Nous parlons aujourd’hui du poète GUILLEVIC (Eugène) pour 2 raisons : parce que la simplicité de ses vers nous a touchés à une époque, et parce qu’un lecteur assidu de notre blog en a parlé lors d’une note consacrée à ARAGON, nous donnant envie de le relire et de l’évoquer.
Il se trouve que nous connaissons GUILLEVIC à travers LE recueil « Trente et un sonnets » (Gallimard, édition 1980, avec la préface de Louis ARAGON), qu’il semble avoir renié par la suite : était-ce une commande politique de son Parti en 1954, (précisons : le Parti Communiste Français) était-ce une commande du Maître des Lettres Françaises, i.e. Louis ARAGON ?
Il est vrai que la préface a un air de condescendance.
Cependant, une fois encore (lire par exemple son texte « la nuit du 4 » - un poème de Victor HUGO – page 1341 à 1349 de La Pléiade, tome II) nous devons reconnaître le sens de l’observation et de l’analyse de Louis ARAGON : il voit l’essentiel et il l’exprime clairement tout en le mettant en perspective. Ainsi il écrit :
« Déjà le sonnet est devenu langage, et c’est l’essentiel, l’extraordinaire, simple langage, et tout le monde reconnaît, même à contrecoeur, la similitude qui subsiste entre le GUILLEVIC d’hier et celui d’aujourd’hui, le parler dépouillé, mesuré, cette haine de l’éclat, cette insertion de la pensée dans les mots comme des murs : j’ai toujours songé, lisant GUILLEVIC, à ces jardins du Vaucluse et du Gard (…) » (préface, page 17)
Dans les sonnets « aux hommes de plus tard », on trouve pêle-mêle l’ode au travailleur, la critique sociale, l’espoir des jours meilleurs, etc.
« Sa machine pour l’ouvrier n’était pas rien.
Il avait du plaisir à montrer qu’il savait
S’y prendre et vous tournait par exemple un rivet
Qu’il vous tendait avec un air presque olympien. »
« Vous qui ne devrez plus comme nous combiner
Comment payer le percepteur et la crémière, (…) »
Mais il est vrai que les sonnets relatifs aux « affaires », même s’ils sont bien tournés, ne nous interpellent pas.
Alors, ce qui nous a séduit hier et aujourd’hui encore, ce sont des vers comme ceux-ci :
Sonnet « matin »
« L’un trempe son pain blanc dans du café au lait,
L’autre boit du thé noir et mange des tartines,
Un autre prend un peu de rouge à la cantine.
L’un s’étire et se tait. L’autre chante un couplet.
(…)
Nous voulons être heureux, heureux, nous autres hommes. »
Sonnet « vous avez tellement grandi »
« Vous avez tellement grandi, vous êtes grandes,
Mes filles, maintenant. Souvent nous nous taisons.
Je me vois détourner vos yeux vers l’horizon
Et me voiler ce que chacune lui demande.
(…)
Il faut savoir. Vous êtes à côté de moi.
Je dois me dire que c’est bien, très bien. Les roses
Un jour s’ouvrent au vent, au soleil, à l’effroi. »
Et puis, à tous les écoliers, les lycéens, et bien sûr les enseignants,
Nous recommandons la lecture du sonnet « l’école publique » : tout est dit sur ce qu’elle était encore au début du siècle dernier, et tout ce que nous lui devons tous.
Prochainement, nous parlerons du 1er livre de GUILLEVIC, « Terraqué », puisqu’on le présente comme son meilleur.
Alexandre Anizy