Pénurie de masques : la Cour des Comptes sous Didier Migaud ouvrait le ball-trap

Publié le par Alexandre Anizy

 

            En septembre 2010, la Cour des Comptes dirigée par Didier Migaud livrait un rapport à la Commission des Affaires sociales du Sénat, titré " L'utilisation des fonds mobilisés pour la lutte contre la pandémie grippale A(H1N1)v " (1), dans lequel elle fustigeait le Pouvoir (politiciens et fonctionnaires) pour le gâchis de l'argent public.   

 

 

            Cela commence ainsi :

            Ce sont au total 94 millions de doses de vaccins qui ont été initialement commandées par la France. Le volume des commandes de vaccins ne laisse pas d’interroger. La France figure parmi une minorité de pays développés ayant choisi de couvrir toute leur population. La majorité des autres ont adopté un raisonnement de santé publique conduisant à acheter suffisamment de vaccins pour permettre l’atteinte d’un seuil de protection collective situé entre 30 et 70 %. Le choix d’une couverture totale, de nature politique, a davantage reposé sur des considérations éthiques que sanitaires.(p.2)

Pour les fonctionnaires de la Cour des Comptes, la sécurité sanitaire de la population française et des résidents étrangers est assurée quand la couverture est dans la fourchette de 30 à 70 %. Compte tenu des privilèges de ces hauts fonctionnaires, on gage qu'ils feront toujours partie des 30 %...

Mais que s'est-il passé pour cette pandémie grippale ?

La disponibilité de masques et d’antiviraux dont les stocks préexistaient à la pandémie a permis de prendre rapidement les premières mesures de prévention et de protection de la population. [la mise en gras est de notre fait. AA]

a. La doctrine d’emploi des masques et les stocks existants en 2009

Depuis 2003-2004 et l’apparition de la menace d’une pandémie de grippe aviaire (H5N1), l’utilisation de masques comme équipement empêchant la diffusion du virus dans la population est considérée comme une solution efficace en l’absence de vaccins et de quantités suffisantes d’antiviraux. Ainsi, aussi bien les autorités sanitaires françaises que mondiales ont depuis plusieurs années conseillé l’adoption de masques FFP2 (Filtering facepiece particles – type 2 appelés communément « bec de canard ») pour éviter la contamination du porteur sain du masque80. En complément, les masques anti-projections dits « chirurgicaux », plus légers, doivent être portés par les sujets infectés afin de diminuer la transmission du virus81.

Des stocks de masques ont été constitués. En avril 2009, ils représentaient un milliard de masques « chirurgicaux » et 305 millions de masques FFP2 (sans compter 258 M en cours de commande et 216 M périmés faisant l’objet d’une étude visant à l’extension de leur durée de vie). Ces stocks sont entièrement gérés par l’Etablissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS).(p.35)

L’acquisition d’importantes quantités de masques et d’antiviraux, dont la majeure partie des stocks était constituée avant 2009, s’est avérée pertinente. Le déploiement de ces produits n’a pas rencontré de difficulté majeure et ce n’est que parce que la grippe s’est révélée peu grave qu’ils ont si peu été utilisés. (p.39) [En gras dans le rapport de la Cour des Comptes]

Comme l'écrit la Cour des Comptes, l'acquisition d'un stock stratégique de masques "s'est avérée pertinente", et sa distribution fut satisfaisante. C'est le chapitre "vaccins et vaccination" que la Cour des Comptes critique : 

            En définitive, la campagne de prévention contre la grippe A (H1N1)v, financée en quasi-totalité par des crédits budgétaires ouverts au titre de 2009 et par l’assurance maladie, apparaît particulièrement coûteuse au regard du nombre de personnes vaccinées : environ 700 millions d’euros pour un peu plus de 5 millions de personnes vaccinées, soit 8,5 % de la population. (p.3)

 

            Alors que s'est-il passé ensuite pour les masques ? Pour le dire simplement, le Pouvoir a jeté le bébé avec l'eau du bain... au nom de la rigueur budgétaire (si chère à Didier Migaud). On peut penser que cela commença concrètement avec la note de la SGDSN du 16 mai 2013, titrée Doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire, qui « a entériné la fin du stockage de masques coordonné par l'Etat » (2), et qui précisait dans son introduction que la doctrine était élaborée « dans un souci d'efficacité et d'économie globale ».   

            Aujourd'hui, on voit le résultat.

 

            Avant de diriger la Cour des Comptes, le politicard Didier Migaud avait déjà montré son obsession de la rigueur budgétaire. Il est le coauteur de la Loi organique relative aux lois de finances (2001), qui prétend notamment améliorer l'efficacité de l'Etat grâce à une logique d''objectifs et de résultats. L'Etat doit être géré comme une entreprise, c'est la doxa des hommes du Pouvoir. Le problème, c'est que Didier Migaud ne connaît rien au monde de l'entreprise.

Né en 1952, fils du notaire de Château-Chinon chez qui François Mitterrand dînait parfois (3), Didier Migaud, diplômé de Sciences Po Lyon et titulaire d'un DESS de droit public, finit donc ses études vers 1975 (quid du service militaire ?) et entre sur recommandation du francisquain Mitterrand dans le cabinet de Louis Mermaz (un fidèle du bourgeois de Jarnac) ; il grandit sous l'aile de son patron et devint député en 1988, etc.

Didier Migaud est un apparatchik pistonné portant le badge PS de la ligue libérale-radicale qui, bien qu'il ne connaisse pas l'entreprise, a voulu en appliquer le bréviaire managérial dans l'Etat. Sait-il au moins aujourd'hui le fondement nazi de cette théorie du management ? (lire ici )  L'ignorance doublée d'incompétence sera couverte du manteau de la vertu. 

            Seulement voilà, en matière de vertu, le vulgum pecus découvre dans le Canard enchaîné (4) l'autre visage débectant de Didier Migaud : parce qu'il peut déjà prétendre à 3 pensions de retraite (conseiller régional, député, 1er président), l'infâme a des "exigences" en matière de pognon pour prendre la présidence de la HATVP (7.033 euros bruts mensuels + indemnité de fonction de 9.500 euros nets par an) en quittant la Cour des Comptes, où il touchait 14.500 euros nets par mois, avec secrétariat particulier, abonnement téléphonique professionnel et salle à manger privative. Hors-sol depuis 1988, ce personnage n'est plus en capacité de comprendre l'obscénité de ses exigences.

            Pour Didier Migaud et l'élisphère, l'austérité c'est bon pour l'Etat et les gens de peu.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) Ce rapport est disponible sur la Toile : fichier nommé 59342_grippe_A_H1N1.pdf.

(2) Louis Hausalter, Marianne du 17 avril 2013. Excellent article.

(3) Dixit Didier Migaud dans l'article publié par l'imMonde du 9 février 2010.

(4) Canard enchaîné du 19 décembre 2019, repris par le blog librejugement.org