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Le talent de Bérengère Cournut

Publié le par Alexandre Anizy

Oser la poésie et réussir le challenge, voilà le talent protéiforme de Bérengère Cournut.

 

            Bien sûr nous aurions pu vanter la qualité du travail romanesque de cette écrivaine, mais la presse l’a déjà si bien fait que Cournut fut récompensée (prix du roman Fnac 2019). Mais non, du roman Née contente à Oraibi (éditions Le Tripode, 2019), que nous avons goûté notamment parce que le sujet nous intéresse, nous piochons un extrait pour donner un aperçu de la variation stylistique.

Quand j’ai ouvert les yeux, ma mère et mon frère étaient assis près de moi dans la pièce à chats et parlaient à voix basse. Ma mère avait fait venir Mahukisi pour avoir son avis et se demandait ce qu’il fallait faire pour que je ne m’affaiblisse pas trop avant le retour du printemps. En voyant mon frère, le sens de mon rêve m’est apparu instantanément, et j’ai interrompu brusquement leur conciliabule : le serpent, c’était lui, et les deux aigles représentaient nos parrains. Il fallait que mon frère joue leurs rôles à tous trois et m’extraie de notre maison pour m’emmener à Walpi, auprès du clan de l’Ours, qui pourrait peut-être quelque chose pour moi. (p. 169)

Ce qui nous apprécions chez Bérengère Cournut, ce sont l’amplitude thématique et la palette, qu’elle démontre une nouvelle fois avec Elise sur les chemins (Le Tripode, 2021). En voici deux extraits pour vous mettre en appétit.    

Depuis que nos frères sont partis

Le Lion travaille dur

A ses cultures, à son jardin

Zéline n’a plus que six petits

A laver-nourrir-instruire

Alors elle a décidé que non

Elle ne ferait plus l’école à la maison

(p. 6 sur 94)

 

Emile est d’accord, je monte dans son fourgon

A l’avant  ̶  entre lui et Philémon

La route serpente

Les deux hommes chantent

Des trucs qui datent de la révolution

Mais de laquelle ? je demande

Bof, dit Philémon. C’est toujours la même…

(p.75 sur 94)

 

Amélie, Leïla, Karine peuvent ramer,

La sublime Bérengère sait les planter.   

 

Alexandre Anizy

André de Pic

Publié le par Alexandre Anizy

C’était un beau mardi de septembre : remontant de la Côte, nous fîmes halte à Valence.   

 

 

Nous eûmes ainsi l’occasion de voir un peu la Maison Pic : la terrasse de son bistrot est au cœur du bâtiment, façon hacienda. C’est déjà le Sud… et ce sera encore plus vrai dans les prochaines décennies.

En dînant, nous pensions que la chef Anne-Sophie Pic a non seulement un goût esthétique, mais aussi le sens des affaires. En effet, le tarif de son bistrot le rend attractif pour les voyageurs et raisonnable pour les locaux. Si les plats sont en rapport avec le prix, la qualité des produits et la maîtrise culinaire ne sont pas négligées.

 

« Seule la Beauté sauvera le monde » a écrit Dostoïevski. Il nous semble que Dame Pic fait sa part de l’œuvre.

 

Alexandre Anizy  

 

Arnaud Donckele à la Terrasse du Cheval blanc

Publié le par Alexandre Anizy

            C’était un beau mardi de septembre : de notre table, nous pouvions voir deux yachts figés au milieu du golfe de Saint-Tropez et au loin le clocher du village de la jet-set. Nous savourions qui un pastis, qui un St-Germain Spritz, en attendant le menu unique du déjeuner.

 

Que ce soit dans les amuse-bouches, les entrées, les plats (dont un « … farci de veau… »), le nougat glacé, le chef Arnaud Donckele laissait entrevoir sa maîtrise. Seul le soufflé de pomme de Manosque nous parut en-deçà de son talent. Le hasard voulut que nous nous croisions à la sortie : comme nous lui fîmes remarquer que ce dessert était un bémol dans son menu, nous sûmes que pour lui ce n’était que de la bistronomie.

Soit, mais de haut vol, chef !    

Alexandre Anizy  

 

Anciens combattants de Frédéric Jacques Temple

Publié le par Alexandre Anizy

Il nous semble que l’irrévérence contribue à la culture du respect. Qui mieux que Frédéric Jacques Temple ?

 

 

Anciens combattants

 

Ils sont revenus

vingt ans après Cassino

les tempes grises

bardés de caméras et de lires

avec leurs femmes acariâtres.

Ils tentent en vain de mettre

leurs pas dans les pas d'autrefois...

 

Les voyez-vous sur les champs de bataille

stupéfaits de leurs vieux exploits

honteux de ne retrouver qu'eux-mêmes

encombrés de bedons et de bretelles

tricolores...

 

Frédéric Jacques Temple

(La chasse infinie et autres poèmes, Poésie/Gallimard, 2020)

 

 

Chronique de Belgrade d’Ivo Andrić

Publié le par Alexandre Anizy

            Les éditions des Syrtes ont eu la bonne idée de rassembler des nouvelles du grand romancier yougoslave Ivo Andrić : qu’ils en soient remerciés.

 

            Le livre est intitulé La chronique de Belgrade (2023), puisque les scènes se passent dans Belgrade au temps des nazis. De là prétendre que l’auteur aurait eu peut-être l’intention de faire de la Ville blanche à cette époque le personnage central d’un livre, ce n’est hélas que  tirer sur une ficelle des affaires. Mais peu importe.

 

            Zeko raconte l’évolution psychologique d’un héros ordinaire, très ordinaire de la Résistance.

« Affirmer, comme on l’a écrit, que Belgrade entre 1941 et 1944 était "la ville la plus malheureuse d’Europe", n’est peut-être pas tout à fait exact, mais il n’en demeure pas moins qu’elle fut à cette époque un théâtre où s’enchaînèrent des illustrations du mal et de la bassesse dont les hommes sont capables, mais aussi de grandeur et de beauté. On souffrit, on pâtit physiquement et moralement. Une composante toute minuscule de cette Belgrade-là fut la maison de l’ingénieur rue Tolstojeva. » (p.104)

 

            Le jour où… est une courte nouvelle qui dessine un autre personnage en train de se libérer de la peur.

« Oui, la vie est possible. Il le sent clairement même si, à chaque instant, l’un de ces sales et derniers obus peut l’emporter, ce que souligne sans ambiguïté la peur qui lui enserre l’estomac, qu’il lit dans les yeux exorbités du jeune ouvrier. Malgré tout, la vie est possible, luxuriante, riche de sens. Jamais elle n’avait été aussi proche, intelligible, possible. » (p.178)

 

 

Cher éditeur, pour votre travail, point de justificatif douteux ! Le talent d’Ivo Andrić suffit.

    

Alexandre Anizy  

 

L'économiste caméléon Jean-Hervé Lorenzi hélas sévit toujours

Publié le par Alexandre Anizy

Ce matin, on a pu entendre¹ Jean-Hervé Lorenzi dire que le blocage des prix envisagé par le gouvernement était une réponse intelligente au problème de l’inflation. Force est de constater que la veste de cet économiste bien en cour passe partout.   

En effet, depuis les années 80, l’expert Lorenzi fait partie de ceux qui ont alimenté notamment le dossier de la déréglementation de l’économie française, comme son ami du Cercle² Olivier Pastré l’a fait spécifiquement pour les banques (Cf. La modernisation des banques françaises. Rapport au ministre de l’économie. La documentation française, janvier 1985).

Il est vrai que le blocage des prix envisagé ne gênera pas le système bancaire dont J-H. Lorenzi³ est un membre éminent depuis belle lurette, comme d’ailleurs O. Pastré.  

 

Alexandre Anizy  

 

(¹) Sur la chaîne Franceinfo.

(²) Cercle des économistes.

(³) Lorenzi ménage toujours la sphère financière : lire notre billet du 12 décembre 2014 (Michel Aglietta et Jean-Hervé Lorenzi sont des Gamelin)

 

Les morsures de Gérard Laveau

Publié le par Alexandre Anizy

            Si l’été pluvieux et venteux vous pèse, peut-être comme un couvercle, plongez sans hésitation dans la moiteur du dernier polar de Gérard Laveau.

 

Les morsures du paradis (éditions Maïa, juin 2023) se passent dans le Sud, où vous retrouverez les détectives Torpédo & Amer, toujours dans la dèche.

« Le vieux détective dort, elle lui a donné ses antalgiques, deux gros comprimés blancs. Maintenant, elle comparaît devant une sorte de tribunal. C’est l’impression que cela lui fait. Ils sont autour de la table de la pension au prétexte d’un café. En réalité, elle les affronte. Les parents et le fils, pas vraiment agressifs, mais moins souriants. Le père lui avait annoncé la couleur, elle a eu le temps de décider de ce qu’elle lâcherait.

Francis toussote. Sévère.

̶  Votre éditeur. Il est tombé où, au juste ? » (p.94/222)

 

Si le paradis est inexorablement délabré par les hommes, vous pouvez vous réfugier pour quelques heures dans ces pages léchées de Gérard Laveau (également ici ) : un petit bonheur sans conséquence.

 

Alexandre Anizy  

 

Le nouveau de Keigo Higashino

Publié le par Alexandre Anizy

            A Paris, on peut lire Higashino dans le système de Prêt Numérique en Bibliothèque, dont le catalogue est indigne de la Ville Lumière.  

 

C’est le cas notamment pour Le nouveau (Actes Sud, 2021), dans lequel Keigo Higashino étonne toujours par son brio architectonique (lire Doigts de Higashino sur mezzanines de Françoise Nyssen ou bien encore Un café maison ).     

 

Alexandre Anizy  

 

La scierie

Publié le par Alexandre Anizy

            Qui aime les arbres doit connaître cette activité particulière : la scierie. En 1953, un anonyme a raconté.

 

Grâce à notre librairie de quartier (c’est tout l’intérêt de les fréquenter), nous sommes tombés sur un exemplaire de La scierie (éditions Héros-Limite, 2013), que nous qualifions de récit documentaire sur le début professionnel d’un jeunot qui attend l’appel du service militaire : le décor, l’ambiance,  les machines, les rapports humains, les cadences infernales… Si la technique a progressé, peut-on vraiment dire que tout cela a changé ?    

 

Alexandre Anizy  

 

Heureux qui lit Bartelt

Publié le par Alexandre Anizy

            Avec le temps, on peut devenir sage.

 

Franz Bartelt est à sa manière un sublime¹ du monde des « Lettres françaises » : il  montre une nouvelle fois (lire par exemple Franz Bartelt écrit ce qui lui plait ) son talent dans Je ne suis pas malheureux (Le Dilettante, 2023).   

 

Alexandre Anizy  

 

(¹) Cf. Denis Poulot, Question sociale. Le Sublime ou le travailleur parisien tel qu’il est en 1870, Maspéro, 1980.

 

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