Souvenir de Louis-Philippe Dalembert
souvenir
je me souviens d’une rue
étroite et longiligne
une venelle d’une cité
dont je n’ai plus mémoire
la rue donnait sur une petite place
ocre fermée d’un côté
ouverte de l’autre sur un port de pêche
ou de plaisance allez savoir
des bateaux arrimés à des pontons
dansaient au gré des flots
dans le bruissement lancinant des drisses
fouettant les vergues et les mâts
des hommes et des femmes
installés sur la place
autour de tables en bois carrées
recouvertes de nappes à carreaux rouge et blanc
bavardaient en sirotant des cocktails multicolores
à l’abri des bus à toit ouvert
qui rasaient les murs
et le rire insouciant des enfants
le temps était si sombre
qu’il ressemblait au crépuscule
ou à un matin d’automne
à l’heure où le ciel indécis
tarde à appareiller vers le grand jour
le temps passe si vite désormais
que je ne me souviens plus très bien
ni du nom de la ville
ni de celle qui m’accompagnait
peut-être n’y avait-il personne
le temps passe si vite
tellement vite que le soleil même
s’est perdu en chemin
Louis-Philippe Dalembert
(Cantique du balbutiement, éditions Bruno Doucey, 2020)