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Le pro japonais Carlos Ghosn ne mord pas la main

Publié le par Alexandre Anizy

Depuis le début de l'année 2015, le brésilo-libano-français Carlos Ghosn (PDG de Nissan) est à la manœuvre chez Renault, dont il est aussi le PDG, pour obtenir ce qu'il appelle un "rééquilibrage de l'alliance Renault - Nissan" : en avril, il s'agissait "simplement" d'accorder des droits de vote à Nissan ... maintenant, dans un document de 3 pages, le représentant de Nissan au conseil d'administration de Renault Hiroto Saikawa (missi dominici) revendique une augmentation de la participation de Nissan dans Renault pour que les niveaux de participations croisées des 2 partenaires soient équivalents (entre 25 et 35 % chacun).

Rappelons le premier fait essentiel. En 1999, Nissan est en grande difficulté avec un endettement de 200 milliards francs : en apportant 33 milliards de francs pour 37 % du capital du constructeur japonais, Renault sauve de la faillite la bande dirigeante et les actionnaires de Nissan. Puis le deuxième fait : c'est à la tête d'une équipe restreinte (20 salariés de Renault) que le directeur des opérations Carlos Ghosn va redresser la société Nissan en la réorganisant.

Aujourd'hui les naufragés japonais, qui n'ont pas été les meneurs du changement drastique et profitable chez Nissan, réclament "simplement" une part équivalente du pouvoir. De quel droit et au nom de quoi ? Prendre comme argument leurs respectives capitalisations boursières est ridicule, quand on sait que celle du tricheur Volkswagen vient de fondre de 20 % en une semaine après la découverte de sa fraude.

Hors stock-options, en 2010 : en tant que PDG de Nissan, le brésilo-libano-français Carlos Ghosn gagnait 6,8 millions d'euros ; en tant que PDG de Renault, le brésilo-libano-français Carlos Ghosn ne gagnait que 1,2 millions d'euros ; cette année-là, le salaire total de Carlos Ghosn est presque le double du meilleur salaire des patrons français (4,4 millions d'euros pour Frank Riboud, chez Danone). Alors dans la bataille interne de "l'Alliance", le manageur mondialisé Carlos Ghosn est pro japonais, parce qu'en homme sage - c'est une hypothèse-, il ne mord pas la main qui le nourrit le mieux.

Alexandre Anizy

La flexibilité des Casanova

Publié le par Alexandre Anizy

La vie de Casanova fascine, et même ses Mémoires sont goûtées plus que de raison :

« Casanova se voulait assez sincère avec Bragadin, il évite tout cynisme triomphant avec l'abbé d'Einsiedeln, il s'exprime sans grâce. Les deux passages tournent autour d'un quoique : sincère sans pourtant entrer dans toutes les circonstances, repenti sans renoncer pourtant à tous les détails savoureux. La narration s'adapte à l'auditeur, elle se négocie entre hier et aujourd'hui, entre mémoire et réalité présente. » Michel Delon, (Album Casanova de la Pléiade, 2015)

S'adapter est l'ardente obligation des séducteurs de tout poil.

Alexandre Anizy

Du jeu poétique de Loïc Demey

Publié le par Alexandre Anizy

Le lorrain Loïc Demey a réussi un petit chef d'œuvre (au sens du compagnonnage) avec son recueil Je, d'un accident ou d'amour (1). En 16 morceaux, il raconte un amour bouleversant.

Pour le plaisir, quelques mots empruntés au n°6 :

Je l'affection aussi Delphine. Mais, depuis quelques mensualités, nos sentiments se pâles et se fades. Le rouge se rose et le blanc se boue.

(...)

On se rituels : je me samedi chez ses parents, elle se dimanche chez les miens. On se calme plat. Je me morne, elle se plaine. Elle se train-train, je me ligne droite. On se routine, on se déroute.

Dans le fossé.

(Loïc Demey : Je, d'un accident ou d'amour ; page 23)

Grâce au jeu d'écriture, on fait les comptes.

Alexandre Anizy

(1) Cheyne éditeur, 2014 : 16 € pour 44 pages, est-ce bien raisonnable ?

Blanqui l'enfermé en BD rabougrie

Publié le par Alexandre Anizy

Est-ce parce qu'il a oeuvré avec Michel Onfray que Maximilien Le Roy a eu envie, avec Loïc Locatelli Kournwsky, de faire l'album Ni Dieu ni maître - Auguste Blanqui l'enfermé ?

En tout cas, c'était une fausse bonne idée puisque ce roman graphique n'est qu'un survol d'une vie de taulard, qui n'explique politiquement et historiquement rien, avec une prépondérance du noir et de l'ocre sur beaucoup de planches qui en rebutera plus d'un.

Alexandre Anizy

L'engagement léniniste III : l'exemple Victor Serge

Publié le par Alexandre Anizy

Les éditions Grasset ont ressorti dans leur collection "Cahiers Rouges" le roman de Victor Serge intitulé « S'il est minuit dans le siècle » (262 pages, 9,20 € ; 1ère édition en 1939). D'un point de vue littéraire, cette réédition ne s'imposait pas vraiment. En effet, le style romanesque de Victor Serge est ordinaire.

Nous en soulignons ici le premier chapitre : Mikhaïl Ivanovitch Kostrov, un compagnon d'armes de la 1ère heure des Bolcheviks, qui a pris ses distances avec le pouvoir russe, est arrêté par la police politique, à une époque où Staline éliminait méthodiquement les révolutionnaires de 1917 qui n'avaient pas prêté allégeance au nouveau tsar (et même ceux qui le firent n'en furent pas pour autant sauvés !) ; il va connaître les geôles et les interrogatoires des flics rouges, pour finir inéluctablement au goulag.

Si nous comparons uniquement ce chapitre au chapitre "Boris Davidovitch" du « Tombeau pour Boris Davidovitch » de Danilo Kiš,

voir notre note

http://www.alexandreanizy.com/article-tombeau-pour-boris-davidovitch-de-danilo-ki-55548647.html

nous donnons l'avantage à Kiš sans hésitation, parce qu'il décrypte mieux la psychologie des duellistes et par conséquent met en évidence la perversité du système stalinien.

D'un point de vue politique par contre, nous considérons que ce livre devrait toujours être disponible pour le public. En effet, la carrière du révolutionnaire professionnel Victor Serge est exceptionnelle et instructive.

Résumons la vie de ce militant : au temps de la bande à Bonnot qu'il côtoie, Victor Serge est connu dans les milieux anarchistes (et donc de la police), notamment parce qu'il dirige la publication "l'anarchie", et il est inculpé puis condamné à 5 ans de prison (peine purgée) ; en 1917, il va participer à l'insurrection de juillet à Barcelone ; de retour en France, il fera tout pour rejoindre la Révolution russe, et y parviendra en 1919. Membre du PC russe et de l'exécutif de l'Internationale, on lui confie la revue "Internationale communiste". Jusqu'à la mort de Lénine, il sera un bon petit soldat bolchévique. Après, il critique le dirigisme, la bureaucratie … et il finit exclu du PC en 1927 … et déporté en 1933. Grâce à un élan d'intellectuels français (André Gide, André Malraux, Alain), et tout particulièrement de Romain Rolland, il sera libéré par Staline.

Un parcours exceptionnel, assurément.

Ce qui est édifiant chez Victor Serge, c'est l'aveuglement politique au coeur de la bataille. En effet, alors qu'il n'est pas trop mal informé, il écrit dans l'été 1920 une brochure Les Anarchistes et la révolution russe (publiée en août 1921) :

« Eh bien ! il me semble que nous devons, nous, anarchistes, accepter ou répudier en bloc toutes les conditions nécessaires de la révolution sociale : dictature du prolétariat, principe des soviets, terrorisme, défense de la révolution, fortes organisations.

De ce bloc on ne peut rien ôter sans que tout s'écroule. La révolution est telle. C'est le fait. (...) Etes-vous contre elle ou avec elle ? Ainsi se pose brutalement la question. »

(page 142, Mémoires d'un révolutionnaire et autres écrits politiques 1908 - 1947, Robert Laffont, collection Bouquins, octobre 2001, 1.047 pages) (1)

Et c'est pourquoi il se range derrière le parti bolchevique pour la répression implacable des insurgés de Cronstadt : « Avec bien des hésitations et une angoisse inexprimable, mes amis communistes et moi, nous nous prononcions finalement pour le parti. » (page 606)

Comment un militant anarchiste aguerri a-t-il pu avaler de telles couleuvres ?

En fait, Victor Serge fait partie de ceux qui ferment les yeux sur les horreurs du chemin croyant qu'ils atteindront leur but : l'Histoire montre qu'ils se perdent en route ou qu'ils sont éliminés par leurs amis moins naïfs.

Victor Serge nous fait penser à Jean-Luc Mélenchon, lorsqu'il demande sans condition au soir du 15 mai 2012 de voter pour le culbuto molletiste Hollande (2), qui persiste à idolâtrer le francisquain Mitterrand, qui est toujours fier du bilan du bradeur Lionel Jospin (3)...

En dernière analyse, c'est le même aveuglement.

Alexandre Anizy

(1) Parce qu'il est proche du centre de décision des révolutionnaires bolcheviques, Victor Serge accède à des informations et des documents secrets, comme par exemple le fait que le journaliste du Figaro Raymond Recouly, spécialiste des affaires étrangères, était payé 500 franc par mois par la Russie tsariste (agent de l'Okhrana - la police secrète) pour influencer l'opinion et pour espionner les autres journalistes ! Raymond Recouly, c'est aussi le genre de journalistes qui écrivait dans Gringoire, journal d'extrême-droite à partir de février 1934, puis qui publiait en 1941 Les causes de notre effondrement (éditions de France).

Ah ! le journalisme, quel beau métier ! N'est-ce pas Fabrice Arfi et Antoine Perraud ?

(2) Pourtant il connaît bien le lascar depuis 30 ans !

(3) Les privatisations ont atteint un sommet sous l'ère du socialiste Jospin, qui avec son ministre Strauss-Kahn permit à Lagardère de commettre le hold-up du siècle lors de la création de EADS, comme le raconta si bien le Canard enchaîné.

(Pour clore "l'engagement léniniste", nous rééditons ce billet du 10 mars 2015)

Le Cuba de Leonardo Padura (l'engagement léniniste II)

Publié le par Alexandre Anizy

L'architectonique des Hérétiques de Leonardo Padura (éditions Métailié, 2014, en livrel à 15,99 € - trop cher !) ne transporte pas le lecteur aux anges, notamment cette partie relative au récit hollandais du XVIIe que nous comparons à un ajout pictural gâchant le tableau. C'est fort dommage car le personnage de Mario Conde dans un Cuba désenchanté mérite le détour...

... que nous fîmes peu de temps après : L'homme qui aimait les chiens (en format poche à 9 €). Cette fois-ci, la structure narrative ne gâche pas le plaisir en amenuisant l'attention du lecteur, bien au contraire. Pour ne pas entamer le vôtre, si vous suivez notre recommandation en allant emprunter ou acheter l'ouvrage, nous ne disons rien, sinon qu'on y parle de Trotski.

« (...) parmi les rares choses qui ne font qu'augmenter si on les partage, il y a la douleur et la misère. » (p.15/628)

On peut ajouter la joie de lire (1).

Alexandre Anizy

(1) En souvenir de François Maspéro.