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Préférence pour la liquidité des banques : Edwin Le Héron (VI)

Publié le par Alexandre Anizy

Suite des notes

http://www.alexandreanizy.com/article-la-preference-pour-la-liquidite-des-banques-selon-edwin-le-heron-i--40533959.html 

http://www.alexandreanizy.com/article-edwin-le-heron-la-ppl-des-banques-ii--40827957.html

http://www.alexandreanizy.com/article-preference-pour-la-liquidite-des-banques-selon-edwin-le-heron-iii--40958203.html 

http://www.alexandreanizy.com/article-ppl-des-banques-selon-edwin-le-heron-iv--41123203.html  

http://www.alexandreanizy.com/article-edwin-le-heron-la-ppl-des-banques-v--41365908.html  

 

 

B. Préférence pour la liquidité et comportements des banques

 

« Le financement est nécessaire pour toute la production. Toutefois nous considérons que la production courante est financée par les fonds de roulement des entreprises et par des autorisations de découvert (revolving funds) accordés par les banques au taux courant. (…). De plus, pour simplifier, nous considérerons par hypothèse qu’aucune épargne monétaire nette des ménages n’est faite sur ce financement courant. » (Edwin Le Héron, p.112)

Il s’agit pour l’auteur d’analyser le financement nouveau de l’investissement, la croissance de la production, la stratégie financière des entreprises, précisément de déterminer l’offre de financement des banques (i.e. le flux nouveau de monnaie) par opposition à l’offre de monnaie que représente le stock de monnaie (i.e. la masse monétaire de l’économie), étant entendu que la demande de monnaie pour les motifs de transaction, précaution et spéculation est en stock, et que la demande de financement concerne le flux nouveau (motif d’entreprise et de financement). Si les banques satisfont en principe cette demande de financement nouveau, l’auteur prend également en compte les marchés financiers où les entreprises peuvent trouver ces liquidités grâce aux ménages qui acceptent d’être moins liquides (autrement dit, ils diminuent leurs stocks de liquidités à cause d’une baisse de leur préférence pour la liquidité).

 

« La préférence pour la liquidité des banques s’exerce à 3 niveaux : au premier degré au niveau microéconomique des banques commerciales, au second degré au niveau macroéconomique, à la fois entre les banques commerciales elles-mêmes et avec la banque centrale, enfin au troisième degré en économie ouverte, entre les banques centrales. » (ELH, p.113)

La préférence pour la liquidité des banques commerciales a pour objectifs de diminuer les 2 risques de crise microéconomique dans leur activité :

  • la crise de liquidité (une crise de court terme), quand leur passif monétaire est très liquide par rapport à leur actif ;
  • la crise de solvabilité (une crise liée à des problèmes de long terme), quand la rentabilité d’une banque est insuffisante, quand la valeur insuffisante de l’actif par rapport à celle du passif mène à la faillite.

« Bien sûr les interactions entre ces deux types de crises sont fortes. » (ELH, p.114)

 

(A suivre)

 

Alexandre Anizy

 

Rappel : « La préférence pour la liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire » est la contribution d’Edwin Le Héron au numéro des Cahiers lillois d’économie et de sociologie titré « Monnaie et taux d’intérêt en analyse keynésienne »  (L’Harmattan, septembre 2002, 182 pages, 16 €).  

 

Edwin Le Héron : la PpL des banques (V)

Publié le par Alexandre Anizy

Suite des notes

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La politique monétaire de la banque centrale

La banque centrale (BC) ne cherche pas à maximiser ses profits. Son premier objectif est d’assurer la qualité du signe monétaire.

 

La BC ne peut pas empêcher directement la création monétaire. Elle agit sur les banques de second rang (et donc indirectement sur l’économie) que par la fixation du taux d’intérêt du marché monétaire, par une politique d’open market, par une politique de réserves obligatoires (dont l’objectif est de changer le besoin de liquidités des banques). Mais parce que la BC peut provoquer un effondrement du système bancaire au moyen d’une crise provoquée de liquidités, elle se garde bien d’instaurer une politique de contrainte forte de liquidités sans avoir vérifié préalablement que les banques les plus importantes ne seront pas touchées.

 

« La BC ne peut pas non plus provoquer la création monétaire. Seule une demande d’un agent non financier peut être à l’origine de la croissance de l’offre de monnaie des banques commerciales. La demande de monnaie est motrice. » (Edwin Le Héron, p.108)

Néanmoins, par son discours et son comportement, la BC influe les acteurs économiques : il faut noter qu’ « Ainsi la politique monétaire connaît une certaine « efficacité » par son action sur la demande de monnaie (modification du prix de la monnaie et de la confiance des agents non financiers) plutôt que sur l’offre. » (ELH, p.109)  Autrement dit, la BC est d’autant plus efficace lorsqu’il s’agit de freiner la croissance monétaire ; dans le cas contraire (i.e. susciter la création de monnaie), l’échec est au bout du chemin comme l’a confirmé celui de la politique monétaire de taux zéro au Japon.

 

Avec les banques commerciales, la politique monétaire de la BC consiste à peser sur les coûts de production de la monnaie :

  • Soit directement par le taux d’intérêt du marché monétaire ;
  • Soit indirectement en modifiant les réserves obligatoires, ou en intervenant sur le marché par des apports ou des reprises de liquidités (politique d’open market) ;
  • Soit en modifiant à la hausse les règles prudentielles, ce qui implique une augmentation du coût de fonctionnement des banques.

Agir sur l’un de ces 3 éléments permet de modifier le coût de refinancement des banques, qu’Edwin Le Héron nomme taux exogène du marché monétaire. « Ce taux est largement conventionnel (ce qu’affirmait déjà Keynes). » (ELH, p.109)

Chaque banque centrale possède sa tradition institutionnelle, ses routines, son mode de pensée économique : « L’examen minutieux des discours, des publications régulières, (…), renseigne sur la convention et le modèle sous-jacent utilisés par la banque centrale. Nous pouvons les résumer dans la fonction de réaction de la banque centrale. » (ELH, p.109) C’est une fonction propre à chaque BC et pour un moment donné … mais fortement dépendante du mode de pensée économique dominant et de la tradition locale.

« La politique monétaire est considérée comme « crédible » lorsque les agents économiques pensent que la BC ne changera pas de comportement et continuera à suivre les mêmes règles, donc que sa fonction de réaction est stable. Nous parlerons de « confiance » lorsqu’il y a compréhension mutuelle entre la BC et les agents économiques, c'est-à-dire lorsque les actions de la BC sont en adéquation avec celles des autres agents.» (ELH, p.111et 112)

Une fonction de réaction stable n’implique pas un taux directeur stable.

 

(A suivre)

 

Alexandre Anizy

 

 

Rappel : « La préférence pour la liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire » est la contribution d’Edwin Le Héron au numéro des Cahiers lillois d’économie et de sociologie titré « Monnaie et taux d’intérêt en analyse keynésienne »  (L’Harmattan, septembre 2002, 182 pages, 16 €).  

 

Pauvre Rachida Dati : être politique selon Friedrich von Logau

Publié le par Alexandre Anizy

A celle qui de Montaigne

Ne connaît que l'avenue,

Et qui sans être titrée

Sut s'élever fissa …


« Être l'un, paraître l'autre,

Dire l'autre, penser l'un ;

Tout louer, tout supporter,

Toujours feindre, toujours plaire,

Donner voile à tous les vents ;

Servir les bons, les mauvais ;

Dans tout ce qu'on fait, qu'on trame,

Ne jamais songer qu'à soi :

Quiconque à cela s'applique

Aujourd'hui est politique. »

                         Friedrich von Logau


L'épigramme s'intitule « L'art du monde contemporain ».

Bien que ce poète allemand vécût de juin 1604 à juillet 1655, il est resté d'actualité : n'est-ce pas, Mademoiselle Rachida Dati ?


Alexandre Anizy

 

PpL des banques selon Edwin Le Héron (IV)

Publié le par Alexandre Anizy

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Généralisation du principe de la préférence pour la liquidité et offre de monnaie endogène

 

Le pôle Banque est constitué de 2 entités : les banques de second rang qui créent la monnaie pour le financement de l’économie (crédit ou achat de titres sur les marchés financiers), et une banque centrale (BC) qui veille à la qualité du signe monétaire.

 

A. La Banque Centrale est une institution de régulation de la monnaie

 

La monnaie est un bien social particulier puisque c’est l’équivalent général, un produit fabriqué par des banques concurrentielles.

« Les banques, entrepreneurs en monnaie, seraient des entreprises comme les autres si leur produit ne possédait de fortes spécificités. (…) [la monnaie est] l’équivalent général, c'est-à-dire un pouvoir d’achat et une capacité de remboursement des dettes sans limites. » (Edwin Le Héron, p.105)

Que se passe-t-il quand une ou plusieurs banques échouent dans leur activité de production de monnaie ? Cela se produit quand elles ont financé des paris productifs irréalisables, plus précisément quand le marché ne valide pas la production correspondante :

« Le pouvoir d’acheter distribué par les banques (micro) ne se transforme pas alors en pouvoir d’achat (macro). La fausse monnaie, c'est-à-dire sans contrepartie équivalente à l’actif d’une banque, circulera toujours au passif de l’ensemble des banques, indiscernable de la bonne monnaie. » (ELH, p.106)

A ceci, il faut ajouter évidemment « la possibilité d’une utilisation spéculative de la monnaie détenue pour motif de finance ».

 

Si créer de la monnaie est chose facile, l’activité bancaire ne l’est pas : l’équilibre de la structure de bilan des banques est essentiel.

« La hiérarchisation du secteur, avec l’émergence d’une banque centrale et d’une monnaie ultime, et la réglementation prudentielle ne peuvent suffire à garantir l’absence de crise de liquidité dans le système bancaire, d’où la nécessité d’une théorie qualitative de la monnaie. Ce n’est pas la quantité de monnaie qui est importante mais la qualité de ses contreparties. » (ELH, p.106)

Nous sommes ici au cœur du problème de l’automne 2008.

Ajoutons qu’une validation par le marché est une condition nécessaire mais insuffisante à long terme. En effet, une activité spéculative peut être validée par le marché financier : toutes choses égales par ailleurs, l’accroissement de la quantité de monnaie a pour contrepartie la hausse des cours.

 

 

Keynes définit la monnaie comme la liquidité par excellence, une qualité assurée par 3 propriétés (cf. la Théorie générale) :

  • Une élasticité de production négligeable pour les agents non financiers ;
  • Une élasticité de substitution proche de 0 ;
  • Une élasticité de la demande à l’offre proche de 1.

Edwin Le Héron propose qu’on considère ces propriétés comme des conditions à respecter (ce que Keynes avait lui-même envisagé).  

« L’enjeu du système monétaire est de maintenir la liquidité de la monnaie par la vérification de ces 3 conditions tout en assurant la liquidité de la production, c'est-à-dire les flux monétaires issus de la demande effective. » (ELH, p.107)

Si la demande de monnaie est motrice, s’il n’y a pas de rationnement monétaire et que la politique monétaire se réduit à la fixation exogène du taux d’intérêt, alors la quantité de monnaie est essentiellement due aux entrepreneurs : dans ce cas, l’élasticité de production peut tendre vers 1.

« L’abondance du signe monétaire peut conduire à sa destruction (inflation et hyper inflation) et à son remplacement (dollarisation par exemple). » (ELH, p.107)

Si l’offre exogène de monnaie est constante et verticale, la monnaie peut bloquer la croissance et empêcher le plein emploi dans l’économie. Mais « cette hypothèse est contradictoire avec l’endogénéïsation de la monnaie par le principe de la demande effective. » (ELH, p.107)

L’inélasticité de sa production, propriété de l’or pour laquelle on lui donne vocation à servir d’étalon de valeur, est précisément la source du mal, selon Keynes.

Dans ce cas, ce sont les banquiers qui ont un rôle déterminant. L’attribut de liquidité se retourne contre la production.

 

Il convient donc de se situer entre ces 2 extrêmes : l’horizontalisme pur et le verticalisme.

 

(A suivre)

 

Alexandre Anizy

 

 

Rappel : « La préférence pour la liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire » est la contribution d’Edwin Le Héron au numéro des Cahiers lillois d’économie et de sociologie titré « Monnaie et taux d’intérêt en analyse keynésienne »  (L’Harmattan, septembre 2002, 182 pages, 16 €).  

 

Préférence pour la liquidité des banques selon Edwin Le Héron (III)

Publié le par Alexandre Anizy

Suite des notes

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http://www.alexandreanizy.com/article-edwin-le-heron-la-ppl-des-banques-ii--40827957.html

 

Grâce à Nicholas Kaldor, Sidney Weintraub et Paul Davidson (apôtres d’une pensée monétaire anti-monétariste), la théorie postkeynésienne s’écarta peu à peu de l’idée que la monnaie est comme un actif financier : c’était le retour à une logique de flux, avec le « finance motive » de 1937 au centre du débat.

Edwin Le Héron cite le précurseur français Jacques Le Bourva qui « développa en 1959 et 1962 une conception de la monnaie endogène reprise indépendamment 20 ans plus tard par Nicholas Kaldor et Basil Moore sous le nom d’horizontalisme. » (p.101)

A partir de 1975, on assiste à une généralisation, voire un dépassement de l’économie monétaire de production par les postkeynésiens, qui s’intéressent aux problèmes de l’offre de monnaie, du taux d’intérêt et du comportement bancaire.

Quatre tendances keynésiennes se dessinent.

 

  1. La vision traditionnelle

Au départ, une banque unique qui peut créer librement de la monnaie de crédit ; ensuite, la politique monétaire impose des limites, la banque centrale peut déterminer la quantité de monnaie. L’offre de monnaie reste exogène. 

 

  1. Théorie de Tobin des choix de portefeuille appliquée aux banques commerciales concurrentielles

Face à une structure des dépôts incertaine, avec comme objectif la neutralité face au risque, les banques fixent le taux d’intérêt pour couvrir ces risques, en ajustant l’offre de crédit à la demande des agents non financiers. On a donc une structure de financement non neutre et une possible instabilité du secteur bancaire. L’offre de monnaie est ici endogène et le taux d’intérêt exogène mais pas unique.

 

  1. Les horizontalistes

Pour eux, les banques sont des intermédiaires entre la banque centrale qui fixe le prix de la monnaie, et les emprunteurs (demande pour les besoins industriels, commerciaux et financiers). Le pouvoir des banques commerciales est dans leur capacité à délivrer du pouvoir d’achat aux entrepreneurs, à déterminer les innovations financières. Ici, l’offre est endogène au taux d’intérêt courant considéré comme exogène et fixé par la banque centrale. L’offre est infiniment élastique : sa courbe est horizontale (s’opposant ainsi radicalement à la courbe d’offre verticale des monétaristes).

Plaisantons en disant qu’avec eux le motif de financement et la préférence pour la liquidité passent à la trappe.

 

Quatrième approche

(avec Kregel, Le Héron, Messori, Wray, Heise)

Pour eux, les banques de second rang peuvent imposer une contrainte monétaire, par des conditions de financement plus difficiles (comme des taux plus élevés, des garanties plus importantes, des horizons de financement plus courts) ou par un rationnement du financement.

« Elles sont productrices de monnaie face à une incertitude non probabilisable et influencent la croissance et l’emploi par leurs propres anticipations de la demande. Si l’offre ne peut être supérieure à la demande de monnaie, elle peut par contre être inférieure et donc la contraindre. » (ELH, p.104)

« Sous les influences de la banque centrale et de la demande effective des entreprises, l’offre de monnaie et le taux d’intérêt sont endogènes, mais déterminés principalement par le comportement bancaire. » (ELH, p.104)

 

 

Face aux problèmes théoriques de la Théorie générale, face aux perspectives soulevées par les articles de 1937, dans son article cité en rappel Edwin Le Héron abandonne l’idée d’une offre de monnaie exogène (ou constante à court terme), reformule la théorie de l’intérêt et vise à dépasser le concept d’ « autorités monétaires ».

« La solution que nous proposons est de généraliser la principe de la préférence pour la liquidité et de l’étendre notamment aux Banques pour la détermination du taux d’intérêt et du volume de financement, afin de comprendre un éventuel rationnement, cette « rareté désirée ». » (ELH, p.104)

 

Si les « horizontalistes » abandonnent ce principe, Edwin Le Héron le généralise, retrouvant ainsi, dit-il, certaines idées de Keynes du « Traité sur la monnaie ». Pour notre part, nous nous souvenons des temps déjà lointains où Edwin Le Héron rejetait le Keynes du Traité, et constatons avec satisfaction que son approche théorique s’est donc enrichie.

 

(A suivre)

 

Alexandre Anizy  

  

 

Rappel : « La préférence pour la liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire » est la contribution d’Edwin Le Héron au numéro des Cahiers lillois d’économie et de sociologie titré « Monnaie et taux d’intérêt en analyse keynésienne »  (L’Harmattan, septembre 2002, 182 pages, 16 €).

 

Edwin Le Héron : la PpL des banques (II)

Publié le par Alexandre Anizy

Suite de la note

http://www.alexandreanizy.com/article-la-preference-pour-la-liquidite-des-banques-selon-edwin-le-heron-i--40533959.html

 

Que mettent en perspective les articles de 1937 de Keynes ?

  • La préférence pour la liquidité (PpL) des banques apparaît, et l’insuffisance de financement est envisagé ;
  • Le motif de financement de la production est développé : la conception de flux est privilégiée, rendant explicitement la monnaie endogène ;
  • La nécessité d’une théorie ex ante du taux d’intérêt.

Tout ceci n’est pas exploité. Il faudra attendre les années 1970 pour que les postkeynésiens s’y attèlent.

 

Du fait de sa nouveauté, le motif de spéculation de la Théorie Générale a favorisé dans l’analyse monétaire keynésienne l’idée que la détention de monnaie était comme une réserve de valeur, ce qui rentre dans le cadre cambridgien de la théorie quantitative.

« Reprenant de la Théorie Générale une offre de monnaie exogène et la demande « enrichie » (motif de spéculation), le modèle IS-LM de John Hicks a été popularisé en laissant penser que les controverses sur la théorie de l’intérêt étaient inutiles du fait de l’équivalence, dans un système d’équilibre générale simplifié [voir l’économiste Walras ; ndAA], entre fonds prêtables (marché du capital) et préférence pour la liquidité (marché de la monnaie). De plus Hicks avait relevé dès 1935 que le concept de liquidité (déjà présent dans le « Traité de la monnaie » [de Keynes ; ndAA]) permettait d’appliquer la théorie traditionnelle des choix à la monnaie. Cette idée fut ensuite développée par Tobin qui proposa une interprétation de la préférence pour la liquidité comme aversion face au risque permettant une explication rationnelle du comportement de détention de monnaie. En intégrant les actifs réels, Milton Friedman ne remettait pas en cause le cadre analytique précédent, mais le dépassait. (…) Toutefois l’offre de monnaie était considérée par tous comme exogène. » (ELH, p.101)

Dans ce paragraphe, Edwin Le Héron résume avec brio le processus d’incorporation de la pensée keynésienne dans le schéma dominant des sciences économiques : c’est ainsi que les économistes sont tous devenus keynésiens, hormis les irréductibles d’un libéralisme pur et dur.

(A suivre)

 

Alexandre Anizy

 

Rappel : « La préférence pour la liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire » est la contribution d’Edwin Le Héron au numéro des Cahiers lillois d’économie et de sociologie titré « Monnaie et taux d’intérêt en analyse keynésienne »  (L’Harmattan, septembre 2002, 182 pages, 16 €).

Démocratie : Chantal Delsol a-t-elle vraiment lu Jacques Rancière ?

Publié le par Alexandre Anizy

La démocratie est en danger dans la vieille Europe : « Nous voyons s’avancer tout doucement la justification d’un nouveau régime : une oligarchie. », écrit Chantal Delsol dans un article (Figaro du 3 décembre 2009), dont nous avons tiré la substance essentielle dans notre note précédente :

http://www.alexandreanizy.com/article-daniel-cohn-bendit-l-antidemocrate-recidiviste-vise-par-chantal-delsol--40593781.html

 

Mais elle balance aussi des noms : « Ceux qui remettent en cause la démocratie, rien qu’en langue française, forment déjà une pléiade qui mériterait des travaux approfondis. Je ne citerais ici que Rancière, Badiou, Milner. »

 

Seulement voilà, concernant Jacques Rancière, nous nous interrogeons sur la pertinence du propos : ceux qui ont lu le livre titré « la haine de la démocratie », dont nous avons fait une présentation fournie dans notre note du 29 mai 2007,

http://www.alexandreanizy.com/article-6704177.html ,

ne peuvent qu’être interloqués par cette saillie imbécile. En effet, dans cet ouvrage, Jacques Rancière défend « l’idée démocrate » face à ceux qu’il nomme « les républicains », et il dénonce la sournoise prise de contrôle des institutions par l’oligarchie … comme l’écrit Chantal Delsol dans son article cité en référence.

 

Alors, que faut-il penser du contresens de Chantal Delsol ?

Peut-être que sa lecture de Rancière s’est arrêtée au titre du livre.

Ce qui ne serait pas sérieux de la part d’une philosophe patentée du Figaro, vous en conviendrez, n’est-ce pas ? 

 

 

Alexandre Anizy

 

Daniel Cohn-Bendit l'antidémocrate récidiviste visé par Chantal Delsol ?

Publié le par Alexandre Anizy

Après la votation suisse contre les minarets, la crapule écolo-libérale Daniel Cohn-Bendit a récidivé dans sa hargne « anti-démocratie » lors d’un entretien au Temps le 2 décembre :

« Je suis pour une démocratie directe « encadrée » par une Constitution qui ne permette pas de voter sur n’importe quoi. »

Après la « démocratie représentative », Cohn-Bendit nous offre donc un nouveau concept : la « démocratie directe encadrée ». S’il dit par quoi (mais une démocratie n’est-elle pas toujours régie par une Constitution ?), nous ignorons tout du « par qui ? ».

Mais on peut deviner en lisant la suite du propos :

« La priorité de l’élite politique suisse hostile à ce vote doit être de remobiliser la population en vue d’un nouveau référendum. (…) Capituler devant cette angoisse populaire serait une défaite pour tous les démocrates. (…) La Suisse ne doit pas se laisser ligoter par cette décision populaire jusqu’à la fin des temps. »

Pour Cohn-Bendit, le schéma est simple : l’élite politique doit faire revoter le peuple quand celui-ci n’a pas répondu dans le bon sens, enfin, celui de l’élite, vous aviez compris … Pourquoi ?

Peut-être parce que l’élite constitue une sorte d’avant-garde de la démocratie (avant-garde, on a déjà entendu cette bonne blague ailleurs, vous souvenez-vous ?), ou bien parce que ce sont des gens inspirés (puisqu’ils savent ce qui est bien ou mal pour le peuple), alors que les populaires réagissent en fonction de leur angoisse, de leurs instincts primaires, vous voyez le genre …

 

Avec le « Non » irlandais, nous avions déjà eu une première coulée anti-démocratique de la crapule écolo-libérale Daniel Cohn-Bendit : voir notre note

http://www.alexandreanizy.com/article-20346686.html

Avec la votation suisse, il récidive en enrichissant son propos : le projet politique anti-démocratique se précise.

 

 

D’aucuns penseront que nous exagérons ou qu’un parti pris fausse notre analyse, mais il se trouve que la philosophe Chantal Delsol, qui a selon nous de mauvaises fréquentations politiques (1), le dit aussi :

« Ce n’est pas le vote suisse qui représente un nouveau missile contre la démocratie, mais les réactions au vote suisse. » ;

« Autrement dit, il y a une voix extérieure et sommitale qui juge ce qu’un peuple décide, et jauge cela à une aune … Laquelle d’ailleurs ? » ;

« Nous voyons s’avancer tout doucement la justification d’un nouveau régime : une oligarchie. Elle ne fera pas tomber les démocraties par quelque révolution démodée. Elle agira sournoisement, comme elle a déjà commencé à le faire. ».

 

A notre avis, la crapule écolo-libérale Daniel Cohn-Bendit joue bien son rôle au sein du club anti-démocratique. 

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) : Chantal Delsol est l’épouse du politicien Charles Millon.

 

Edwin Le Héron : la préférence pour la liquidité des banques (I)

Publié le par Alexandre Anizy

Le monde est intelligible parce qu’il est théorisé. Autrement dit, la théorie donne une représentation de son fonctionnement, qui est évidemment limitée par l’état des connaissances humaines. Si on prend le domaine économique, la crise actuelle a mis en évidence un phénomène particulier : le moment où le système bancaire allait s’effondrer parce que les banques ne se prêtaient plus entre elles. Pourquoi ? Voici une réponse du postkeynésien Edwin Le Héron.

Rappelons la position de cet économiste dès octobre 2008 : lire notre note http://www.alexandreanizy.com/article-23813704.html

 

« La préférence pour la liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire » est la contribution d’Edwin Le Héron au numéro des Cahiers lillois d’économie et de sociologie titré « Monnaie et taux d’intérêt en analyse keynésienne »  (L’Harmattan, septembre 2002, 182 pages, 16 €). Compte tenu de la complexité du sujet, nous considérerons comme acquises certaines définitions et problématiques économiques, qui sont généralement l’affaire des spécialistes, postkeynésiens en particulier ici.

Au lecteur curieux de tirer le fil de la pelote des concepts !

 

« L’objectif de cet article est de montrer qu’une étude approfondie du comportement bancaire avec une offre de monnaie endogène dans le cadre d’une économie monétaire de production (EMP) est compatible avec le principe de la préférence pour la liquidité. Toutefois nous abandonnerons la solution proposée par la Théorie Générale, en généralisant ce principe aux banques, suivant les perspectives des articles de Keynes de 1937. » (Edwin Le Héron (ELH), p.97)

 

 

Offre de monnaie et préférence pour la liquidité dans le keynésianisme

 

Dans la Théorie Générale, le traitement ambigu de l’offre de monnaie pose 4 problèmes.

  1. Hypothèse d’une offre de monnaie exogène constante à court terme

Cette hypothèse est contraire au cadre de l’économie monétaire de production (EMP), « où la monnaie est endogène, entrant dans l’économie par le financement de la production déterminée par la demande effective des entreprises. » (ELH, p.98)

Avec cette hypothèse, si le stock de monnaie est insuffisant pour financer la demande effective, il y a une explication purement monétaire au chômage, ce que Keynes veut éviter.

 

 

  1. Le taux d’intérêt

« En effet, des 3 équilibres impliquant le taux d’intérêt dans la Théorie Générale, 2 renvoient ex post aux ménages (égalisation des différents taux d’intérêt spécifiques dans le cadre d’une théorie du placement [chapitre 17 de la T.G.], et taux d’intérêt comme prix de la monnaie avec comme variable déterminante la demande de spéculation). Mais le 3ème équilibre renvoie ex ante aux entreprises avec l’égalisation de l’efficacité marginale du capital et du taux d’intérêt pour la détermination du niveau d’investissement. » (ELH, p.99)

Ainsi dans la Théorie Générale, la théorie de la demande effective, centrale selon Keynes, exige 1 taux d’intérêt ex ante et 1 offre de monnaie endogène, avec des banques à l’influence marginale, réduite à 1 offre monétaire exogène dépendant de la politique des autorités monétaires.

  1. Le concept d’autorités monétaires

C’est un deus ex machina, puisqu’il doit résoudre tous les problèmes de création et de régulation monétaires : « C’est réduire l’action des banques à la seule banque centrale. » (ELH, p.99)

  1. La monnaie est une institution fragile

« Keynes affirme la liquidité de la monnaie plus qu’il ne la justifie. Il se contente de lui conférer 3 propriétés. Selon nous, elles ne sont pas intrinsèques à la monnaie, mais constituent plutôt 3 conditions à respecter, ce qui nous oblige à nouveau à replacer les banques au centre de l’analyse (…) » (ELH, p.99)

 

 

A peine un an après la parution de la Théorie Générale, Keynes veut en corriger les faiblesses, notamment en résolvant la contradiction d’une offre de monnaie exogène dans le cadre d’une économie à monnaie endogène. Pour cela, il dit implicitement avoir raisonné en 2 étapes dans son livre majeur.

« Ex ante, la demande de monnaie, qui est uniquement une demande de monnaie active, se détermine selon la demande effective (besoin de monnaie d’entreprise) et un taux d’intérêt donné (celui de la période précédente) et l’offre s’y adapte. Offre et demande de monnaie sont endogènes (flux) et le taux d’intérêt est exogène. Puis, ex post l’offre de monnaie est considérée comme constante et la demande varie selon le motif de spéculation (monnaie inactive – stock). Cette fois, demande de monnaie et taux d’intérêt sont endogènes, fruits de la préférence pour la liquidité des ménages, et l’offre est exogène. » (ELH, p.100)

 

(A suivre)

 

 

Alexandre Anizy

 

Que font réellement les banques ?

Publié le par Alexandre Anizy

Certains d’entre vous ont peut-être été surpris d’entendre, chacun à sa façon, le boss de la FED Bern Bernanke, l’euro imperator Jean-Claude Trichet de la BCE, la chancelière allemande Mutti Merkel, et même l’incompétent ministre de l’économie Christine Lagarde, exhorter les banques à soutenir les signes ténus d’une reprise évanescente. Pourquoi lancèrent-ils cet appel ?

 

Jeudi 26 novembre, le jour où Dubaï révélait sa situation financière catastrophique, la Banque de France publiait des chiffres ô combien intéressants ! En octobre 2009, pour le 2ème mois consécutif, le montant global des crédits bancaires aux entreprises était en baisse.

La contraction de l’encours de crédit aux entreprises non financières est de (1,6) % en octobre, après (0,5) % en septembre. Précisément, cette contraction est principalement due à une baisse importante des encours des crédits de trésorerie, soit (15,6) %, quand la hausse des crédits à l’investissement apparaît de plus en plus modeste (soit 3,6 %).

Traduisons : des entreprises qui sont rentables et qui ont un carnet de commandes rempli périront du fait d’une trésorerie dépendante du secteur bancaire.

 

Vous pensez peut-être que c’est un phénomène purement français. Que nenni ! La Banque Centrale Européenne (BCE) a publié également ses statistiques. Pour le 2ème mois consécutif dans la zone euro, les prêts aux ménages et aux entreprises ont diminué : (0,8) % en octobre après (0,3) % en septembre. Précisément, les prêts aux entreprises baissent de 1,2 %, et ceux destinés aux particuliers de 0,1 %.

C’est la 1ère fois depuis que ces statistiques existent, c'est-à-dire 1992, que ce recul répété apparaît.

 

Force est de constater que le système bancaire rechigne à financer l’économie réelle. Pourquoi ?

Nous donnerons une explication dans les prochaines notes.

 

 

Alexandre Anizy