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Sur ma mère de Tahar Ben Jelloun

Publié le par Alexandre Anizy

Le talent de narrateur de Tahar BEN JELLOUN n’a plus à être loué depuis belle lurette, parce qu’il est inscrit dans le monde des lettres françaises. Cependant, la lecture de Sur ma mère (Gallimard, décembre 2007, 270 pages, 17,90 €) nous convainc qu’il mérite d’être encensé, puisqu’ici bas seule la démesure intéresse.

 

Ce livre est émouvant, sans sombrer dans le pathologique. L’auteur a su trouver une bonne distance entre lui, la maladie d’Alzheimer et sa mère.

« Keltoum m’a fait appeler ce matin : je n’en peux plus, ta mère nous a de nouveau fait passer une nuit blanche. Non seulement je n’ai pas fermé l’œil, mais il fallait écouter ses délires, lui répondre, la ramasser quand elle tombait du lit parce qu’elle voulait sortir, aller au cimetière réveiller les morts qui font semblant de dormir, les morts qui passent la journée avec elle puis l’abandonnent la nuit venue (…) » (p.210)

A la fin du livre, on trouve ces deux phrases :

« Je ne sais plus si c’est le chagrin ou le vent qui soulève la poussière des souvenirs et les trempe dans l’amertume. Un sillon douloureux est creusé dans la mémoire et dans le cœur. » (p.269)

C’est ainsi que :

« Comme si nous partions en voyage, nous fermons les volets et les portes. La maison a été scellée par l’absence irrémédiable. Elle n’existe plus. Je n’y retournerai jamais. Je n’irai pas non plus sur la tombe. Ma mère est là, je l’entends rire et prier, (…). » (p.270)

 

Alexandre ANIZY

 

"Les Français sont malades", pense la Borne

Publié le par Alexandre Anizy

            Comme un boomerang, les éléments de langage reviennent dans la gueule du lanceur.  

 

            Pour apaiser la populace, l’arrogante polytechnicienne hors surface nommée Elisabeth Borne pense qu’il faut « respecter un délai de convalescence »¹. Or nul n’ignore que la convalescence est une transition entre la fin d’une maladie et le retour de la santé². Ainsi la première ministre pense que les Français sont malades : en effet, puisque c’est un choix raisonnable, trivialement comptable et sans alternative, comment peuvent-ils être stupidement réfractaires à la régression des retraites malgré le génie de l’élite, son savoir-faire pédagogique et son talent d’imitation des chers pays voisins ? Seule une poussée de fièvre infantile et populiste peut expliquer cette rebuffade, c’est évident.

            Quelle sera la prochaine étape du traitement, notamment pour ceux qui deviendraient des dissidents ? Les meilleurs d’entre nous pressentent que l’opposition de gens à l’ordre institutionnel et républicain, donc démocratique, est une forme de folie : par conséquent, cela relèvera de la psychiatrie. Comme en Union soviétique, il y a 50 ans.

            Serait-ce une cruelle ironie de l’Histoire que de voir les ordo-libéraux finirent en infirmiers léninistes ? Non, les hommes bien informés savent le ver totalitaire dans le fruit libertaire.   

 

Alexandre Anizy  

 

(¹) dans l’imMonde du 8 avril 2023.

(²) Dictionnaire Larousse.

 

Thibaut Solano écrit piano

Publié le par Alexandre Anizy

            Dans le cadre de son plan de carrière, Thibaut Solano, directeur adjoint de Marianne, a sorti un polar plan-plan.

 

Le titre du roman de gare (lire ici ) est Les dévorés (Robert Laffont, 2023), d’où l’on sort en crevant la dalle, question style et architectonique. Pourtant il aurait pu se rendre intéressant à un moment :

«  Il s’agit de faits de… heu… harcèlement sexuel… (murmure de surprise dans la pièce). Nous allons donc lancer dès aujourd’hui une enquête interne avec l’aide d’un cabinet extérieur et indépendant. Certains d’entre-vous seront convo… conviés à s’exprimer auprès de ce cabinet et de notre DRH pour apporter leur témoignage. » (p.105/303)

En évoquant les méthodes de la petite affaire de Caroline De Haas¹, les lecteurs auraient appris quelque chose².

 

La prose de Solano aurait pu être utile. Tandis que là, ben que tchi.

 

Alexandre Anizy  

 

(¹) Groupe EGAE sas, dont elle est la Présidente.

(²) Alors nous les renvoyons à l’article d’Eugénie Bastié, Caroline De Haas quand le féminisme devient un business, dans le Figaro du 10 juin 2021.

 

Comment Macron et ses sbires ont acheté des non-grévistes

Publié le par Alexandre Anizy

            Quand le clientélisme ruine la France mais sauve le pouvoir.

 

Citons Le canard enchaîné du 22 mars 2023 (page 3).

« Depuis l’annonce du projet de réforme des retraites, chaque corporation dotée d’un pouvoir de nuisance, comme dirait aimablement le gouvernement, a contacté l’exécutif en lui promettant blocages et grèves paralysantes s’il s’en prenait à son régime particulier. Matignon et les ministres les plus concernés (Transports, Intérieur et Travail) ont vite calmé ce petit monde, au prix de jolies concessions financières. Inventaire non exhaustif de ces lobbys si persuasifs.

Le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) l’a annoncé le 2 mars, dans un tract à peine triomphaliste : « L’âge légal [de départ à la retraite] ne sera pas touché par la réforme. » Actuellement, les quelques 8.500 pilotes de ligne français peuvent partir à  taux plein à 60 ans ou continuer de voler jusqu’à 65 ans en bénéficiant d’une jolie surcote. Travailler 2 ans de plus en étant privé de surcote entre 63 et 65 ans ? « Inacceptable », a écrit le 8 février, à la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers, le syndicat des compagnies aériennes, Karine Gély, la présidente du SNPL. Qui a exigé un dédommagement financier pour sauver ce bonus. Et le syndicat de rappeler qu’il avait jusque-là « fait le choix d’être une force de proposition plutôt que de [mener] une grève dure ». A bon entendeur, salut !

Clément Beaune [l’énarque à peine sorti de l’œuf qui ne manque jamais de seriner aux Français la gravité du poids des déficits et de la dette publique] le peu hardi ministre des Transports, entend vite. Le 14 février, l’Etat s’engage à financer, à parts égales avec les compagnies aériennes françaises, les 100 millions qu’il va falloir verser en compensation à la caisse des retraites des pilotes d’ici à 2030. Illico, le SNPL annonce « qu’il n’appellera pas à rejoindre le mouvement unitaire du 7 mars ». La peur a donné des ailes au gouvernement.  

            Autres grands perturbateurs potentiels des transports, les routiers (chauffeurs de poids lourd, mais aussi car, convoyeurs de fonds, déménageurs, etc.) sont restés inhabituellement calmes. Pas de blocage du pays, comme redouté ; à peine quelques barrages filtrants sporadiques. Les routiers semblaient pourtant remontés à bloc, entamant même « une grève anticipée » le 5 mars au soir, deux jours avant la grève nationale du 7. Or, au même moment, le ministre des transports négocie sans relâche. Le 6 mars, à quelques heures de la manifestation nationale, Clément Beaune adresse un courrier aux syndicats, annonçant que le gouvernement accepte de prolonger jusqu’à 2030 le congé de fin d’activité, une sorte de régime spécial qui permet aux routiers de cesser le travail 5 ans avant l’âge légal en conservant 80 à 100 % de leur salaire net. Un « engagement majeur (…) auquel peu de syndicat s’attendaient », s’est vanté le ministre auprès des Echos (10/3). Il coûtera plus de 1 milliard aux finances publiques. »

            Pour les fonctionnaires aux tâches fatigantes ou risquées (policiers, pompiers, gardiens de prison, éboueurs, etc.) qui bénéficient d’un départ anticipé à la retraite, un avantage que le projet de loi supprimait ? Plus de suppression pour « encourager ces fonctionnaires actifs à rester passifs devant les appels à la grève ».  

 

 

Tout est dit, n’est-ce pas ?

Maintenant Françaises, Français, les matraques promptement vont sortir, et même pire s’il le faut (ça commence dès cet après-midi, plutôt en fin de manifestation à l’Opéra, un étrange terminus en plein cœur de Paris accepté par la préfecture… un certain Laurent Nuñez-Belda).  « L’ordre républicain … l’ordre républicain …. L’ordre républicain … », a répété hier le bankster Macron.  

 

Alexandre Anizy  

 

Exergue gastronomique pour la Dame de Pic

Publié le par Alexandre Anizy

            Vendredi dernier, nous vécûmes une de ces journées ensoleillées et frisquettes de l’hiver, avec du bonheur dans l’assiette.

 

          Rue du Louvre, une devanture sans ostentation (à tel point que nous faillîmes rater l’établissement) permet aux badauds de voir la brigade en action. Les clients longent la cuisine avant de découvrir la salle : ici, ils seront bien servis, côté cour et c’est bien comme ça.

La succursale parisienne de Mme Anne-Sophie Pic remplit son office : rien qu’avec le menu en 4 services (sans parler des amuse-gueules raffinés, chaque plat est une création avec au moins un fil conducteur du menu), l’amateur découvre l’immense talent du pacha.    

  

Quand nous passerons à Valence, nous ferons halte dans le navire-amiral de Mme Pic. C’est promis.

 

Alexandre Anizy  

Michel Claise au panier !

Publié le par Alexandre Anizy

            Travailler encore aurait fait du bien.

 

Michel Claise est un juge belge important, nous dit-on. Malgré son travail harassant, il a trouvé le moyen de signer un paquet d’ouvrages en quelques années.

Par curiosité pour les affaires du port d’Anvers, nous lûmes Crime d’initiés (Genèse éditions, 2021). Que dire ? Sans doute trop empreint de sa prose juridique et fort de sa notoriété, le juge Claise prend peut-être un style lâche pour de l’audace, à moindre effort.

Au panier le dernier Claise !

 

Alexandre Anizy  

 

Pour les retraites chers députés voyez Bernard Arnault et quelques autres citoyens malévoles

Publié le par Alexandre Anizy

            Être citoyen d’un pays, c’est y avoir des droits et y remplir des devoirs, notamment le plein paiement des impôts et taxes qui contribuent au bien-être de tous les membres de la collectivité (i.e. des logements décents, un système de santé à la hauteur, des enfants au ventre plein le matin à l’école, etc.). Mais certains Français jouissent pleinement de leurs droits et s’exonèrent partiellement ou entièrement de leurs devoirs en toute légalité… ou pas : ce sont des citoyens malévoles.

 

 

Comme ces mauvais payeurs se permettent en plus de donner des leçons d’économie (Bernard Arnault), de patriotisme (Liliane Bettencourt¹), et tous de faire la morale aux autres, notamment aux grévistes qui « prennent en otages » les usagers des transports publics, alors aujourd’hui grâce à un juge canadien nous ajoutons quelques noms à la liste non exhaustive des citoyens malévoles.

Pour mettre en exergue l’ampleur du mal, commençons par le seigneur non cité par notre source, première fortune mondiale et à coup sûr grand malévole : Bernard Arnault. Le 1 février 2023, le Canard enchaîné² nous apprenait ainsi : « En 2019, Arnault a déclaré un peu plus de 280 millions revenus. Qui se décomposent en 10 misérables millions de salaires et un peu plus de 270 millions de plus-value sur des ventes d’actions (…). Surprise : sur ce pactole, l’homme le plus riche du monde ne paie qu’environ 50 millions d’impôt (la loi nous interdit de donner le chiffre exact). Soit un taux d’imposition de 18 %. C’est ce qui est appliqué à un couple sans enfant gagnant 150.000 euros par an… Très loin de la tranche supérieure du barème : 49 % (avec la contribution sur les hauts revenus). » Pour les dividendes (environ 1 milliard), dont on ne parlera pas ici tellement l’indécence touche à son comble, il paya un impôt riquiqui d’environ 10 millions qui à terme l’amènera à un taux de 12,8 %. Qui peut "dire aussi mal" en France ?

Dans le resquillage légal³, le seigneur Bernard Arnault lui-même : il « est parvenu à régler sa succession au profit de ses enfants en réduisant de 45% à 6,5% les droits afférents, selon Le Canard Enchaîné. (…) L'hebdomadaire satirique, qui cite "des confidences de proches" de Bernard Arnault, explique que l'opération s'est déroulée en deux temps, dont le premier acte remonte à 2005 (…). Bernard Arnault crée à l'époque une holding, nommée Pilinvest, chargée de recueillir les actions du groupe Arnault, qui contrôle toutes ses sociétés, selon Le Canard⁴. Bernard Arnault y transfère progressivement 90% de ses titres, en toute discrétion, souligne l'hebdomadaire. Il cède ensuite à ses cinq enfants la nue-propriété de 49% de ses titres, et n'en conserve que l'usufruit, c'est-à-dire les dividendes et les droits de vote attachés à ces actions. Mais cet usufruit disparaîtra le jour de son décès et ses enfants en deviendront alors pleinement propriétaires, précise Le Canard. Il ajoute qu'une fondation, Proctinvest, est chargée de s'assurer que les héritiers ne démembrent pas l'empire qu'il a bâti. Pour calculer les droits de donation, le fisc français est contraint d'appliquer une première décote puisque le don en usufruit fait perdre aux actions cédées la moitié de leur valeur, explique le journal. Il ajoute que les héritiers ont par ailleurs signé un pacte, prévu par la loi Dutreil, en vertu duquel ils s'engagent à ne pas vendre leurs titres avant deux ou six ans, ce qui induit une seconde décote de 75%. Dernier point, les actions cédées à l'époque ont doublé en valeur, souligne-t-il. L'ensemble de ces opérations ont permis d'éviter d'appliquer le taux officiel de 45% et de ne payer que 6,5% de la valeur actuelle du groupe, dont la valeur est estimée à 30 milliards d'euros, selon le journal. » Challenges.fr (6 février 2013, à 19h06)

            En matière de resquillage légal, pour ceux qui s’intéressent à ce triste sire en tant que patron de l’empire LVMH, nous les renvoyons par exemple aux articles de l’imMonde du 19 septembre 2012⁵ et du Canard enchaîné du 12 octobre 2016.  

Si le juge canadien Bernard Synnot ne cite pas Bernard Arnault, en tout cas dans l’article du Journal du Dimanche qui a lu son jugement rendu le 26 janvier 2023 dans l’affaire « Blue Bridge », il donne des noms. « Au fil des 67 pages de son jugement, on croise ainsi « les familles Charoy, Coste, Boissonnas, Lebel, Verger ». Et puis Robert et Nicolas Monnier (trust Bonaventure), héritiers du peintre Henri Matisse, leur père Bernard (trust Baryton), sa seconde femme Virginie Lehideux-Vernimmen (tous deux décédés) et le fils de cette dernière, Arnaud de Caumont La Force (trust Lagune), Michèle Robineau-Mouton et son fils Patrick Mouton (trust Nipigon), la famille de Bernard Lanvin ou encore Julie Barlatier (héritière d’une famille d’entrepreneurs provençaux).⁶ ». « En 2019, le Journal de Montréal révélait le scandale. En 2021, Capital puis Libération donnaient les premiers noms : les frères Seydoux (plus de 1 milliard d’euros dans 14 trusts), Hubert Guerrand-Hermès (décédé en 2016, avec 500 millions dans des trusts, dont les héritiers ont depuis régularisé leur situation avec les services fiscaux), l’ancien maire de Vittel Guy de la Motte-Bouloumié (décédé en 2022, il avait appelé ses trusts Evian et Badoit), la scénariste Danièle Thomson⁷ (qui assurait à Libération que ses deux trusts, soit 1 million d’euros, étaient en règle avec l’administration fiscale), un héritier des cafés Richard, un autre des pastilles Pulmoll…⁶ ».

 

 

            En conclusion, nous paraphrasons un docteur très médiatique en disant que "c’est bon à savoir" à qui on a affaire. Un citoyen malévole n’a qu’une patrie : son portefeuille.

 

 

Alexandre Anizy  

 

 

 

(¹) Liliane Bettencourt et son mari ont planqué en Suisse plusieurs dizaines de millions d’euros pendant plus de 30 ans. Cela n’empêcha pas cette vieille dame indigne de dire au cours d’un entretien exclusif à TF1, diffusé dans le JT de 20h le 2 juillet 2010, qu’il ne faut "pas faire de mal à son pays". Le top de la fourberie, n’est-ce pas ?

(²) Canard enchaîné du 1 février 2023, page 3.

(³) Nous appelons resquillage légal ce que d’aucuns nomment "optimisation fiscale".

(⁴) Canard enchaîné du 6 février 2013.

(⁵) Le Monde du 19 septembre 2012, page 16 : « Cela aurait permis à LVMH de ne payer en Belgique que 24,2 millions d’euros d’impôts sur 630 millions de bénéfices depuis 2009. »

(⁶) Le Journal du Dimanche du 5 février 2023, page 20.

(⁷) Avec Danièle Thomson (dialoguiste), rions un peu des avaricieux en nous souvenant de La folie des grandeurs, dans la scène où Yves Montand dit à Louis de Funès : « Il est l’Or, il est l’Or, l’or de se réveiller, mon seign’or… »

 

Mistral de Cay Rademacher

Publié le par Alexandre Anizy

            Si vous avez envie d’une balade provençale…

 

Les éditions du Masque ont eu la bonne idée de publier Le mistral meurtrier de Cay Rademacher (2022 ; traduction de Georges Sturm), le 1er opus des enquêtes du capitaine Roger Blanc.

Ni l’écriture ni l’architectonique ne sont bâclés. C’est rafraîchissant comme un pastis, odorant comme un bouquet de lavande, bien qu’émanant d’un médiacrate allemand*. 

 

Alexandre Anizy  

 

(*) Auscultant la France à travers le prisme ordo-libéral comme toute la classe dirigeante teutonne, le journaleux Rademacher n’a pas pu s’empêcher de railler les grèves et les manifestations de la CGT… bien qu’il vive en Provence. A deux reprises donc, il nous fit penser à Peter Sloterdijk (lire ici ).

 

 

2023-01-31 todos a la calle (pero sin piedras)

Publié le par Alexandre Anizy

            Mardi 31 janvier 2023, tous dans la rue contre le projet de loi scélérate sur les retraites.

 

Séparés, tous nous sommes peu… mais regroupés, tous nous pouvons servir à quelque chose, former le début d’un autre chemin… C’est en partie l’esprit du poème du poète espagnol León Felipe en 1920, que Paco Ibañez a remarquablement chanté.

Ecoutez-le ici .  

 

Como tú                                                                Comme toi

Así es mi vida, mi vida                                        Telle est ma vie,                 

Piedra,                                                                  Une pierre,           

Como tú ; como tú,                                               Comme toi ; comme toi,

Piedra pequeña ;                                                    Petite pierre ;   

Como tú,                                                                Comme toi,

Piedra ligera ;                                                         Pierre légère ;  

Como tú,                                                                 Comme toi,

Canto que ruedas                                                    Caillou qui roules

Por las calzadas                                                       Sur les chaussées,  

Y por las veredas ;                                                  Par les sentiers ;

Como tú,                                                                 Comme toi,

Guijarro humilde de las carreteras ;                       Humble gravier des routes ;

Como tú,                                                                 Comme toi,

Que en días de tormenta                                         Qui les jours d’orage

Te hundes                                                               T’enlises  

En el cieno de la tierra                                            Dans la boue de la terre  

Y luego                                                                    Et puis  

Centelleas                                                                 Qui étincelles

Bajo los cascos                                                         Sous les sabots  

Y bajo las ruedas ;                                                    Et sous les roues ;

Como tú, que nos ha servido                                    Comme toi, bonne à rien,

Para ser ni piedra                                                      Ni à être pierre  

De una Lonja,                                                           De Bourse de commerce,

Ni piedra de una Audiencia,                                     Pierre de Tribunal,

Ni piedra de un Palacio,                                            Pierre de Palais,

Ni piedra de una Iglesia ;                                          Pierre d’Eglise ;

Como tú,                                                                    Comme toi,

Piedra aventurera ;                                                     Pierre aventurière ;

Como tú,                                                                    Comme toi,

Que, tal vez, estas hecha                                            Qui n’es bonne peut-être

Sólo para una honda,                                                  Que pour un jet de fronde,

Piedra pequeña                                                           Pierre petite

Y                                                                                 Et

 Ligera…                                                                     Légère…

 

 

León Felipe

(Anthologie bilingue de la poésie espagnole, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade, juillet 1995, p.620-21)

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