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Tonifiant le café de Louis Pinto (I)

Publié le par Alexandre Anizy

 

En septembre 2009, le sociologue Louis Pinto publiait un essai salutaire titré « le café du commerce des penseurs à propos de la doxa intellectuelle » (éditions du croquant, 150 pages, 13,50 €). Il mérite qu'on s'y attarde.

 

Commençons par la définition de l'auteur : « (…) ce que les philosophes appellent la doxa, l'opinion. La doxa intellectuelle, cet ensemble relativement systématique de mots, d'expressions, de slogans, de questions et de débats dont les évidences partagées délimitent le pensable (...) » (p.6)

Ce kit de pensées allégées (« moins un système de thèses qu'un fond d'évidences trop évidentes pour être posées » p.8) vise essentiellement le centralisme étatique d'une gauche authentique et le paradigme de l’État-Providence. La fréquentation des mêmes lieux, de même que la conversion du capital intellectuel et du capital social, facilitent l'apprentissage et la mise à jour permanente de la doxa.

Comment s'y retrouver dans la bouillie doxique ?

 

« Le "changement" est une notion centrale (…). Le terme de "réforme" subit ainsi une transformation considérable qui rend méconnaissable sa signification ancienne (progressiste) d'accroissement de la justice et de l'égalité (…) et finit simplement par désigner la suppression des obstacles à la pure rationalité exigée par l'économie, le droit, les institutions (...) » (p.23)

C'est bien pourquoi nous avons écrit dès le 17 mars 2008 une leçon de rhétorique à l'usage de l'opposition d'opérette :

http://www.alexandreanizy.com/article-17779216.html

 

La production doxique est imposée en particulier par la presse, « à commencer par le Monde, Libération et le Nouvel Observateur », à travers ses experts et ses spécialistes dont elle garantit les labels "philosophe"ou "intellectuel"pour ses affiliés (éditorialistes, chroniqueurs, collaborateurs …). Le nouvel intellectuel présente ainsi 3 traits : mondanité, polyvalence, conservatisme.

Louis Pinto cite quelques noms : Alain Finkielkraut, Pascal Bruckner, le milliardaire philosophe Bernard-Henri Lévy, Régis Debray.

Grâce à un indicateur (les revues, en particulier Commentaires, Esprit, le Débat, Multitudes), l'auteur dresse les contours des 3 régions de la doxa.

 

Région droite

Ce sont des mi-penseurs, mi-experts d'entreprise, que l'on retrouve souvent dans la "grande presse" : des gens comme Henri Lachmann, Nicolas Baverez, Guy Carcassonne, Laurent Cohen-Tanuggi, François Ewald, Jean-Hervé Lorenzi, Alain-Gérard Slama, etc. La revue de référence de cette sphère, Commentaires, son creuset, IEP et Dauphine.

Région centrale

Centrale elle l'est en plusieurs sens : idéologique, social (avec un recrutement diversifié), politique (avec le mélange droite et gauche), stratégique (avec sa densité et le poids social de ses réseaux d'échange). « Mais cette région est centrale surtout en ceci qu'elle est déterminante dans la conversion de la gauche aux présupposés de la pensée néolibérale. » (p.33)

Signalons ici que la thèse de sciences politiques de Kil-Ho Lee, « les revues intellectuelles. La construction sociale d'un espace intermédiaire » (université de Paris X Nanterre, 2009) est citée à plusieurs reprises.

Les revues de référence, Débat et Esprit, ont « la prétention à offrir une vision élevée, intelligente, sur ce que l'actualité donne à penser. Les sujets d'actualité ont une place prépondérante dans les 2 revues (...) » (p.31) Le creuset de cette sphère serait plutôt EHESS.

Des lieux occupés ou créés par une fraction de la gauche non marxiste constituent le foyer de la révolution conservatrice, avec Raymond Aron comme référence, François Furet en figure majeure, et l'infatigable PierreRosenvallonen "bon à brouiller".

Dans cette région grenouille une catégorie particulière : « A la figure du censeur est opposée celle du gêneur. Gêneur est un terme noble pour désigner un intellectuel que les médias ne cessent de louer en le présentant précisément comme injustement traité (...) » (p.39) Vous avez bien sûr identifié les marioles Minc, Debray, Finkielkraut, Sollers, etc., « qui défont les dogmes que les censeurs veulent nous imposer. » (p.40)

 

Région de gauche

Loin du pouvoir économique ou politique, souvent dans le cocon de l'université, ils s'insurgent dans des petites revues comme Multitudes. Ce sont des gauchistes reconvertis dans une radicalité d'abord philosophique, avec Toni Negri en figure de proue.

« (…) ces intellectuels téméraires qui se font une spécialité de la critique de toutes choses, sauf des limites de leur point de vue sur les choses, sont les victimes, par excellence, de l'illusion qui consiste à prendre des transgressions sur le papier pour des ruptures dans l'histoire mondiale. » (p.44)

« Du gauchisme au postmodernisme qui est un postgauchisme, ils vivent de et sur l'ambivalence du dépassement (...) » (p.47)

 

 

Louis Pinto discerne une unité plurielle dans cette population hétéroclite : « Mais, au-delà de ces oppositions, ce qui réunit tous ces intellectuels est une même fétichisation du changement qui les porte non pas à découvrir des formes et des facteurs de transformations sociales mais à s'en remettre à une pensée binaire qui, en interdisant d'interroger les permanences, les invariances, les constances, détourne de toute recherche d'une grille d'analyse permettant de comprendre ce qui change … et ce qui ne change pas, ou seulement en apparence. » (p.50)

(à suivre)

 

Alexandre Anizy

 

"the blonde" de Duane Swierczynski

Publié le par Alexandre Anizy

 

Voilà un livre sans prétention, un thriller bien ficelé, ce qui n'empêche pas la liberté de déjanter, que vous ne lâcherez pas : « the blonde » de Duane Swierczynski (rivage poche, janvier 2010, 301 pages, 9,50 €).

Seul le style laisse à désirer : un genre de Marc Lévy qui se serait encanaillé, ce qui le rendrait supportable …

 

Bref, un bouquin pour le voyage. A consommer de préférence dans un aéroport, pour se mettre dans l'ambiance !

 

 

Alexandre Anizy

 

 

L'angélisme de Simonetta Greggio

Publié le par Alexandre Anizy

 

Nous ne connaissons pas Simonetta Greggio, sinon par son roman « la douceur des hommes » (Stock 2005, 177 pages, 17 €), que nous avons modérément goûté ( lire http://www.alexandreanizy.com/article-7069122.html ), sinon par la publicité et la couverture médiatique exceptionnelle de son dernier opus « la dolce vita ». Il semble que nous ayons tort de ne pas prendre en considération cette gentille personne, puisque la presse française lui ouvre facilement ses colonnes.

Comme le Monde daté du 27 janvier, avec un papier sur l'affaire Cesare Battisti dont le sous-titre est "État de droit, l'Italie n'est pas la Libye".

 

De toute évidence, Simonetta Greggio n'a pas passé des heures sur les documents de l'affaire. Du moins pas autant que Fred Vargas, qui répond méticuleusement et finement à un intellectuel agité, Antonio Tabucchi, qui défend la vérité judiciaire italienne sans faire l'effort d'un travail personnel de recherche, dans ce même numéro du Monde (à la même page). Non, Simonetta Greggio se contente de broder autour du thème de l'amnésie et de l'amnistie, autour de généralités sur la facture présente des actes passés, sur le respect de la souveraineté des démocraties …

 

Que l'Italie soit un État de droit, nous n'en doutons pas, chère Simonetta Greggio, puisque le premier des voyous y échappe légalement aux poursuites.

 

C'est pourquoi nous félicitons le Président brésilien Lula de ne pas avoir extradé Cesare Battisti.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

Fine sensation du poète Jules Supervielle

Publié le par Alexandre Anizy

 

 

« Je sens l'effort du gazon

Qui veille sous tant de neige

Et l'effort de la raison

Dans l'esprit qui la protège. »

 

Jules Supervielle, poème du recueil « Gravitations »

 

 

La raison finirait par l'emporter, même chez les hommes sous influence.

 

Alexandre Anizy

 

L'ennui chez Rosetta Loy

Publié le par Alexandre Anizy

 

Ce matin-là, nous essayâmes de pénétrer dans l'histoire de Rosetta Loy, celle de « la porte de l'eau » (Rivage poche, octobre 2002, 123 pages, 5,35 €), qui commençait mal :

« Le grincement du tram qui abordait le virage ouvrait une première trouée sur le jour. Le tram coassait longuement, à l'agonie, la plainte des rails se répercutait contre les vitres fermées derrière les persiennes peintes en blanc. Puis le tram (...) »

Horripilés dès le début par le tram-tram stylistique !

 

Il y a des jours comme celui-là …

 

 

Alexandre Anizy

 

L'ennui chez Pierre Michon

Publié le par Alexandre Anizy

 

L'incipit donne à penser que l'on va plonger dans une œuvre de qualité supérieure :

« Il était de taille médiocre, effacé, mais il retenait l'attention par son silence fiévreux, son enjouement sombre, ses manières tour à tour arrogantes et obliques – torves, on l'a dit. »

Et puis rien. Un assemblage hétéroclite, une construction futile d'un écrivain sans tripe.

 

On s'ennuie grave avec « les onze » de Pierre Michon (Verdier, avril 2009, 137 pages, 14 €), et pas de vuvuzela pour vous réveiller.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

Quand le Monde suspecte le Figaro

Publié le par Alexandre Anizy

 

Dans son numéro daté du 20 janvier, le Monde nous informe en page 13 de « l'étrange campagne du Figaro ». De quoi s'agit-il ? L'éditorialiste Yves Thréard écrit « de vigoureux plaidoyers en faveur de Pierre Falcone », le marchand de canons bien connu.

 

Franchement, qu'un journal appartenant à la famille Dassault, marchand d'armes notoire, conteste au profit de leur collègue Falcone la qualité du travail des magistrats et le jugement rendu, il ne doit pas y avoir beaucoup de monde pour trouver cela étrange …

 

Mais depuis que le Monde a changé de propriétaires, certains journalistes redécouvrent les vertus de l'indépendance d'esprit. Que cet article soit signé P. R.-D. (Pascale Robert-Diard) ne manque pas de sel.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

Martin Hirsch et l'enfumage

Publié le par Alexandre Anizy

 

Le serf de la république solidaire Martin Hirsch est vraiment un personnage.

(lire http://www.alexandreanizy.com/article-6656984.html )

Voilà un énarque qui fut Directeur Général de l'Agence Française de Sécurité Sanitaire (Afssaps) et qui feint aujourd'hui d'ignorer le lobbying des laboratoires pharmaceutiques, les conflits d'intérêts et la dépendance des experts et des chercheurs …

 

En lisant le rapport de l'Igas relatif à l'affaire du médicament du laboratoire Servier, le Médiator, Hirsch semble découvrir que « c'est le terrible récit d'un enfumage généralisé des autorités sanitaires par Servier ».

Il dit aussi son « immense amertume. On croyait avoir tiré les leçons du sang contaminé en créant un système de contrôle efficace. On n'est pas allé assez loin et les conséquences sont dramatiques. »

 

Ceux qui connaissent le milieu de la Santé formuleront ces hypothèses : Martin Hirsch est soit un incompétent, soit un immense naïf qui n'a rien vu ni compris du système alors qu'il était aux premières loges. Sinon, il faut considérer qu'il vient d'apporter sa contribution à l'enfumage.

 

 

Alexandre Anizy

 

Tunisie : changement de tête au Palais

Publié le par Alexandre Anizy

 

Aujourd'hui, en Tunisie, le premier ministre Mohamed Ghannouchi, proche du dictateur Ben Ali, constatant une carence momentanée du pouvoir, a pris les rênes de l’État conformément à la Constitution.

Ce n'est donc qu'un changement de tête au Palais, qui n'aurait jamais vu le jour sans la poussée populaire.

 

Le 7 novembre 1987, le général Ben Ali devenu premier ministre, proche du Président Bourguiba, s'empare du pouvoir en vertu de l'article 57 de la Constitution, après avoir fait constaté par 7 médecins la déchéance physique et intellectuelle du Président.

Le coup d’État médical avait eu la bénédiction préalable des États-Unis.

 

Où sont les différences ?

Ben Ali a quitté le pays en bonne santé, selon toute vraisemblance, ce qui ne fut pas le cas de Bourguiba ;

Ben Ali a ses poches remplies et sa fortune internationalement diversifiée, de même que le clan de sa femme, alors que la ponction de Bourguiba avait été relativement plus modeste.

 

En l'état actuel des choses, employer le mot révolution comme le font déjà certaines personnes est une erreur sémantique.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

 

Calme vendetta de R.J. Ellory

Publié le par Alexandre Anizy

 

Après « seul le silence » qui connut un certain succès, R.J. Ellory a sorti un deuxième thriller, « Vendetta » (éditions Sonatine, juin 2009, 652 pages, 23 €).

Le style étant de moindre qualité, le livre ne vaut que pour l'intrigue.

A lire en voyage ou à la plage.

 

 

Alexandre Anizy