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Découvrir Cornuaille

Publié le par Alexandre Anizy

 

Lorsque vous poussez la porte d'une librairie, il convient de temps en temps de vous laisser porter par l'humeur du jour, de céder à une envie spontanée.

 

Ce samedi-là, Bernard Cornuaille dédicaçait son 2ème livre, « l'Évêché » (éditions Aristote, mai 2010, 408 pages, 18 €). L'auteur étant bien organisé, nous pûmes parcourir une 4ème de couverture plastifiée, qui suscita notre curiosité malgré les maladresses de la présentation.

 

« l'Évêché » est un thriller qui évoque le Moyen-Âge, les moines et les rites sataniques dans les environs de Reims, puis de Marseille. Bernard Cornuaille raconte dans un style très sobre une traque qu'il a remarquablement structurée.

 

Au lieu de lire une énième enquête d'un policier californien ou d'un médecin légiste de Virginie, osez l'ouvrage d'un obscur écrivain français, parce qu'il vaut bien un Donald Harstad dont les médias ont rendu compte des publications grâce au bon travail de l'éditeur et de son attaché de presse, ce dont le Rémois n'a pas bénéficié.

 

Si vous voulez sortir des sentiers balisés par la Profession, pour une lecture d'automne près de la cheminée qui crépite, par exemple, vous pouvez vous taper « l'Évêché » de Bernard Cornuaille.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

: mauvais titre, au demeurant.

 : quelle idée saugrenue d'appeler ainsi une maison d'édition !

 

 

Le savoir-vivre d' Hédi Kaddour n'est pas un cadeau

Publié le par Alexandre Anizy

 

Nous avons essayé de lire « savoir-vivre » de Hédi Kaddour (Gallimard, janvier 2010, bouquinel de 178 pages). Force est de constater que nous avons abandonné à la page 26, après avoir lu ceci :

« Lena avait appris à repérer les signes, la façon dont il se rapprochait de l'entrée tout en lui parlant avec gentillesse, les premières fois elle avait été prise au dépourvu, puis elle s'était adaptée, elle essayait de contrôler, elle se glissait dans la partie du salon qui précédait l'entrée. Thibault devait passer devant elle pour sortir. »

Nous ne supportions plus ces phrases interminables, empilement de données furtives, comme si l'auteur aurait refusé de trier les éléments de son tableau. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que nous ne succombions pas à la passion amoureuse évoquée en ce début de roman.

 

Quand il enseigne la littérature et l'art d'écrire (mon Dieu, que d'élèves torturés !), il paraît qu' Hédi Kaddour ne supporte pas les adverbes, notamment ceux qui finissent en "ment" ; il comprendra alors – du moins nous l'espérons -, qu'on se refuse à peiner sur des livres encombrés d'histoires secondaires, de propositions inutiles et jamais subordonnées, qui confinent l'ouvrage dans une littérature de bazar, où l'on confondrait accumulation de mots avec style pointilliste.

Bref, ce livre de Kaddour n'est pas un cadeau.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

Max Stirner, post-chrétien selon Michel Onfray

Publié le par Alexandre Anizy

 

Concernant tous les dogmatismes en vogue à la fin du siècle dernier, notamment ce que Husserl nomme les "contre-philosophies" (die Unphilosophien, i.e. le nazisme et le stalinisme), nous considérons aujourd'hui que nous devons notre immunisation à Max Stirner. Lorsque nous vîmes que Michel Onfray le passait sur son enclume dans le tome 6 de sa contre-histoire de la philosophie (« les radicalités existentielles », Grasset, février 2009, 400 pages, 20,90 € ; pour Stirner, des pages 295 à 348), nous décidâmes de confronter son analyse à nos souvenirs de lecture, malgré nos réserves à l'encontre du philosophe hyper-médiatique.

 

« L'unique et sa propriété », LE livre de Max Stirner, est un cri d'opposition radicale à la religion, à la politique, à la société, à la morale, à l'éthique, bref à tout ce qui peut entraver l'expansion du Moi. C'est pourquoi on le présente couramment, quand on ose aborder ce penseur réfractaire aux académismes, d'abord comme le théoricien de l'anarchisme individualiste (d'aucuns parlent de l'associationnisme de Stirner), mais aussi comme un précurseur de l'existentialisme, ou comme l'inspirateur du Nietzsche de « par-delà le bien et le mal ».

 

« Mais si l'on veut élargir les perspectives et éviter le prélèvement intéressé, on peut aussi inscrire la pensée, l’œuvre et la figure de Stirner dans la logique du combat anti-hégélien. » (p.306)

« L'Unique et sa propriété peut être lu comme un anti - Principes de la philosophie du droit de Hegel. » (p.308)

Force est de constater que Michel Onfray a ravivé nos souvenirs, a aiguisé notre lecture, car son approche est pertinente.

« L'hégélianisme produit au XIXe siècle un effet magnétique sur la totalité des penseurs (…) A cette époque, l'enfumage conceptuel pratiqué par tel ou tel philosophe impressionne, tétanise et terrorise (...) » (p.306-307)

Sûr que les professionnels de la philosophie vont hurler au simplisme quand on reproduira ce résumé de l'hégélianisme :

« Stirner a bien noté, et c'est l'essentiel, que la pensée de Hegel est luthérienne et n'est que cela – habillée des concepts et des mots de l'idéalisme transcendantal. » (p.308)

Nous laissons à Onfray ses marottes antichrétiennes, qui en l'espèce nous paraissent diablement pertinentes, préférant insister sur la nocivité de la dialectique transcendantale et apologétique, que l'auteur résume bien avec son sens de la formule :

« L'idéalisme hégélien est une grosse machine à produire à satiété des triades, des trios, des trilogies, des trinités et des triptyques. Le désordre du monde (…) artificiellement (…) dans des boîtes systématiques à 3 tiroirs. » (p.308)

Ce que Georges Gurvitch a écrit en termes plus conventionnels (dans « Dialectique et sociologie »)

Stirner pense de façon immanente, pratiquant un nominalisme radical : tout signifiant doit correspondre à un signifié réel dûment constatable.

« Hegel est religieux tout le temps, même en philosophie – surtout en philosophie ; Stirner, un athée en tout. » (p.310)

Mais alors qu'est-ce que l'Unique ?

« L'Unique, c'est l'autre nom du Je d'un Moi qui s'exprime. Il n'y a donc pas un concept d'Unique comme il en existe chez Kierkegaard avec l'Individu, Fichte avec le Moi, Hegel avec la Subjectivité. (…) un Unique se confond avec la réalité de son corps de chair et d'os. Fait-on plus radicalement matérialiste ? Et plus définitivement nominaliste ? » (p.316)

 

S'agissant de Max Stirner, le tamis usuel de Michel Onfray n'est pas rédhibitoire. Mieux pardi ! Il mérite un arrêt, compte tenu « du désordre de la composition et de la confusion des thématiques » dans « l'unique et sa propriété », puisque le philosophe allemand a poussé la coquetterie intellectuelle jusqu'à l'application de SON mot d'ordre, « Je fais ce que Je veux » !

 

 

Alexandre Anizy

 

 

: ceci est d'une certaine manière le prolongement de notre note

http://www.alexandreanizy.com/article-l-illusion-economique-selon-bernard-guerrien-81881634.html

: il nous semble que cet auteur apprécie la philosophie au marteau.

: lire notre note

http://www.alexandreanizy.com/article-a-michel-onfray-travailler-plus-pour-ecrire-moins-52224938.html

 

 

 

 

 

Ordre monétaire ou chaos social de Frédéric Lebaron

Publié le par Alexandre Anizy

 

 

« Pourtant, les processus économiques sont des phénomènes de croyance, socialement construits et entretenus, et la politique économique n'y échappe pas : elle fabrique et modifie les anticipations des agents (...) » (p.18)

Dans un petit livre bien fichu, « ordre monétaire ou chaos social » (éditions du Croquant, septembre 2006, bouquinel de 65 pages), Frédéric Lebaron analyse la croyance économique des banquiers centraux.

« Le caractère intrinsèquement instable et incertain de la vie économique est nié au profit d'une utopie articulée sur la stabilité de l'ordre économico-monétaire. » (p.24)

Fi d'une politique macroéconomique européenne ! Seules importent les réformes structurelles et institutionnelles pour atteindre le paradis du marché unique, sans entrave, dont l'euro n'est que la base. C'est pourquoi

« Une véritable mystique de la monnaie anime ainsi les acteurs de l'unification monétaire. » (p.48)

 

 

Dans un livre récent plus dense, « la crise de la croyance économique » (éditions de Croquant, octobre 2010, bouquinel de 284 pages), Frédéric Lebaron étudie l'évolution de la doxa entre 2007 et 2010, parce que la crise a provoqué un ébranlement cognitif au sein de la communauté épistémique, le monde n'étant plus conforme à l'idéologie de la fin de l'Histoire ou de la mondialisation heureuse.

 Pour autant, cette crise de la croyance économique remet-elle en cause le processus régressif en cours ? A notre avis non, et cette comparaison de l'auteur explicite notre réponse :

« Ce fondamentalisme de marché, de nature religieuse, est le symétrique de la forme absolutiste de la croyance communiste, lorsqu'elle annonce l'éradication absolue de tout mécanisme de marché au profit d'une économie strictement collective et centralement planifiée. » (p.160)

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

L'illusion économique selon Bernard Guerrien

Publié le par Alexandre Anizy

 

Mathématicien devenu économiste, Bernard Guerrien a écrit un livre savoureux, « l'illusion économique » (Omniscience, septembre 2007, 224 pages), où il montre les absurdités logiques de la théorie néo-classique, qui est le socle de ce que nous appelons ici couramment la théorie dominante. Il défend l'idée que l'économie est une chose trop sérieuse pour être confiée à des prétendus experts dont la démarche scientifique paraît douteuse :

 

« L'une des thèses centrales de ce livre est qu'il n'existe pas un savoir en économie qui ne serait accessible qu'à une petite minorité d'experts ou de techniciens, auxquels il faudrait donc se confier plus ou moins aveuglément. Chacun peut se faire une opinion, en utilisant sa faculté de raisonner ou, si l'on veut, son bon sens. » (Bernard Guerrien, avant-propos)

 

Il faut savoir que les concepts de la théorie néo-classique sont longuement enseignés à tous les étudiants en sciences économiques (nous y compris, mais nous étions immunisés...), et qu'ils servent par conséquent de cadre référentiel pour l'écrasante majorité des économistes patentés, alors même que nombre d'expériences les ont infirmé. On peut penser que les professeurs de gestion l'ont compris, puisque dans « l'Encyclopédie de la gestion » (Economica, 1997), parmi les 1.000 références, ne figure aucun ouvrage de théorie néo-classique !

 

Nous ne donnons ici qu'un exemple : les marchés concurrentiels. Parce qu'ils sont le fondement théorique ET l'objectif final du fameux « marché unique européen » prévu et présenté par le social-traître Jacques Delors en 1985, lorsqu'il plastronnait à la tête de la Commission européenne.

Au lieu de partir d'une observation fine de la réalité, comme les marchés de gros ou les salles de marchés des banques, les économistes en pointe actuellement (le filon mathématique semble avoir atteint ses limites, puisqu' « il devient de plus en plus abscons, y compris pour une bonne partie de la profession », p.60) font des expériences de marché : « Plutôt que de partir de ce qui est, ils partent de ce qui doit être, une situation efficace, et cherchent le moyen d'y parvenir, par la concurrence, qui sera définie en fonction de l'objectif recherché. Qu'est-ce qu'une situation efficace ? Dans le contexte des expériences auxquelles on s'intéresse ici, c'est une situation où tous les échanges concernant un bien se font au même prix, qui est à la fois égal au prix maximum qu'est prêt à payer l'un des acheteurs pour le bien et au prix minimum auquel l'un des vendeurs est prêt à le céder. » (p.62)

Résultats ?

« L'expérience de Chamberlinavec ses étudiants, mis pourtant en situation concurrentielle – sur un pied d'égalité, aucun n'ayant d'avantage ou de pouvoir particulier -, n'aboutissait pas à l'issue efficace, loin de là. » (p.64)

 

« Il a fallu attendre une vingtaine d'années pour que soit proposée une forme d'organisation particulière des échanges qui conduise - approximativement – à une issue de ce type. Appelée système des doubles enchères continues, elle est assez compliquée et comporte plusieurs étapes. » (p.64)

Disons que si on répète les opérations de transaction, alors « on constate que les prix proposés se rapprochent de plus en plus du prix efficace. Pourquoi ? On ne sait pas trop, personne n'ayant cherché vraiment à faire la théorie de ce processus (…). » (idem)

Conférence Nobel de Vernon Smith :

« Nous n'avons pas la moindre idée sur la façon dont nos cerveaux résolvent le problème de l'équilibrage en faisant si peu d'effort, tout en interagissant avec d'autres cerveaux à travers le système des doubles enchères continues. » (cité p.65)

Malgré le fiasco de l'expérience Chamberlin et l'absence d'explication quant au résultat du système des doubles enchères, les sbires de l'oligarchie poursuivent la construction du "grand marché unique européen"fondée sur le principe des marchés concurrentiels. C'est pourquoi, concrètement, ils cassent les entreprises publiques comme EDF, SNCF, etc., afin de pouvoir les privatiser … et de les mettre en concurrence pure et parfaite.

Notre appréciation en termes économiques : dégât maximum immédiat pour des gains futurs nuls voire négatifs.

 

 

Brièvement, un autre exemple pour rire un peu ?

L'économie réelle étant vraiment trop complexe, les ultralibéraux des années 70 ont trouvé une solution drastique, la macroéconomie à agent représentatif, dans laquelle ils supposent qu'une économie n'est formée que d'un seul individu … qui ne fait pas d'échanges, donc pas de prix ! Pourtant les livres ou les articles qui utilisent la notion d'agent représentatif parlent de marchés, de concurrence, de salaire, de taux d'intérêt.

Une absurdité poussée à son comble, comme dit Bernard Guerrien.

 

 

Les économistes de la théorie dominantesont-ils des gens vraiment sérieux ? En refermant le livre, vous aurez votre réponse.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

Fiscalité : pour un changement radical de méthode et de barème

Publié le par Alexandre Anizy

 

Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez, ont écrit un livre indispensable pour soutenir une proposition qui mettra un terme à l'opacité du système fiscal français (et se rendre compte de la pusillanimité des cadors politiques, puisqu'ils ne manqueront pas de bientôt nous jouer l'air de la réforme fiscale incontournable ... mais reportée après les élections) :

« pour une révolution fiscale. Un impôt sur le revenu pour le XXIe siècle » (La République des idées et éditions du Seuil, janvier 2011, 142 pages, 12,50 €)


Le titre est judicieux, puisqu'il s'agit bien d'une révolution au sens étymologique : en effet, « le barème proposé (…) permet d'obtenir des recettes totales de 147 Milliards d'euros, ce qui permet de remplacer très exactement les taxes et impôts supprimés » (p.89). Parfait équilibre budgétaire.


Le changement radical de méthode tient en une loi de 3 articles :

« Article 1 : l'actuel impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP) est supprimé (ainsi que le prélèvement libératoire, la prime pour l'emploi et le bouclier fiscal).

Article 2 : le nouvel impôt sur le revenu (IR) prend la place de l'actuelle contribution sociale généralisée (CSG) et est prélevé à la source à compter du 1 janvier 2013, sur la même assiette fiscale et suivant les mêmes règles que la CSG.

Article 3 : au lieu d'appliquer les taux proportionnels de CSG actuellement en vigueur, on appliquera, à compter du 1 janvier 2013, les taux progressifs indiqués sur le barème ci-joint. » (p.78)


Revenu brut mensuel individuel

Taux effectif d'imposition

Impôt mensuel en €

1.100 €

2,00%

22

2.200 €

10,00%

220

5.000 €

13,00%

650

10.000 €

25,00%

2500

40.000 €

50,00%

20.000

100.000 €

60,00%

60.000

Source : pour une révolution fiscale, de Camille Landais, Thomas Piketty, Emmanuel Saez


Le système est simple. Il assure une véritable transparence démocratique.

Pour le mettre en place, pas de difficultés majeures puisque l'outil administratif qu'il empruntera existe déjà : la voie technique de la CSG.

Bien qu'équilibré budgétairement, le barème proposé par le trio d'économistes offre le résultat suivant, que tout homme politique ne peut qu'approuver : 97 % des personnes paient moins d'impôt !

« Au total, les transferts fiscaux opérés entre ceux qui paient plus d'impôt (grosso modo les 3 % des revenus les plus élevés) et ceux qui qui en paient moins (les 97 % restants) sont de l'ordre de 15 Milliards d'euros, soit moins de 1 % de revenu national, ce qui est modéré et raisonnable. » (p.93)

Du point de vue de la politique comme de celui de la gestion, les avantages d'un tel changement de méthode et de barème dépassent les inconvénients.


Discuter des taux et de l'élargissement de l'assiette (toute réduction de l'assiette retenue dans cette proposition remettant en cause l'équilibre budgétaire est donc exclue) relève du débat politique nécessaire au choix de société.



Alexandre Anizy


: c'est d'ailleurs pourquoi nous ne sommes pas "révolutionnaire".


 

Dette : ruine intellectuelle de Jacques Attali (II) ?

Publié le par Alexandre Anizy

 

(suite de http://www.alexandreanizy.com/article-dette-ruine-intellectuelle-de-jacques-attali-i-81104939.html )

 

Incapable ou ne voulant pas répondre à la question qu'il s'est posée (quand une dette publique devient-elle excessive ?), l'auteur décide de définir les dettes, les bonnes et les mauvaises, puis il s'attache à fixer le juste niveau de la bonne dette.

Soulignons que Jacques Attali propose un grand bouleversement dans l'organisation administrative de l’État : il serait intéressant d'en analyser les fondements idéologiques et d'en déduire les conséquences économiques et financières pour les agents économiques. Car Jacques Attali n'est pas neutre, notamment lorsqu'il écrit : « Une fois écartées les mauvaises dettes qui doivent être remboursées par priorité (...) » (p.161) Est-on vraiment soucieux de l'intérêt général en décrétant cette priorité ? Nous en doutons.

 

Ayant réduit le champ de son investigation sans avoir répondu à la question posée (serons-nous ruinés dans 10 ans ?), Jacques Attali va maintenant donner les éléments permettant de fixer le "juste niveau de la bonne dette".

Pour commencer le raisonnement, une idée générale qui ne mène concrètement nulle part mais vise à brouiller la notion de richesse nationale  :

« La dette doit donc d'abord être comparée à la valeur des actifs du souverain (…) et doit rester inférieure à la valeur de ceux de ces actifs pouvant servir à la rembourser. » (p.162)

Faut-il, comme le suggère l'auteur, écarter tous les actifs non valorisables par le marché et incessibles ? (un sous-marin nucléaire, une base de lancement de missiles nucléaires, etc.)

Le trouble étant instauré, on peut enfin passer à l'étape suivante :

« Dans le traité de Maastricht, l'UE fixe à 60 % du PIB la limite maximale du juste niveau de la bonne dette. »(p.163) ;

« Pour le FMI, par exemple, la bonne dette de l'emprunteur souverain ne doit pas dépasser la valeur actualisée des futurs surplus primaires de son budget (c'est-à-dire avant le paiement du service de la dette). »(p.164).

Voilà, on est au bout du raisonnement de l'économiste Attali : les normes du FMI ou du traité de Maastricht.

Quelle misère !

 

 

Dans le chapitre 8 titré "la France souveraine" (le cynisme de l'oligarchie et de ses sbires technocratiques est incommensurable), Jacques Attali, penseur fatigué mais clerc énergique, balance le programme politique que l'UMPPS (ou PSUMP, puisque c'est le même bonnet...) mettra en œuvre dans la prochaine décennie. Accrochez-vous ! C'est de l'économie-globish pure et dure :

  • coupes budgétaires draconiennes ;

  • hausse d'à peu près tous les impôts, y compris la TVA ;

  • redéfinir le modèle social : i.e. la mise en place d'un système mixte public/privé pour beaucoup de choses, y compris la Santé (ah ! Les assureurs seront enfin servis...).

 

Le conseilleur Attali ne s'arrête plus :

  • créer 3 structures comptables et administratives différentes (pour quels gains ? Fi ! des questions mesquines, monsieur, quand la France souveraine est en jeu, n'est-ce pas ?) ;

  • interdire tout déficit du Budget par une règle constitutionnelle (la fameuse "règle d'or" dont le Président ubiquiste Sarkozy de Nagy Bocsa vous abreuve en ce moment …) ;

  • la liste des investissements pour son "Fonds National de Réparation" et son "Fonds d'Investissement National" devra être stable, i.e. à l'abri des représentants du peuple (députés, sénateurs, etc.).

C'est fou comme ce néolibéral, ce nomade, ne rêve que d'un monde figé, notamment par la Loi.

La suite, c'est la fuite en avant habituelle des agitateurs doxiques : l'obligation européenne, l'esquisse d'un gouvernement mondial (in fine, la suprématie mondiale de l'oligarchie : une "vision" qui sera reprise dans son opus de 2011 titré « demain qui gouvernera le monde ? »).

 

 

Au bout de ce pensum, force est de constater que Jacques Attali est un brillant Panurge austère, qui voudrait nous réduire tous à son monde unidimensionnel, qui ne vise pas à l'universalité.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

 

 

Dette : ruine intellectuelle de Jacques Attali (I) ?

Publié le par Alexandre Anizy

 

Comme Alain Minc, un parangon de l'élite moisie, Jacques Attali possède son petit atelier de recherche, mais contrairement au premier, il sait remercier. Cette organisation lui permet un rythme quasi annuel de production, ce qui ne peut être compatible avec un bon niveau de qualité, notamment en économie. Nous allons le vérifier avec « Tous ruinés dans dix ans ? Dette publique : la dernière chance » (Fayard, mai 2010, 272 pages, 15,90 €).

 

L'introduction remplit son office, notamment quand elle plonge le lecteur dans la tourmente actuelle : « Même sans hausse des taux, les intérêts payés sur la dette publique par les pays riches feront plus que doubler entre 2007 et 2014. » (p.18) Toutes choses évoluant pareillement, ce qui nous attend sera pire, mais il n'est pas possible de dire quand le cataclysme surviendra ; cependant les économistes savent qu' « aucun ratio n'est pertinent pour prédire le déclenchement d'une crise, si ce n'est, peut-être, la part du service de la dette dans le budget : lorsqu'il atteint 50 % des recettes fiscales, le désastre est inévitable. » (p.20)

 

Les chapitres 1 et 2 racontent l'histoire de la dette à travers les âges : un survol intéressant, traité en 58 pages, qui nous éloignent de la question posée. Le chapitre 3 titré "le peuple souverain" réussit la gageure de parcourir le XXe siècle dans le monde en 17 pages, en picorant par-ci par-là des événements liés à la question des dettes.

Page 101, nous arrivons au sujet (chapitre 4 : le grand basculement) :

« Alors que le PIB américain a été multiplié par 8,75 en valeur nominale entre 1975 et 2007, la dette privée s'est trouvée multipliée par 20 et la dette publique par 3. Fin 2007, la dette totale des Américains (tous agents confondus) atteint 350 % du PIB, soit plus qu'en 1929. » (p.102)

Été 2008, la crise des subprimes met en péril le système bancaire : les États et les Banques Centrales évitent l'effondrement général soit en socialisant les pertes privées pour les uns, soit en créant de la monnaie pour les autres, soit les deux. Autrement dit, une boule de dette considérablement grossie poursuit sa descente infernale.

 

Ce qui est ahurissant dans ce livre ? L'économiste Jacques Attali ne s'interroge en aucune manière sur le financement exclusif de l’État par le Marché. Pire, il n'explique pas à ses lecteurs :

Le 22 décembre 1972, le "sinistre ministre"(sic) Valéry Giscard d'Estaing signe une loi qui interdit à l’État de créer de la monnaie pour financer sa dette ou ses investissements (Cf. article 25 de la "Loi de 1973"). Au cœur de l'euro et des traités européens, l'article 123 du traité de Lisbonne (anciennement 104 de celui de Maastricht) « qui interdit à la Banque Centrale Européenne comme à ses succursales nationales de prêter directement aux États et à leurs émanations ». http://www.alexandreanizy.com/article-nicolas-dupont-aignan-et-le-scandale-france-tresor-ii-72290174.html

 

Le chapitre 5 énumère les 12 leçons relatives à la dette souveraine, et cela commence mal puisque l'éminent conseiller écrit que

« la dette publique est une créance des générations actuelles sur les suivantes, lesquelles finissent toujours par la payer d'une façon ou une autre ».

En effet, lorsqu'il y a création d'une dette à un instant t, nous avons face à face 2 personnes (physiques ou morales), le débiteur et le créancier : primo, à l'instant t les générations futures sont absentes de facto ; secundo, toute dette suppose une créance d'une valeur égale ; tertio, les générations futures vont donc hériter de la dette et de la créance.

Le VRAI problème pour chaque génération futuresera de décider de la redistribution des ressources de la société entre ses membres : par exemple, si un gouvernement futur décide de taxer à 100 % tous les titres reçus en héritage, alors le fardeau disparaît complètement (extinction simultanée de la créance et de la dette). Si on entretient la confusion entre dette de la France et dette des administrations publiques, il est bon de rappeler qu'en 2007 c'est la France qui détenait une créance sur le reste du monde, de l'ordre de 10 % du PIB. Le chapitre 5 débute donc par une leçon fallacieuse.

 

Les autres leçons sont d'intérêts divers, relevant plus de l'approche comptable que de l'économique : d'abord, que la dette peut être très utile à la croissance ; qu' « en s'endettant, le souverain se met progressivement entre les mains des marchés » (p.118) ; que les déficits intérieurs et extérieurs sont très liés car

« un déficit de balance des paiements révèle donc qu'il a été nécessaire de faire rentrer des capitaux pour financer un déficit du secteur privé (cas de l'Espagne) ou un déficit du souverain (cas de la Grèce), voire les deux (cas des USA) » (p.119) ;

enfin qu'une dette est d'autant plus soutenable qu'elle est financée par l'épargne domestique, comme le montre le Japon où la dette publique est supérieure à 200 % du PIB !

 

 

Dans le chapitre 6, l'auteur déroule le scénario du pire, à savoir la ruine de tous. Pourquoi ? D'abord l'alourdissement de la dette souveraine qui devient un surendettement souverain (apprécions le glissement sémantique) : « En 2020, cette fois selon la Banque des Règlements Internationaux (BRI), la dette publique dépassera les 200 % du PIB en Grande-Bretagne, et les 150 % en Belgique, en France, en Irlande, en Grèce et en Italie. A taux d'intérêt constant, les charges d'intérêt représenteront alors 10 % du budget de ces États, jusqu'à 27 % pour le Royaume-Uni. » (p.142)

Le problème, c'est que tous ces chiffres avancés comme autant de signaux d'alarme avant la faillite générale voient leur soi-disant dangerosité réduite à néant par l'éminent conseilleur lui-même :

« Mais qu'est-ce qu'une augmentation "excessive"de la dette publique ? Nul ne le sait. » (p.157)

Et en premier lieu, les économistes.

 

Alors le brillant Jacques Attali prend le tonneau de la dette souveraine par les normes … (à suivre)

 

 

Alexandre Anizy

 

: ce choix politique aurait un inconvénient certain, à savoir la difficulté pour l’État de trouver des créanciers dans les générations futures, mais aussi des avantages.

 

 

Le poids d' Erri De Luca

Publié le par Alexandre Anizy

 

Après trois déceptions (lire les notes précédentes), nous tombâmes sur le dernier opus d' Erri De Luca, « le poids du papillon » (Gallimard, avril 2011, bouquinel de 77 pages), qui nous rabibocha avec l'idée que nous avons de la littérature italienne.

Si nous n'avons pas accroché à la courte nouvelle "visite à un arbre" qui termine le livre, l'autre qui porte le titre éponyme est un joyau : structure épurée, limpidité des phrases, simplicité des mots, vérité des êtres.

 

« Un homme qui ne fréquente pas de femmes oublie qu'elles ont une volonté supérieure. (…) Un homme qui ne fréquente pas de femmes est un homme sans. » (p.33-34) ;

 

« Un homme est ce qu'il a commis. » (p.39-40) ;

 

« Les hommes ont inventé des codes minutieux, mais à la première occasion, ils s'entre-déchirent sans loi. » (p.47-48) ;

 

« Les femmes font des gestes de coquillage, qui s'ouvrent pour expulser comme pour attirer à l'intérieur. » (p.48-49)

 

De quoi parle « le poids du papillon » ? D'un vieil homme et du roi des chamois. Mais pas seulement.

A vous de le découvrir en lisant ce bijou.

 

 

Alexandre Anizy

 

 

 

 

Songer à Francesca d'Aloja ?

Publié le par Alexandre Anizy

 

Il est une méthode chez les éditeurs qui consiste à publier des textes littéraires de personnalités, notamment d'artistes, afin de profiter de leur notoriété pour rentabiliser leurs investissements. Mais le lecteur, lui, y trouve-t-il son compte ?

 

Francesca d'Aloja est une comédienne italienne qui a fait sa pelote depuis sa première apparition au cinéma en 1985. Passée à la réalisation depuis 1997, elle maîtrise l'amont, à savoir le scénario.

 

Son premier roman, « le mauvais rêve » (Gallimard, mai 2008, 400 pages, 22,50 €), sent bon le projet cinématographique de qualité, dont la forme littéraire n'a pas été négligée (afin d'en mieux tester le potentiel économique ?).

 

L'auteur raconte le repentir, à des degrés différents, d'acteurs des années de plomb. Les Américains ont leur 11 Septembre, les Italiens leur période explosive : c'est devenu un passage obligé pour les romanciers domestiques, surtout quand ils n'ont rien à dire et qu'ils se bornent à peindre les affres d'individus broyés par l'absurdité de leurs méfaits.

Voilà ce qui retient le lecteur dans ce livre bien fichu, et non pas les états d'âme du personnage central. Mais point de surprise : avec Francesca d'Aloja, on est dans le jugement consensuel sur ces temps-là.

 

Nous terminons en vous recommandant le film « la seconde fois », puisqu'il évoque la situation de l'ancienne cible et du tireur au commencement d'une semi-liberté conditionnelle.

(Ah ! Le manteau rouge de Valeria Bruni-Tadeschi marchant libre dans la ville …)

 

 

Alexandre Anizy