Chez l’arbuste, c’est quoi ça ?
Eh bien, le dernier opus revu par le maître de Nouzonville : Facultatif bar (L’arbre vengeur, 2025, poche « l’arbuste véhément »). A ne pas mettre à la portée de toutes les mains, malgré le style soigné.
Au fil du temps, cette idée s’était transformée en préoccupation. Il y songeait, il en rêvait, il la ruminait. Il se laissait glisser dans une sorte de torpeur étrange où il se sentait bien. A la maison, Olga ressemblait à n’importe quelle femme. Elle portait le masque le plus respectable. Elle avait de l’allure et du charme. En la voyant, on savait au premier regard qu’on avait affaire à quelqu’un de très bien, de très honorable, de très réfléchi, de très posé, qui menait sa vie, sans un mot de trop, sans un geste déplacé, sans une pensée indigne. On pouvait s’y fier. Elle affichait cette innocence naïve dans laquelle les épouses se drapent volontiers pour échapper à la méfiance ou à la jalousie de leur mari. C’était facile. Mais, sous cette apparence lisse et convenue, il y avait un mystère, une réalité, quelque chose d’inavouable et de profond, le mal originel, celui dont l’être ne parvient jamais à se délivrer et qui le porte à toutes les imprudences, à tous les jeux, fussent-ils mortels. (p.134)
Avec dans cette histoire déjantée des saillies à la pelle !
Elle se livrait, bien sûr, au commerce de la chair. Mais, où est le péché lorsqu’il s’agit de chair vivante ? Le négoce de la viande morte, tel qu’il se pratique dans la boucherie, serait-il plus noble ?
Ce n’était pas pour rien qu’elle haïssait le mot même de « prostitution ». Ou alors, il aurait fallu l’appliquer aussi aux arts de la boucherie de détail, qui sont saignants et dont la matière n’est jamais consentante.
« Moi, je me suis vendue de la tête aux pieds. Il fut un temps où je passais à la casserole vingt fois par jour. J’ai été accommodée à toutes les sauces. Maintenant, je forme la relève. Sans moi, l’homme du commun serait triste. Je sauve la vitalité du pays. Et on me montrerait du doigt tout en tressant des couronnes au boucher de la rue Carnot ? Non. Laissons la viande morte aux nécrophages. L’homme qui aime la vie va plus souvent au bordel qu’à la boucherie. »
Joignant, si on peut dire, le geste à la parole, elle était devenue végétarienne. (p.28)
Pour le bonheur des lecteurs, Franz Bartelt cultive l’irrespect dans un langage précieux.
Alexandre Anizy