Animateur d'une revue de poésie, le sorbonnard Guillaume Métayer cherche à épater son milieu : quand deviendra-t-il poète ?
Contrairement à ce qu'il semble penser,
« Quel temps perdu s'il suffit d'être le premier
voyant ce paysage à oser le nommer
Je m'en faisais une montagne être poète » (p.68) ,
Guillaume Métayer ne s'est pas délivré du carcan de sa formation et de sa profession : la montagne n'est toujours pas franchie. C'est ainsi que dans Libre jeu (éditions Caractères, 2017, 15 €), il rend compte de ses sorties parisiennes ou autres en usant d'une technique libre :
« Pendant tout le temps de la représentati-
on tu lustres tes jambes pin-up mordorée
les étires sans fin les étends et les ré-
tractes un tricotage à donner le tournis » (p.47) ;
ou bien d'un relâchement dans sa besogne à la BNF, soulignant une impuissance créatrice avec humour :
« Je rêve de couler dans les quatorze vers
tel un trois-mâts dans une bouteille à la mer
tous les bons mots toutes les blagues qu'en vingt ans
comme un arbre voûté j'ai semé à tous vents
comme on crache le sang et comme on perd ses dents :
Voici la fin et toujours rien n'est mis sous verre » (p.70) ;
malheureusement, il arrive souvent que cela vire au charabia :
« Aimer comme on implore Quand sans bruit
j'amarre à ton corps au fond de la nuit
à ton oreille appeler l'inconnu » (p.24).
Jouant de la technique, le professeur Métayer rapporte des phénomènes anecdotiques, le plus souvent avec drôlerie.
« Bien plus que la maîtrise formelle, qui n'est d'ailleurs pas un jeu (on est loin du Scrabble et de l'Oulipo), ce qui engendre le regain dans les poèmes de Métayer c'est l'ombromanie, la superposition de formes émondées, un jeu libre, des origines, celui de l'enfant qui brocarde le professeur, déclare tel banc navire et s'amuse à la guerre en faisant le mort ; de l'adulte d'une certaine espèce aussi, qui plus après mise le tout pour un rien avec cette faculté de se regarder faire et de se juger à mesure qu'il agit, sans que son jugement, très souvent contraire à son acte, empêche l'acte, ou que son acte nuise à son jugement : asymptote terrible. » Guillaume Decourt (revue Europe, mars 2018, p.312)
Un zéro de conduite serait immérité, quoique dans le recueil Libre jeu, on trouve Diplomatiques (p.63), poème évoquant un recueil de G. Decourt... qui a renvoyé l'ascenseur.
Osez l'audace, Métayer ! Et le poète naîtra.
Alexandre Anizy