Bernard Arnault vaut bien Carlos Ghosn

Publié le par Alexandre Anizy

            Ghosn et Arnault, qu'ont-ils en commun ? Polytechniciens, hommes d'affaires coriaces... Quoi d'autre ?  

 

 

            En tant que patrons, ils pratiquent l'optimisation fiscale, puisque comme le dit Bernard Arnault, « Nous n'allons pas refuser d'utiliser la loi pour payer plus d'impôts qu'on ne doit ! » (1)

            Mais ils sont aussi atteints de phobie fiscale : les Japonais viennent ou font peut-être semblant de le découvrir maintenant (2) pour Carlos Ghosn, les Français informés le savent depuis longtemps pour Bernard Arnault.

            En effet, BA a créé en Belgique une fondation privée, nommée Protectinvest, qui servira à protéger les intérêts de ses héritiers. Les protéger de quoi ? « Protectinvest devrait permettre aux héritiers directs du magnat d'éluder les droits de succession en France et de bénéficier des règles belges, particulièrement avantageuses pour le patrimoine mobilier. » (3) 

Ce montage juridique est un cas pratique de ce que Christophe Giully démontre dans No society (4) : la sécession de la classe dominante.  

 

            Un citoyen qui ne paie pas ses impôts (sous toutes ses formes), qui s'échappe fiscalement, qui porte atteinte aux biens communs, est un mauvais citoyen. Sur ce point, le philosophe Yves Michaud ne nous contredira pas. (lire ici ). Comment qualifier Bernard Arnault ? C'est un mauvais citoyen.

 

            Mais en plus, comme dirait Jean-Claude Michéa, Bernard Arnault fait preuve d' indécence , notamment quand il fait la leçon : « Il est malsain d'utiliser d'autres pays d'Europe comme le font certaines entreprises de technologie notamment, pour éviter l'impôt en France ». (6) Rappelons-lui par exemple la partie du pactole (1 milliard) issue du raid sur Hermès que LVMH avait logée au Luxembourg, échappant au fisc : « Au terme de deux ans de discussions, le groupe [LVMH] a dû s'acquitter de quelque 380 millions d'impôt, plus une vingtaine de millions d'intérêts de retard. » (7)

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) Entretien de Bernard Arnault dans l'hebdomadaire Challenges du 15 novembre 2018.

(2) Ayant compris que Carlos Ghosn ne pourrait jamais leur faire obtenir ce qu'ils réclament depuis des années (pour faire simple : reprendre totalement le pouvoir chez Nissan), n'ont-ils pas décidé de se passer de cet allié avec fracas pour mieux secouer l'Alliance ?  

(3) Le Monde du 19 septembre 2012, page 16.  

(4) Christophe Giully, No society, Flammarion, octobre 2018. Nous recommandons vivement ce livre.  

(5) Challenges, ibidem.

(6) Ibid.

(7) Canard enchaîné du 12 octobre 2016.