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Finance mathématique et NABOKOV

Publié le par Alexandre Anizy

C’est une anecdote qui prolonge notre note économique d'hier, « le paradigme vermoulu de la finance mathématique selon Christian WALTER ». 

Il y a quelques temps, dans l’émission « ce soir ou jamais » de Frédéric TADDéI, un expert réputé mondialement en finance mathématique, en l’occurrence c’est une Française, avait été invité pour évoquer la crise des subprimes. Forte de son prestige qu’elle ne devait en aucune manière ternir par une prise de position inconsidérée, la dame suivait scrupuleusement les notes écrites qu’elle avait sous les yeux.
Le conformisme des spécialistes fait frémir quelquefois.

 
En entendant ces paroles lénifiantes, nous fîmes une drôle d’association : nous revîmes Vladimir NABOKOV lisant méthodiquement ses fiches quand Bernard PIVOT l’interrogeait dans son émission « apostrophe ».

Mais chez TADDéI, point de « théière ».

 
Alexandre Anizy

Paradigme vermoulu de la finance mathématique selon Christian WALTER

Publié le par Alexandre Anizy

Dans un article récent (Libération 26 mai 08), le professeur d’université Christian WALTER pose cette question : « Combien de temps devra-t-on encore attendre pour que les établissements financiers ou bancaires installent dans leurs processus de gestion de contrôle des risques (de marché ou de crédit), des modélisations probabilistes adaptées à la nature exacte de l’incertitude affectant les variations boursières ? »

Très vite, il suggère la réponse en nous donnant des informations sur le fonctionnement de ce milieu professionnel restreint.

Si les modèles probabilistes en finance mathématique, qui ont le défaut de ne pas être conformes à la vulgate des prix Nobel des années 80, existent (en la matière, « l’école française » jouit d’une réputation excellente grâce à ses publications), la résistance des universitaires américains bloque l’utilisation de ces modèles dans le milieu : « L’orthodoxie financière tient sous sa domination forte et sans failles les publications scientifiques. ».

Christian WALTER illustre son propos d’un exemple concret : « Sait-on par exemple qu’aujourd’hui, alors que de plus en plus d’institutions financières de gestion de l’épargne longue sont conduites à observer qu’une diversification maximale (conforme à celle prônée par la théorie du portefeuille de MARKOWITZ, consolidée par le modèle d’équilibre de marché de SHARPE – les prix Nobel 1990) ne représente pas la meilleure composition d’un portefeuille pour la protection de l’épargne à long terme et que, dans certaines situations, c’est au contraire une certaine « concentration » de titres qui serait appropriée, cette question est quasiment taboue et interdite de débat dans les congrès les plus prestigieux de la finance internationale. »

 
Dans ces conditions, quand donc les financiers changeront-ils de paradigme ? Christian WALTER donne une réponse par le biais d’une citation de Pierre DUHEM (chimiste, philosophe) : les modèles scientifiques changent « quand les colonnes vermoulues ne peuvent plus supporter un édifice qui branle de toutes parts ».
En guise de conclusion peu optimiste, Christian WALTER s’interroge : combien de pertes avant qu’on « reconstruise un édifice qui pense adéquatement l’incertitude ? »

 
Pour notre part, nous pensons qu’en matière économique nous vivons dans un univers d’incertitude radicale.
Cette notion keynésienne est soulignée par Edwin LE HéRON dans sa thèse de 3ème cycle (« Neutralité et contraintes monétaires. Une théorie monétaire de l’investissement », 1984 ; directeur de recherche Alain BARRèRE) : « Jamais le sujet keynésien ne possède une information parfaite. L’incertitude est une incertitude radicale, c'est-à-dire non probabilisable. » (p. 228)

Alexandre Anizy

Les poulets chlorés américains nous envahiront-ils ?

Publié le par Alexandre Anizy

Depuis 1997, il est interdit d’importer en Europe des volailles américaines traitées (dioxyde de chlore, chlorure de sodium acidifié, phosphate trisodique, acides peroxydés). Mais en 2005, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) concluait à l’absence de risque toxicologique lié à l’utilisation de ces produits chimiques.

Et voilà la Commission Européenne qui revient sur le sujet sous la pression américaine : c’est le commissaire à l’industrie Günter VERHEUGEN qui s’investit beaucoup sur le projet de règlement présenté par la Commission le mercredi 28 mai.
Malgré le refus de 21 ministres européens de l’agriculture la semaine précédente, dont le français Michel BARNIER et l’allemand Horst SEEHOFER.

On peut s’interroger sur les raisons du forcing de la Commission : les ministres n’auraient-ils plus aucun pouvoir ? Le degré de sincérité des ministres qui se disent opposés aujourd’hui, mais demain ?

On peut vraiment s’interroger sur le forcing de la Commission, quand on sait que des unions de consommateurs européens affirment que « la politique européenne basée sur (…) l’utilisation de mesures d’hygiène de l’étable à la table a fait ses preuves et s’est révélée plus efficace pour réduire la contamination, notamment par la salmonelle. »

 
Il paraît que le projet n’aboutira pas en l’état … ce qui laisse entendre qu’il en restera bien quelque chose. A Bruxelles, les hypocrites ne sont pas ceux à qui l’on pense. 

 
Alexandre Anizy

Histoire de la Table

Publié le par Alexandre Anizy

Cette note complète celle du 24 mai « les aliments restructurés et l’avenir dans nos assiettes ».

Pour « manger » et « parler », les Egyptiens utilisaient le même hiéroglyphe, suggérant ainsi un rapport entre les 2 oralités. Ils inventeront des aliments comme le pain et le vin. Le pain étant le symbole de la vie éternelle, ils le mangeaient en y ajoutant un peu de poudre minérale ; le vin symbolisant la communication avec l’au-delà, ils le consommaient rituellement.

Pour « manger » et « partager », les Grecs utilisaient le même mot. Manger seul était par conséquent un acte antisocial. « La table grecque, obligatoirement diurne, est relativement frugale, contrairement au symposium nocturne, moment consacré à la boisson et structuré pour permettre la circulation de la parole. » (Paul ARIèS, la décroissance n° 49, mai 2008)

Les Romains poursuivront cette obligation de partage avec une consommation excessive, ce qui amènera les empereurs à édicter les « lois somptuaires » pour limiter la débauche. Des lois qui dresseront un calendrier des aliments interdits … que les Romains s’empresseront de contourner, soit avec la « cuisine dite des supercheries » (à un aliment interdit, donner l’apparence et le même le goût d’une chose autorisée), soit avec la « cuisine dite des métamorphoses » (à un aliment légal, donner l’apparence d’une chose interdite). Grâce aux Romains, le génie culinaire progressera à pas de géant.

L’essor du christianisme permettra un renouveau, puisque c’est la première religion sans interdit alimentaire.

Ensuite, pour ce qui concerne l’alimentation française, l’affaire prend une tournure politique.

D’abord, le Roi Soleil nomme une commission pour inventer la cuisine française digne de pénétrer dans ses palais : l’art des sauces, de la décoration et du style de service en sortiront. A cette époque, on crée le champagne (Dom Pérignon), la meringue, les viandes aromatisées …

 
A l’époque des philosophes des Lumières, « (…) la table est l’endroit où se forge, mieux que dans les livres, la capacité de jugement : un individu capable de différencier les saveurs serait plus à même de différencier les idées, donc d’être tout à la fois bon mangeur, bon père de famille et bon citoyen. La formation du goût (donc aussi du dégoût, car l’un ne va pas sans l’autre) devient un enjeu politico-philosophique. » (Paul ARIèS, déjà cité)

 
Enfin la Révolution Française, voulant unir les ventres, les coeurs et la raison, adoptait le service ternaire actuel : entrée, plat principal, dessert. En structurant le repas, le ternaire permet de penser l’alimentation et les saveurs. La « cuisine du tiède » est délaissée au profit de l’opposition chaud / froid, de même que les mélanges sucré-salé seront remplacés par la distinction des 4 saveurs (salé, sucré, amer, acide).

 
Si 1789 s’est intéressé à nos assiettes, lutter aujourd’hui contre la malbouffe n’est donc pas un petit combat.

 
Alexandre Anizy

Montpellier : les francs-maçons à la rue ?

Publié le par Alexandre Anizy

C’est une bien triste nouvelle.
Parce qu’une association de contribuables (sans doute des républicains irresponsables ou pis encore …) en a saisi le tribunal administratif de Montpellier, celui-ci vient de juger illégales les subventions reçues (de la municipalité, de la région, pour environ 500.000 euros) par les francs-maçons de la ville pour rénover leurs temples, parce qu’on devient franc-maçon par cooptation, ce qui n’est guère conforme aux règles d’égalité de la République, et parce que l’utilisation des temples ne correspond pas à un intérêt local ou régional pour la population.

On peut s’étonner de voir les chantres de la laïcité, de la séparation de l’Eglise et de l’Etat, être logés grâce aux subventions publiques.

Bien que la mairie et les maçons aient fait appel, le jugement est exécutoire : les francs-maçons doivent rembourser de suite les crédits publics obtenus. A Montpellier, seront-ils délogés ?

Si des contribuables sourcilleux du bon droit et du bon emploi des deniers publics s’emparaient de ce jugement pour attaquer en justice dans d’autres villes de France, il est sûr que les francs-maçons pourraient se faire du mouron.

 
Alexandre Anizy

La débandade idéologique de Bertrand DELANOË

Publié le par Alexandre Anizy

Alors voilà le scoop : Bertrand DELANOË est libéral ET socialiste.
Mazette ! Combien de conseillers en communication pour accoucher d’une pareille ineptie ?

« Mais je vous le dis tout net : je ne réfute pas mécaniquement ce vocable, « libéral ». Et quand il s’applique à une doctrine politique, au sens global, je crois même qu’un militant socialiste devrait le revendiquer. En revanche, ce qui est inacceptable pour un progressiste, c’est de hisser le « libéralisme » au rang de fondement économique et même sociétal, avec ses corollaires : désengagement de l’Etat et laisser-faire économique et commercial. » Bertrand DELANOË (extrait de « son livre » intitulé «de l’audace », édition Robert Laffont, 290 pages, 20 €)

 
Le problème, Monsieur DELANOË, c’est que le libéralisme est une doctrine (vous l’écrivez : « Qu’est-ce que le libéralisme ? C’est une doctrine d’affranchissement de l’homme (…) ») : elle est donc constituée d’éléments formant un ensemble cohérent.
Par conséquent, s’affirmer libéral tout en refusant les principes économiques de cette doctrine vous place d’emblée dans une mouvance hétérodoxe, voire hérétique.
A titre de comparaison, peut-on vanter le catholicisme en le purgeant de l’Immaculée Conception ? La démarche serait pour le moins particulière.  

 
Voyons les références théoriques du « nouveau DELANOË » :
« Au nom de cet héritage intellectuel-là, celui de MONTESQUIEU, de John LOCKE, (…) je suis libéral. »
Intéressant. John LOCKE est l’auteur des « Lettres sur la tolérance », des « Considérations sur les conséquences de la diminution de l’intérêt et de l’augmentation de la valeur de l’argent », du fameux « Essai sur l’entendement humain ». John LOCKE voulait être utile à l’existence sociale des hommes : l’économie n’était pas absente de ses pensées, comme on le voit dans sa bibliographie.
Si DELANOË se réfère à John LOCKE, il lui appartient d’en saisir toute la portée, sous peine de médiocrité.

Mais en fait, Bertrand DELANOË se lance dans le champ de bataille politique de 2012 en maquillant son « vide idéologique » d’une toilette libérale taillée à sa convenance : le tout manque forcément de rigueur intellectuelle. La posture libérale du bonhomme craquera sous le feu nourri de ses concurrents (ils ne sont pas adversaires, puisqu’ils pensent la même chose en dernière analyse), qui auront l’avantage de la cohérence idéologique et de la sincérité.

Concernant le PS, Bertrand DELANOË plaide pour un « parti de managers ». Là encore, il se trompe : gouverner un pays, ce n’est pas comme gérer une boutique. 

C’est parce qu’il n’a aucune vision idéologique personnelle, aucune ambition sociale nouvelle, que Bertrand DELANOË a trouvé ou accepté le titre de son livre  « De l’audace ». 

La différenciation par les mots, mais le maintien des maux.

Ses conseillers auraient pu lui expliquer que faire allusion à la formule célèbre du révolutionnaire DANTON guillotiné pour cause de trahison pouvait difficilement passer pour un acte progressiste.

 

Alexandre Anizy

"31 sonnets" de GUILLEVIC

Publié le par Alexandre Anizy

Nous parlons aujourd’hui du poète GUILLEVIC (Eugène) pour 2 raisons : parce que la simplicité de ses vers nous a touchés à une époque, et parce qu’un lecteur assidu de notre blog en a parlé lors d’une note consacrée à ARAGON, nous donnant envie de le relire et de l’évoquer.

 
Il se trouve que nous connaissons GUILLEVIC à travers LE recueil « Trente et un sonnets » (Gallimard, édition 1980, avec la préface de Louis ARAGON), qu’il semble avoir renié par la suite : était-ce une commande politique de son Parti en 1954, (précisons : le Parti Communiste Français) était-ce une commande du Maître des Lettres Françaises, i.e. Louis ARAGON ?

Il est vrai que la préface a un air de condescendance.

Cependant, une fois encore (lire par exemple son texte « la nuit du 4 » - un poème de Victor HUGOpage 1341 à 1349 de La Pléiade, tome II) nous devons reconnaître le sens de l’observation et de l’analyse de Louis ARAGON : il voit l’essentiel et il l’exprime clairement tout en le mettant en perspective. Ainsi il écrit :

« Déjà le sonnet est devenu langage, et c’est l’essentiel, l’extraordinaire, simple langage, et tout le monde reconnaît, même à contrecoeur, la similitude qui subsiste entre le GUILLEVIC d’hier et celui d’aujourd’hui, le parler dépouillé, mesuré, cette haine de l’éclat, cette insertion de la pensée dans les mots comme des murs : j’ai toujours songé, lisant GUILLEVIC, à ces jardins du Vaucluse et du Gard (…) » (préface, page 17)

 
Dans les sonnets « aux hommes de plus tard », on trouve pêle-mêle l’ode au travailleur, la critique sociale, l’espoir des jours meilleurs, etc.

« Sa machine pour l’ouvrier n’était pas rien.

Il avait du plaisir à montrer qu’il savait

S’y prendre et vous tournait par exemple un rivet

Qu’il vous tendait avec un air presque olympien. »

 

« Vous qui ne devrez plus comme nous combiner

Comment payer le percepteur et la crémière, (…) »

 

Mais il est vrai que les sonnets relatifs aux « affaires », même s’ils sont bien tournés, ne nous interpellent pas.

 

Alors, ce qui nous a séduit hier et aujourd’hui encore, ce sont des vers comme ceux-ci :

Sonnet « matin »

« L’un trempe son pain blanc dans du café au lait,

L’autre boit du thé noir et mange des tartines,

Un autre prend un peu de rouge à la cantine.

L’un s’étire et se tait. L’autre chante un couplet.

(…)

Nous voulons être heureux, heureux, nous autres hommes. »

 

Sonnet « vous avez tellement grandi »

« Vous avez tellement grandi, vous êtes grandes,

Mes filles, maintenant. Souvent nous nous taisons.

Je me vois détourner vos yeux vers l’horizon

Et me voiler ce que chacune lui demande.

(…)

Il faut savoir. Vous êtes à côté de moi.

Je dois me dire que c’est bien, très bien. Les roses

Un jour s’ouvrent au vent, au soleil, à l’effroi. »

 
Et puis, à tous les écoliers, les lycéens, et bien sûr les enseignants,
Nous recommandons la lecture du  sonnet « l’école publique » : tout est dit sur ce qu’elle était encore au début du siècle dernier, et tout ce que nous lui devons tous.

 
Prochainement, nous parlerons du 1er livre de GUILLEVIC, « Terraqué », puisqu’on le présente comme son meilleur.

 
Alexandre Anizy

Les aliments restructurés et l'avenir dans nos assiettes

Publié le par Alexandre Anizy

80 % des produits que nous mangerons bientôt n’existent pas encore. Le contenu de l’assiette n’est déjà plus déterminé par le milieu social et la localisation, mais par les stratégies des grands groupes agro-alimentaires et les actions qui en découlent.

S’il faut démontrer leurs puissances, un seul exemple suffit : la consommation d’eau. Alors que la France possède une des meilleures eaux du robinet au monde, elle figure parmi les plus gros consommateurs d’eau en bouteille. D’un strict point de vue économique, le commerce de l’eau en bouteille est une aberration.

 
De fait, les aliments restructurés sont déjà sur nos tables, mais aussi celles des restaurants. Aux Etats-Unis, le secteur de la viande restructurée domine le marché avec 55 % des ventes.

Comment fabrique-t-on un aliment restructuré ?
Vous prenez des animaux que vous broyez et réduisez en bouillie ; celle-ci est ensuite re-structurée, re-fibrée, re-aromatisée, re-colorée, afin de reproduire le naturel qui correspond aux attentes du consommateur.
« Les « néfastes food » utilisent divers produits restructurés (« frites », « oignons », …). (…) On fabrique donc en série des plaques d’oignons (c’est tellement plus pratique pour la gestion des stocks), comme on produit des œufs restructurés sous forme de bâtonnets. »  Paul ARIèS (auteur de « la fin des mangeurs » et « le goût ») 

 
Aujourd’hui, les alicaments constituent déjà un marché juteux, dont le fameux yaourt à boire en petit conditionnement en est la plus illustre démonstration : 8 % du chiffre d’affaires de l’entreprise Danone.
Demain, les « cosmeto-food » se développeront dans la grande distribution.

 
Le développement de cette industrie agro-alimentaire implique la destruction de la paysannerie (1,5 milliard de travailleurs) pour rassembler la production dans les mains de 350.000 exploitants agricoles. Il demande aussi la généralisation de l’irradiation des aliments pour que les produits puissent voyager loin et longtemps sans pourrir. Comme le mot « irradiation » est fortement connoté, les professionnels lui préfèrent le terme d’ionisation.

 
Mieux que cela ?
« L’industrie a même inventé le « quorn » : le premier aliment sans rapport aucun avec l’agriculture puisqu’il s’agit d’un champignon (myco-protéines) que l’on peut faire croître sans fin. (…) Avec lui, l’alimentation n’est pas la fille de l’agriculture, mais la bâtarde de la chimie. » Paul ARIèS (la décroissance n° 49, mai 2008)

 
Alexandre Anizy

Le casse-tête de la mobilité géographique

Publié le par Alexandre Anizy

Un des grands thèmes du débat actuel est la mobilité géographique des salariés. Un spécialiste de la question, Eric LE BRETON (maître de conférences en sociologie à Rennes II ; auteur de « Domicile – Travail, les salariés à bout de souffle », édition les Carnets de l’info, 16 €), a tiré quelques enseignements de ses recherches.

« Jusqu’en 1975, pour se rendre au travail, les salariés parcouraient quelques dizaines de kilomètres, du centre-ville à la 1ère couronne … Ils vont à présent jusqu’à 120 km du centre de Paris, 50 km autour des villes de province. »

Sous le règne de Valéry GISCARD D’ESTAING, on baignait dans la routine du métro – boulot – dodo, dont tout le monde se plaignait, mais qui avait en soi des vertus rassurantes et structurantes pour tous.

On ne peut plus en dire autant aujourd’hui, quand on observe qu’une caissière de grande surface démarre à 8 H le lundi, à 10 H le mardi, etc. : comment voulez-vous organiser une vie familiale et sociale stable avec des horaires de travail pareils ?

 
Tout le monde est convaincu que posséder une voiture est une nécessité pour augmenter sérieusement son employabilité. Or 20 % des ménages français n’en ont pas, et d’autres n’ont plus les moyens financiers de l’utiliser.

Notons ici l’inégalité entre les catégories professionnelles : « (…) en une heure de voiture, un cadre dispose de 65 % de son marché d’emploi, un ouvrier de 51 %. »(Eric Le Breton)

 
Certains secteurs économiques (logistique, BTP, grande distribution, restauration, etc.) peinent à recruter : « (…) le facteur mobilité est à mon avis déterminant dans ces problèmes de pénurie. » (Eric Le Breton)

L’ANPE a étudié ces annonces qui ne trouvent pas de candidats : des entreprises excentrées, des visites clients ou fournisseurs à réaliser, des horaires atypiques. Il faut bien constater que certains n’ont tout simplement pas les moyens pour accéder aux emplois mobiles.

 
Que fait-on pour changer cela ?

Les maires comme Bertrand DELANOË préfèrent construire une ligne de tramway en centre-ville pour contenter leurs électeurs : réélection quasi garantie selon les statistiques. 

 
Alexandre Anizy

La presse crève aussi de son asservissement

Publié le par Alexandre Anizy

Les supports d’information, notamment la presse, sont en crise. Bien entendu, la maladie ne provient pas d’un seul virus. Parmi les causes, il en est une dont on ne vous parlera pas beaucoup : l’asservissement aux pouvoirs économiques et politiques.

« Trois groupes contrôlent désormais l’ensemble des journaux de l’Est, de l’Ouest et du Midi. Sur le plan national, malgré la disparition de plus d’une dizaine de titres en cinquante ans, le Figaro a perdu, depuis 1988, près de 100.000 lecteurs, le Monde près de 80.000, Libération près de 60.000. Et cela ne s’arrange pas. Au contraire. A quoi s’ajoute l’effondrement des recettes publicitaires. » (Jean-François KAHN, 17 mai 08)

 
Ce que nous disons n’est pas une nouveauté : il y a 40 ans, la presse avait déjà son DASSAULT, son BOUSSAC, par exemple. Mais le fait que cela soit aujourd’hui la règle générale constitue réellement un fâcheux franchissement de seuil, parce que chacun sait que le milieu des affaires n’aime ni les esclandres ni les manifestations sociales, pas même l’indépendance d’esprit de ses scribes. Voir les cas d’ Alain GENESTAR à Paris Match (groupe LAGARDERE), de Jacques ESPERANDIEU au Journal Du Dimanche (groupe LAGARDERE), d’ Eric IZRAELEWICZ à la Tribune (groupe LVMH de Bernard ARNAULT), toutes ces personnes n’ayant pas la réputation d’être des agitateurs …

 
Pour dynamiser leurs danseuses endormies qui entonnent quotidiennement la « chanson unique », leurs dirigeants font la chasse aux scoops pour se démarquer par rapport au nouveau support (Internet) et pour gommer l’effet désastreux de la similitude. Et patatras !
« L’atout maître des médias installés par rapport aux fourmis [les nouveaux supports électroniques, ndAA], c’est qu’ils sont crédités de savoir-faire, d’expérience. (…) Enchaîner les faux scoops, c’est toucher au cœur du pacte. C’est porter atteinte, non pas à un seul titre, mais à toute la presse. » (Daniel SCHNEIDERMANN, 19 mai 08)

 
Même le chevalier Jean-François KAHN ne l’exprime pas clairement, préférant le terme de complaisance. Mais lui au moins est prêt à lancer une nouvelle croisade pour empêcher la disparition du journal le Monde ou sa mise sous tutelle (qui « (…) constitueraient un crime contre la République », rien de moins) : il oublie que la bataille a déjà eu lieu.

Alors quelle solution reste-t-il pour les démocrates attachés à une presse quotidienne libre, i.e. indépendante des pouvoirs économique et politique ? En dernier recours, le lancement d’un quotidien, nous dit Jean-François KAHN. Vaste projet !

 
Alexandre Anizy

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