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L'Appanah c'est un placebo familier

Publié le par Alexandre Anizy

            Nathacha Appanah est une journaleuse qui s'adonne aux textes gris, adore la nuance ― c'est mignon comme une photo de David Hamilton ―, admoneste le pointeur cruel, adoucit son phrasé d'un mélange marin, pour émouvoir son lecteur endormi. Et le reste n'est pas littérature.   

 

 

            Dans Le ciel par-dessus le toit (Gallimard, 2019), l'autrice brode une joliesse rythmée d'anaphores accumulées : la dope est adoptée.

            « C'est un vaste monde qui se dessine en dix ans. Il y a des îles qui disparaissent, des collines qui glissent et s'affaissent, il y a le désert qui ronge les villages et les villes qui grignotent la campagne. Il y a la joie et la mort qui emporte, aussi. Il y a les pardons, et les belles choses qu'on se dit à l'aube. Dix ans mais il reste encore des endroits comme celui où se trouve Loup. » (p.64/99)

Encore et encore...

            Mais aussi une volonté musicale qui amenuise le précis :

            « Il y a ce regard échangé de loin. C'est la mère qui avance vers la fille parce que cette dernière est pétrifiée ― par cette beauté, par cette vague d'émotions qui l'atteint, par le poids de ces dix années, par la difficulté à être l'enfant de sa mère ― et toujours le cœur qui bat, le ventre qui tourne, l'esprit qui se débat pour trouver les mots qui conviennent, mais en réalité c'est autre chose qui prend le dessus et ça ressemble à un début, à quelque chose qui s'ouvre et qui offre on ne sait pas encore quoi, on ne sait pas encore comment mais on espère que ça ressemblera à de la tendresse et, pour l'instant, ça leur suffit. » (p.85/99)

 

            C'en est trop, comme ce "h" planté au milieu du prénom, comme la cendre inutile d'un rêve de majesté. Pour le coup, amusons-nous avec l'excipit : 

            « Il était une fois un endroit ouvert sur la mer, le ciel et la terre. Dans cet endroit, chaque chose avait une histoire et chaque chose contenait une promesse. Loup les goûte une à une, de son corps, de son visage, de ses mains qu'il ouvre en grand et sa bouche aussi. Il lui semble que ce ne sera jamais assez d'offrandes et qu'une vie entière dans ce vaste monde ne sera pas suffisante pour toutes les dire, toutes les tenir. » (p.93/99)

Et le nôtre :

      Il était une fois un livre ouvert sur l'être, le dedans et le dehors. Dans ce livre, chaque page est une profondeur et de chaque page émane la rémanence d'une discorde. Vuk s'en imprègne, Vuk l'ingère, Vuk la restitue. Il était une fois un être intériorisant la fragilité de l'harmonie, la violence du vaste monde.     

 

 

Alexandre Anizy

 

De quoi se mêle le Conseil Constitutionnel ?

Publié le par Alexandre Anizy

            En consacrant le principe de gratuité de l'enseignement supérieur, le Conseil Constitutionnel fait le lit de l'éducation privée.

 

 

            C'est une tribune du maître de conférence Pierre-Henri Tavoillot (Figaro du 17 octobre 2019 : Le gouvernement des principes, ou la fin de la démocratie délibérative) qui nous a alertés sur la récente dérive démocraturique : profitant d'une saisine, le Conseil Constitutionnel a arrêté un principe de gratuité de l'enseignement supérieur dans un champ qui ne relève pas de sa compétence. « Cet arrêt, je pèse mes mots, est une véritable usurpation de la volonté générale », écrit le juriste vigilant qui ajoute que « cette accumulation de questions de  principes révèle une chose : la légitimité d'agir du politique est devenue tellement faible qu'il tente de la gonfler artificiellement par l'autorité du droit. Faute de pouvoir changer le réel, il cherche à modifier les textes en général et la loi fondamentale en particulier ».  C'est une véritable dépossession démocratique.

 

            Nous ajoutons à cette critique experte que l'arrêt du Conseil Constitutionnel est pire que cela, puisqu'il interdit la transformation sérieuse de l'enseignement supérieur, dans la mesure où la question de ses ressources vient d'être arbitrairement escamotée. Les écoles privées vont continuer de prospérer sur le cadavre de l'université.

            L'élisphère contrôle de plus en plus son autoreproduction.   

 

 

Alexandre Anizy

 

Cécile Coulon est une bête

Publié le par Alexandre Anizy

            De course évidemment. 

 

 

            Depuis le 4 septembre, L'(im)Monde l'ayant récompensée, Cécile Coulon doit être au paradis des anges blond peroxydé, ce qui n'est pas le cas de ses personnages dans Une bête au paradis (L'iconoclaste, août 2019). Un prix mérité pour cette écrivaine talentueuse. Echantillon pris au hasard.

            « Il ne faisait pas partie de la famille. Il était employé, ici. On ne lui avait rien dit, parce qu'on attendait de lui ce qu'on attendait d'un commis de ferme. Nourrir les poules. Nettoyer la cour. Inspecter la grange. Trier les œufs. Traire les vaches. Il ne faisait pas partie de la ferme. Louis avait oublié ce que c'était d'être du paysage sans être de la photo.

            avant de redescendre, il défit le lit d'Emilienne, tira les draps par terre. au moins, quelle ne revienne pas dormir dans un lit sale. » (p.226)

 

            Bien sûr, en lisant Cécile, on voyage vers Marie-Hélène Lafon (lire ici et ici ), à qui l'autrice rend hommage dans un entretien au quotidien vespéral, où elle évoque aussi L'épervier de Maheux de Jean Carrière (lire ici ). Coulon a de bonnes références. Mais pour nous, c'est plus à Bernard Clavel que le livre renvoie. 

 

 

            En tout cas Cécile, pour le Graal, il faudra changer d'écurie : c'est la loi du commerce.

 

 

Alexandre Anizy

8. Les tartuffes socialistes Boris Vallaud

Publié le par Alexandre Anizy

            Hier matin, puisque la colère sociale sourd, l'européiste Boris Vallaud pérorait à la télévision en se présentant comme un défenseur des gens de peu (les cheminots, les agriculteurs, etc.). "Non, dit-il en gros à Jeff Wittenberg, si les socialistes gouvernaient, ils n'auraient pas voté le CETA", alors que ce sont eux qui ont laissé aboutir ce traité... Gonflé l'énacrate ! Mais n'est-ce pas à cela qu'on les reconnaît ?

 

 

            Soyez-en sûrs : les vautours de la ligue libérale radicale vont occuper l'espace médiatique, pour le cas où le pouvoir devrait changer de main... pour que rien ne change. A cette enseigne, le moins jeune Boris Vallaud (le mari de Pimprenelle qui a tant fait pour l'abaissement de la qualité de l'école publique) peut jouer un rôle majeur, parce que ce tartuffe est parfaitement qualifié. Qu'on se souvienne.

            En 2012-14, il est au ministère de l'Economie quand le culbuto Hollande, ennemi de la finance, offre un cadeau fiscal de 20 Milliards d'euros aux entreprises pour lutter contre le chômage : les patrons ont eu le pognon, les chômeurs furent plus légion.

            En 2014-16, il est secrétaire adjoint à l'Elysée, oeuvrant (mais attention, ce n'est pas lui le responsable, c'est l'autre du bureau d'à côté...) sur la sinistre loi Travail défendue par la ministre El Khomri. Soulignons ici que pour faire leurs saloperies, les socialistes ont l'art de placer un innocent en tête de gondole : ce fut Pierre Bérégovoy pour la financiarisation de l'économie dans les années 80, ce fut une beurette pour la casse du code du travail.

            En résumé, le bilan social de l'énacrate Vallaud n'est pas reluisant, il est dégueulasse. Pour notre part, nous écrivions dès le 26 juin 2012... Lire ici

 

 

            Mais depuis 2017, où le bébé cador élyséen a hérité d'une circonscription en or, Boris Vallaud se refait une virginité "de gauche" : non, il la joue pas comme Karl Liebknecht, mais Pimprenelle n'est pas Rosa Luxemburg non plus !     

 

 

Alexandre Anizy

L'européiste Valérie Rabault se distingue

Publié le par Alexandre Anizy

 

            Dans un entretien aux "Echos", la présidente du groupe PS à l'Assemblée Nationale souhaite que la France reste dans les clous de Maastricht : haro sur le déficit structurel du budget macronien ! Avec des socialistes de cet acabit, les gens de peu peuvent crever la gueule ouverte.

 

            Pour mémoire, on repasse ici notre billet du 23 janvier 2016 titré Les tartuffes socialistes : la banquière Valérie Rabault pour l'opaque transparence.

 

 

            L'irruption sur la scène politique d'une autre banquière, Valérie Rabault maquillée en socialiste, mérite un peu d'attention.

 

 

            Comme tant d'ingénieurs des "dites grandes écoles", Valérie Rabault passe en coup de vent dans le BTP (sa spécialité) pour commencer son plan de carrière dans la finance (ça rapporte plus pour les matheux, sans salir les escarpins) avec la Société Générale pour se faire les crocs, puis son envol chez BNP Paribas qui lui fera voir du pays (les places financières de Francfort, Hong-Kong, Londres). 

            Dans le même temps, VR est devenue socialiste à 27 ans en créant sa section à Montaigu-de-Quercy : autant avoir de suite les troupes locales à sa pogne quand on vise haut comme cette demoiselle. En 2006, la Parisienne professionnellement globe-trotteuse intègre le Conseil fédéral du Tarn-et-Garonne, c'est vous dire...

            En 2007 et 2008, quand la crise financière explose, elle en connaît bien le noyau puisqu'elle bosse dans la division des produits dérivés. Pour 2009, son revenu déclaré (108.013 €) est encore modeste pour son milieu, mais en entrant au comité exécutif de la filiale spécialisée dans le trading (BNP Paribas Arbitrage) en 2010, elle élève son score à 259.474 € pour finir à 490.621 € le 31 décembre 2011, lorsqu'elle obtient un congé sans solde de son employeur pour être débarquée à la campagne en tant que candidate "de gauche" aux législatives de juin 2012, où elle est élue. 

 

            Comme le macaron d'Amiens à l'Elysée, la banquière Valérie Rabault est en mission à l'Assemblée nationale, pour le bien public bien entendu. La députée novice intègre la prestigieuse commission des finances en tant que vice-présidente, où comme par hasard arrive en discussion la Loi bancaire du ministre Pierre Moscovici : VR et sa copine (du temps des classes préparatoires de Louis-le-Grand) Karine Berger (nommée rapporteuse de la Commission pour ce texte) ont bien travaillé l'idée initiale (séparer les banques de dépôt des banques de marché). Le résultat de cette Loi dite de séparation ?

« Dans un mélange de candeur et de parfaite sûreté de soi, Frédéric Oudéa, le patron de la Société générale, en effet « pas gêné » (au sens de Karine Berger), a cependant fini par lâcher le morceau en avouant que la loi de « séparation » n’allait le séparer que de 1,5 % du total de ses activités… » (1)

Quelle efficacité... pour le bien public bien entendu !

 

            Concernant la Loi organique relative à la transparence de la vie publique, VR suit le mouvement : point trop n'en faut. Disons simplement ici que le citoyen lambda qui veut connaître le patrimoine de son député doit montrer patte blanche à la préfecture et jurer la non-divulgation de ce qu'il va découvrir. On peut résumer en qualifiant cette loi de transparence privée

            Il nous faut signaler ici le comportement de Claude Bartolone : le fils d'un rital immigré comme il l'a souvent répété dans sa communication, lui qui s'insurge contre la démocratie paparazzi, étant un peu gêné aux entournures rien qu'avec sa magnifique bicoque de 380 m2 avec vue imprenable sur Paris (2) estimée à 2 millions d'euros, est finalement non-votant lors du scrutin n°595 (en lecture définitive) du 17 septembre 2013.

 

            Les 2 votes de Valérie Rabault dans la nuit du 16 décembre 2015 sur l'amendement 340 relatif à l'évasion fiscale sont sans ambigüité : elle est contre la transparence.

 

            Qu'on se le dise : VR n'aime la transparence qu'à dose homéopathique.

 

 

 

Alexandre Anizy

 

 

(1) cité par Frédéric Lordon, dans "la régulation bancaire au pistolet à bouchon", sur son blog du Monde Diplomatique le 18 février 2013.

(2) Canard enchaîné du 30 avril 2013

 

Le ghetto de Santiago Amigorena

Publié le par Alexandre Anizy

            Que penser du roman titré "le ghetto intérieur" ? 

 

 

            Santiago Amigorena n'a rien à dire, et il l'écrit mal (la ponctuation est hasardeuse).  

 

 

Alexandre Anizy

Le bordel d'Emma Becker

Publié le par Alexandre Anizy

            Dans la course aux prix, Flammarion avait misé sur le scandale de l'hyper féministe Emma Becker. Et Moix de Grasset écrasa l'alter-ego.

 

 

            L'écrivaine Emma Becker ajoute du malheur au monde en mal nommant son temporaire lieu de travail berlinois : La maison (Flammarion, 2019, en livrel) est un bordel. Est-ce par pudeur, est-ce pour une touche cucul la praline, est-ce parce que Mme Becker considérerait comme Bakounine « [qu'] il n'y a guère de différence entre le mariage bourgeois et la prostitution », on ne saurait le dire.

 

            En tout cas, comme dans L'éducation sentimentale, on s'ennuie. Comme l'héroïne : « J'en suis réduite à faire des additions mesquines, à calculer mon chiffre d'affaires de la semaine, lequel atteint péniblement cent cinquante euros pour trente heures de néant insondable. » (p.162/321) Emma n'est pas une gagneuse ― mais hormis un mac serbe, qui le lui reprocherait ?― puisque son turbin au bordel n'est qu'une expérience.

            Résumons : Emma Becker livre un documentaire sur les bordels allemands, agrémenté de considérations psychologiques, voire sociales, et d'introspections, beaucoup d'introspections... Du genre : « J'ai toujours cru que j'écrivais sur les hommes. Je ne peux relire mes livres sans m'apercevoir que je n'ai jamais écrit que sur les femmes. Sur le fait d'en être une, et sur les milliers de formes que cela prend. » (p.213/321) Pour finalement avouer : « Que je ne suis pas du tout faite pour être journaliste [le lecteur s'en rend compte d'ailleurs], au fond. Aussi égocentrique que la profession puisse l'être, elle n'arrive pas à la cheville du narcissisme qui boursoufle un écrivain comme moi, incapable d'écrire sur qui que ce soit d'autre que lui-même. J'essaie parfois. » (p.214/321)

           

            Nous pardonnons le nombrilisme à la donzelle, et même nous l'encourageons à tenter un autre essai, parce qu'il y a chez elle un style avec un je ne sais quoi qui fleure bon l'impertinence, comme ici : « Notre coalition tricolore anschlusse copieusement la cuisine [du bordel : ah la bouffe chez les Français !], chassant les germanophones, qui n'osent pas nous demander de parler au moins anglais (et quel plaisir subtil, après des mois d'efforts, que d'être ces immigrées qui ne font rien pour s'intégrer !) » (p.199/321)   

 

 

Alexandre Anizy

Les routes de Sylvain Prudhomme

Publié le par Alexandre Anizy

            Sylvain Prudhomme tombe en quenouille.

 

 

            Lire Par les routes de Sylvain Prudhomme (Gallimard - L'arbalète, 2019) ne fut pas un hasard. Avant la naissance de l'auteur (1979), nous usions de l'auto-stop dans le cadre d'une réallocation de nos ressources : le prix du modeste ticket aller-retour Étain/Verdun des Rapides de la Meuse servait à payer nos deux paquets de Gauloises de la semaine, et nos boissons du jeudi ou mercredi après-midi à la B.U. et au Lapin qui fume, lorsque nous sortions du lycée Marguerite, où nous côtoyions un Prudhomme... Nous arrivions souvent en retard au cours d'espagnol du lundi matin, mais sous la pression amicale des copines, le professeur ne signalait pas dare-dare notre absence, ce qui nous épargnait des désagréments administratifs. Puis nous nous échappâmes du lycée pour quérir une autre vie sur les routes, dans un élan d'émancipation juvénile. En ce temps-là, l'auto-stop n'était pas un calvaire, mais la vague déclinait déjà.

            Mais ce n'est pas en ex-pratiquant que nous parlons ici.

 

            Un article de presse mettait en avant la qualité du style :

« ... la force de ses romans. A son écriture, assurément, dont l'absence de ponctuation expressive contraint le lecteur à choisir lui-même l'intensité qu'il veut donner, dans le secret de sa lecture, aux propos qui lui sont confiés. » (joliment dit par Florence Bouchy, L'(im)monde du 20 septembre 2019) ;

et suscita l'envie d'une réminiscence possible de Jack Kerouac.

            Cela commença pas trop mal :

« J'aime et redoute à la fois l'idée qu'il existe une ligne d'ombre. Une frontière invisible qu'on passe, vers le milieu de la vie, au-delà de laquelle on ne devient plus : simplement on est. Fini les promesses. Fini les spéculations sur ce qu'on osera ou n'osera pas demain. Le terrain qu'on avait en soi la ressource d'explorer, l'envergure de monde qu'on était capable d'embrasser, on les a reconnus désormais. » (p.5/217)

            Mais avant d'arriver au passage ci-dessous, où l'auteur décrit l'art de la traduction, nous savions l'envie insatisfaite par l'inconstance du style.

            « De toute façon avec les mots c'est toujours pareil, elle souriait, le sens glisse, dérape par rapport à l'intention qu'on avait, il dérape en italien comme en français, les mots toujours débordent, c'est le jeu, ce qu'il faut simplement c'est choisir entre les glissades, sentir quelle glissade française sera la plus fidèle à la glissade italienne. » (p.55/217)  

            Force est de déplorer l'échec face à une barre hautement placée.

 

            Côté motif, Sylvain Prudhomme commet deux erreurs. La première est de présenter l'auto-stoppeur comme un spécialiste des autoroutes :

« Toi qui ne quittes jamais l'autoroute ou seulement le temps d'un arrêt au Formule 1 le plus proche. » (p.72/217) ;

or l'autoroute ne peut pas être le vecteur de l'idéal d'un trimardeur. La deuxième erreur est la dépersonnalisation : le voyageur s'appelle l'auto-stoppeur. Rien que. Cet effacement du sujet nous semble en contradiction avec le besoin d'être.

            De ce côté-là aussi, force est de constater le ratage.

 

            Hélas ! monsieur Prudhomme ne nous emmène pas par les routes, alors que peut-être ses yeux dans un rêve sans fin flottent insoucieux.

 

 

Alexandre Anizy