe qu'ils publient des études visant à justifier les choix idéologiques des politiques. C'est notamment le cas de ces 2 tocards américains, Carmen Reinhardt et Kenneth Rogoff, qui ont affirmé en conclusion de leur "recherche sérieuse" qu'au-delà du seuil de 90 % de dette publique, la croissance future s'affaissait. Des chercheurs compétents ont vite compris la mystification, et démontré que les résultats de l'étude sérieuse des 2 tocards reposaient une mauvaise utilisation de l'outil Excel ! Il faut être un imbécile comme Olli Rehn (vice-président de la Commission européenne) pour continuer en février 2013 à justifier ses propos économiques par ces "recherches sérieuses".

 

            Dans le chapitre (5) L'échec annoncé des réformes structurelles, on voit que les pires crimes économiques se font toujours au nom du Bien, i.e. la croissance pour créer des emplois. « Les 2 années données à la France [pour atteindre les objectifs de réduction de déficit], ce n'est pas 2 années de répit, mais 2 années de réformes. Nous sommes réellement à un moment de vérité. » (le commissaire Michel Barnier, cité p.65) "Les réformes ! Les réformes !", disent en chœur et en solos les cabris eurocratiques pour parler des régressions structurelles qu'ils organisent, à savoir :

  • démantèlement de l'Etat par la réduction de son périmètre et de son budget ;
  • augmentation de la période active, baisse des pensions ou hausse des cotisations des salariés pour équilibrer les comptes sociaux ;
  • dérèglementation du marché du travail (on vous épargne les détails) ;
  • cession de biens communs (électricité, transports) aux groupes capitalistes ;
  • dérèglementation de certaines professions (avocats, vétérinaires, etc.).

            Ces régressions structurelles auraient pour objectif de débloquer ou d'augmenter la croissance potentielle (concept fumeux issu d'études sérieuses du même acabit que celle des 2 tocards américains) de certains pays européens.

            Or la question cruciale est de savoir pourquoi l'Union Allemande n'a pas retrouvé après la crise de 2007 le taux de croissance qu'elle avait avant : est-ce un problème structurel ou bien conjoncturel ? Pour Ohana, « c'est l'explication de Keynes qui est aujourd'hui la bonne : le problème est presque exclusivement conjoncturel. C'est donc la relance, et non la réforme, qui est la réponse adaptée à court terme. » (p.68) Pour justifier cette appréciation, il fait le constat simple : globalement, la zone euro ne s'est pas endettée massivement vis-à-vis de l'extérieur, et la dette périphérique a été contractée principalement avec l'Allemagne et la France. C'est pourquoi il n'y a aucune raison d'accepter un niveau de demande globale en zone euro inférieur à celui d'avant 2007. « La chute de la demande et de la croissance européenne depuis 2008 est le fruit d'un choix politique et idéologique et non d'une quelconque "fatalité structurelle". » (p.69-70)

            Pour notre part, nous préconisions un plan de relance massive dès janvier 2009. (Lire notre billet   http://www.alexandreanizy.com/article-26927883.html )

 

            Dans le chapitre (7) Le logiciel de pensée européen est erroné, Ohana résume le diagnostic des eurocrates ("la crise provient d'un excès de dépense financé à crédit et d'une perte de compétitivité") et pose le sien :

« La crise a été provoquée par des déséquilibres de compétitivité au sein de la zone euro, entre des régions fortement exportatrices et d'autres largement importatrices. Ces déséquilibres ont été entretenus par des flux capitaux du cœur de la zone vers la périphérie, conduisant à une accumulation de créances de la France et de l'Allemagne sur les banques et gouvernements périphériques. Lorsque les investisseurs des pays cœur ont commencé à rapatrier ces capitaux à partir de 2008, les pays périphériques ont été confrontés à une contraction du crédit et à un choc négatif de demande, qui s'est répercuté, via notamment les échanges commerciaux et les interconnexions bancaires, sur l'ensemble de l'économie européenne. » (p.82)

            Face à ce choc négatif puissant, même la baisse des taux de la BCE n'a pas pu restaurer le niveau antérieur d'emploi et de croissance. « C'est une situation que Keynes avait déjà identifié dans la dépression des années 1930 et à laquelle il avait donné le nom de "trappe à liquidité". » (p.82)

            Puisque l'injection de liquidités par la banque centrale n'est pas relayée par des prêts par les banques commerciales, autrement dit si le multiplicateur monétaire est quasi nul, il ne reste que 2 leviers pour sortir de la trappe à liquidité. Le premier consiste pour la banque centrale à créer des anticipations supérieures d'inflation : c'est ce que fait la FED en ce moment, parce qu'elle en a le pouvoir juridique, contrairement à la BCE. Le second consiste pour le gouvernement à pratiquer une politique keynésienne de relance, c'est à dire remplacer la perte de demande privée par un supplément de dépense publique : les gouvernements européens ont campé stupidement sur une politique opposée, et persistent aujourd'hui dans leur déni de la réalité. « Six ans après le démarrage de la crise, notre PIB par tête connaît une chute plus importante que celle des années 1930. » (p.87)

 

            Dans les chapitres suivants, Ohana montre comment la pensée eurocratique d'inspiration ordo-libérale enferme l'UA dans une impasse économique, puisque les plans de sauvetage se suivent et aggravent la crise (pour faire simple, disons que la dette de la Grèce est passée de 300 Milliards d'euros à 450 Milliards malgré les saignées !), affirme qu'on fait chaque jour de la France un malade imaginaire dans les médias (par des experts bien informés mais en service commandé, mettant en avant des succès économiques factices - « (...) (boum des exportations espagnoles, élimination des déficits courants, réduction des déficits structurels, baisse des taux d'intérêt par rapport à leur niveau avant l'OMT, etc.) destinées à masquer l'augmentation linéaire du chômage et l'appauvrissement général des Européens. » (p.117) -, des effets d'annonce comme l'union bancaire en juin 2013 qui ne recapitalise pas les banques, comme les coquilles vides des plans de relance... ). Bref, il dresse le tableau réaliste d'une Union Allemande à la dérive dans une mer mondialisée agitée.

 

 

            Il nous faut souligner maintenant nos points de désaccords, et non des moindres.

            Dans le chapitre (2) titré Comment l'Allemagne a pris le pouvoir en Europe, Ohana use du fameux "dilemme des prisonniers" (il ferait bien d'élargir ses références, parce qu'avec celle de Milgram et les articles de Télérama, cela fait light and cheap, comme susurrent les globish marketers incultes de l'ESCP ou d'ailleurs) pour dire qu'une « coopération" de la France signifiait d'accepter le sauvetage de l'euro aux conditions allemandes : austérité, compétitivité, réformes. » (p.29), que la France fut une poule mouillée en 2010 à cause de 2 évaluations erronées de Nicolas Sarkozy de Nagy Bocsa. Soit. Mais pour nous, l'Allemagne a pris le pouvoir en 1990 lors de la création de l'euro. Ce désaccord n'est pas anodin pour l'évaluation des positions politiques dans la suite des évènements.

(Lire notre billet "Euro : pourquoi l'Allemagne voulait la monnaie unique ?"

http://www.alexandreanizy.com/article-euro-pourquoi-l-allemagne-voulait-la-monnaie-unique-114734485.html  ) (¹)

 

            Dans le chapitre (13) La France doit désobéir en proposant une refondation de l'Europe, Ohana reprend les solutions généralement avancées par les économistes éclairés : « Le projet alternatif pour l'Europe doit comporter quatre volets : réformes des institutions, assainissement du système bancaire, révision des mandats de la BCE, relance de la demande au niveau fédéral. » (p.143) Cette position nous semble irréaliste. A notre avis, si l'on regarde simplement la question de la BCE, considérant les volontés de l'Allemagne au moment de la création de l'euro (voir ci-dessus et notre billet en référence), il est fort probable que l'Allemagne ne céderait pas à un ultimatum de la France, voire en profiterait pour sortir de l'euro en apparaissant à nouveau comme le pays ayant un rôle passif, alors que l'hypothèse d'une sortie unilatérale de l'euro par l'Allemagne se renforce au jour d'aujourd'hui.

           

            Pour la résolution de la crise, Ohana n'apporte donc rien au débat, parce qu'il continue à penser dans le cadre idéologique de l'eurocratie. Le jour où il décidera d'oser penser dans un autre cadre - ce serait sans doute sa "révolution copernicienne" -, tout lui sera permis, parce qu'il a une capacité d'analyse qui déjà le met à la marge du troupeau bêlant de la théorie dominante, comme par exemple lorsqu'il conclue son essai : « La France n'a pas grand-chose à perdre à désobéir, mais elle a beaucoup à perdre à laisser perdurer trop longtemps le statu quo. » (p.177)

            Ohana n'est donc pas au plus haut des cieux théoriques, mais ceux qui luttent contre l'Union Allemande peuvent y piocher des arguments contre le Léviathan.

 

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(¹) : dans un entretien de 2002, Helmut Kohl a confirmé le rôle actif de l'Allemagne dans la création de l'euro, un récit politique à l'opposé de celui des thuriféraires du francisquain Mitterrand : "Je voulais faire l'euro car pour moi, cela signifiait l'irréversibilité de la construction européenne (...). » (cité p.145)

 

 

Le divertissement de Giono

Publié le par Alexandre Anizy

          Jean Giono a écrit en 1946 un roi sans divertissement (Gallimard, Pléiade, Oeuvres romanesques complètes, tome 3), sorte de polar provençal. Tel fut son bon plaisir. Pas le nôtre.

 

 

Alexandre Anizy


La Capitana d'Elsa Osorio

Publié le par Alexandre Anizy

          Elsa Osorio est un auteur argentin qui a écrit des scénarios. Cela se voit dans la construction de La Capitana (éditions Métailié, août 2012, en livrel au prix honteux de 13,99 €), car elle romance la biographie de sa compatriote Micaela Feldman de Etchebéhère à partir des notes de cette héroïne de la guerre civile espagnole, des entretiens avec ceux qui l'ont croisée, des faits historiques. Grâce à son talent, elle est parvenue à rendre supportable les figures de style incessantes de cette histoire chorale.

          Mais cela ne suffit pas pour le recommander, hormis à ceux qui s'intéressent à 36.

 

 

Alexandre Anizy

 

Franz Bartelt ne se pousse pas du col avec le fémur de Rimbaud

Publié le par Alexandre Anizy

 

Et pourtant il pourrait le faire. Avec l’opiniâtreté légendaire des Ardennais, et après avoir publié cette année sa version du Poulpe, Franz Bartelt poursuit son œuvre originale avec un nouveau roman titré le fémur de Rimbaud (Gallimard, octobre 2013, en livrel au prix exorbitant de 12,99 €).

 

Comme nous avons déjà écrit tout le bien qu’il faut penser de Bartelt, nous confirmons ici que vous allez découvrir ou retrouver son style dans cet opus, un Bartelt au meilleur de sa forme. Citons trois passages pris au hasard :

« Autant jouer carte sur table : je ne suis pas n’importe qui. Je ne l’ai jamais été. Solitaire, mais sociable. Taciturne, mais beau parleur. Intelligent, mais sans prétention. Plutôt beau garçon, n’ayons pas peur de la vérité, mais dénué de la vanité des bellâtres. » ;

« Mes connaissances en psychologie me préservent de la tentation de contrarier les personnes en phase aiguë d’alcoolisation. » ;

« Je crois que ma petite homélie produisait son effet sur la sensibilité plébéienne de Ployette. (…) Dans son regard, je lisais comme une fraternité de classe. ».

 

Alors ne vous rongez pas les os,

Achetez le fémur de Rimbaud !

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

Débuts de Don Winslow

Publié le par Alexandre Anizy

Ceux qui ont aimé La griffe du chien¹ seront forcément déçus par Dernier verre à Manhattan (Seuil, octobre 2013, 375 pages, 21 € - gracieusement offert par l'éditeur), un polar antérieur (10 ans !) au chef d'œuvre de Don Winslow, mais les amateurs pourront y chercher le début de la méthode de l'auteur.

 

En effet, dans Isle of Joy (le titre original de Dernier verre à Manhattan – pourquoi ce choix ?)  on  trouve : un sénateur de Boston catholique d'origine irlandaise qui veut se présenter à la présidentielle de 1960, ayant pour éminence grise son frère, marié à une femme de vieille famille désargentée et d'origine française, un politicien qui culbute allègrement les donzelles qu'on lui fournit, notamment une starlette blonde qui ne crache pas sur le sexe, un patron du FBI qui adore les dossiers boueux sur le personnel politique (et les autres), etc.

Vous avez bien sûr reconnu le petit monde de Don Winslow, qu’il plonge dans l'univers impitoyable de l'espionnage en 1958.

 

C'est l'architectonique sophistiquée qui nous a maintenus dans ce livre, quand l'anachronisme du fond de l'intrigue nous aurait fait lâcher. L'erreur fut corrigée avec La griffe du chien. Ne parlons pas du style, puisque ce n'est pas de toute façon ce que l'on retient de Don Winslow.   

 

 

Alexandre Anizy

 

(¹) : lire notre billet

http://www.alexandreanizy.com/article-la-griffe-de-don-winslow-119827889.html

 

 

Pas de lauriers Arden(ts) pour Frédéric Verger

Publié le par Alexandre Anizy

 

Pour le Goncourt, la maison Gallimard ayant raté son coup avec le faiseur Tristan Garcia a ramé en octobre pour pousser un premier roman : Ardende Frédéric Verger(septembre 2013, en livrel au prix honteux de 15,99 €).

 

Que dire ? Si l'auteur trousse correctement son affaire, labeur sans passion d'un professeur agrégé, force est de constater que nous n'y avons trouvé ni plaisir ni intérêt. Seulement l'ennui. Au prix d'un effort méritant de notre part, nous ne le lâchâmes qu'à mi-parcours.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

Honte au populiste Urvoas !

Publié le par Alexandre Anizy

 

En 2009, présentée par Jean-Louis Borloo et l'héritière Nathalie Kosciusko-Morizet, la loi de l'écotaxe¹ est votée par le PSUMP, dont fait partie le député du Finistère Jean-Jacques Urvoas³. En 2011, l'aile sarkozyste du PSUMP a repoussé tactiquement l'application de cette loi pour ne pas aggraver ses déboires.

A l'automne 2013, alors que dans le pays les ingrédients pour une jacquerie s'accumulent, les benêts de l'aile hollandaise du PSUMP, dont fait partie Urvoas, persistent à mettre en place cette loi de l'écotaxe.

 

Alors la tempête se leva en Bretagne. Que fit l'opportuniste Urvoas pour ne pas désespérer ses électeurs ?

« C'est pourquoi je plaide, sans remettre en cause le principe de l'écotaxe que j'ai votée, pour son ajournement² dans une volonté d'apaisement. » (Urvoas dans le Figaro du 29 octobre 2013)

Que ne ferait pas le populiste Urvoas pour dorloter sa clientèle et préserver ainsi ses futurs revenus ?

Honte à vous Jean-Jacques Urvoas !

 

Alexandre Anizy

 

 

(¹) : mardi 29 octobre, nous avons observé une nouvelle fois l'art de l'esquive du pitoyable Borlooqui n'était pas à son siège de l'Assemblée pour défendre son texte, et le retournement de veste de l'héritière NKM avec l'aplomb et la morgue de sa caste technocratique.

Pour connaître tout le bien que nous pensons de cette petite dame de vertu, lire notre billet :

http://www.alexandreanizy.com/article-23751181.html

 

(²) : notons que le ministre Marylise Lebranchu, politicienne de tendance aubryste qui fit carrière dans le Finistère, a repris ce matin même l'élément de langage d'Urvoas, et non pas celui de son chef, le Premier Ministre Ayrault (à savoir : « suspension »).

(³) : Urvoas n'est pas un petit soldat du PSUMP, puisqu'il est président de la commission des lois de l'Assemblée nationale.