Qu'est-ce qu'a dit Marin Ledun ?
L'homme qui a vu l'homme est un polar de Marin Ledun (Ombres noires 2014, en livrel à 7,99 €), dont le titre un tantinet débile a dû rebuter quelques aficionados. C'est dommage parce que l'oeuvre est de bonne facture, bien que le style soit perfectible :
« Les pneus crissent (1) sur le bitume gelé. Une Mégane break grise s'engage sur l'aire de repos et s'avance sur le parking. Elle freine brutalement derrière une Opel Corsa verte et lui bloque le passage. Des portes s'ouvrent. » (incipit)
Question langage, on est plus proche de Houellebecq que de Proust, c'est évident, mais on ne visite Marin Ledun ni pour sa musique, ni pour son vocabulaire, car il faut reconnaître qu'il sait tresser son récit en Euskadi. Si le credo du héros est simple "ETA, GAL, Etat français, Etat espagnol : tous pourris !", le livre a aussi le mérite d'expliquer pourquoi.
L'homme qui a vu l'homme est un roman d'une construction solide, mais avec une décoration faiblarde.
Alexandre Anizy
(1) Ici, on ne peut pas ne pas citer un morceau de la critique drôle de Frédéric Pagès dans le Canard enchaîné du 22 juillet 2015, à propos de Guillaume Musso :
« Crisser. Ne pas oublier le mot magique qui fait l'écrivain. Exemples : "Il démarra brusquement, faisant crisser le gravier sous les roues de la camionnette" ; "Je m'installai sur le siège avant et fis crisser les pneus en démarrant". Rendons justice à Guillaume Musso : même dans les romans rive gauche intellos, ça crisse énormément. Décrétons donc un moratoire : pendant un an, aucun pneu, aucun gravier ne crissera plus dans aucun roman. Et les lettres françaises seront sauvées dans l'instant présent. »