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Le graillon de Claire Baglin

Publié le par Alexandre Anizy

Une brève avait attiré notre curiosité sur le premier roman de Claire Baglin : peut-être une autrice qui a de l’estomac, avions-nous pensé ?

 

Que nenni ! Lorsque nous mettons En salle (éditions de minuit, 2022) dans la liseuse, à peine avons-nous avalé vingt pages que le menu et la sauce apparaissent maigre et indigeste, si bien que nous sautons les obstacles, comme on l’apprend sur le tas, pour laisser une chance au produit… Mais rien à faire ! Il rejoint les eaux usées de la République des lettres. 

 

Alexandre Anizy

 

Feu le couple franco-allemand

Publié le par Alexandre Anizy

Un éclair de lucidité a frappé le ligueur libéral-radical Nicolas Baverez : empressons-nous de le saluer !

 

Aujourd’hui dans son éditorial, Baverez constate enfin le mythe du couple franco-allemand. S’il le fait forcément avec dépit, comme tous les cocus, son inventaire non exhaustif des écarts allemands est sans appel :

«  L’Allemagne a toujours âprement défendu ses intérêts en Europe, et notamment ceux de son industrie. Quand la France se contente de parler de souveraineté, l’Allemagne l’exerce. C’est ainsi qu’elle fit financer sa réunification par ses partenaires à travers les taux d’intérêt élevés des années 1990, qu’elle restaura la puissance de son industrie grâce à la dévaluation compétitive réalisée par l’Agenda 2010, qu’elle configura le marché européen de l’énergie pour accompagner sa sortie du nucléaire, qu’elle ouvrit les frontières de l’Union aux migrants pour résoudre son déficit de main-d’œuvre, qu’elle exporta le « Dieselgate » de Volkswagen à l’ensemble de l’industrie automobile européenne, qu’elle prit le contrôle de la politique européenne de l’espace. »

Et maintenant l’Allemagne se lâche en achetant des avions américains F-35, ce qui est la négation du projet d’avion européen qu’elle voulait impérativement codiriger sans en avoir les compétences techniques et industriels, en aspirant devenir la plateforme logistique de l’Alliance puisqu’elle veut être le maître d’œuvre d’un bouclier antimissile propre à l’Europe centrale et orientale qu’elle veut étendre à 36 pays !  

Bref, le couple franco-allemand était « un mythe asymétrique, cultivé par Paris [c’est-à-dire, en toute honnêteté, par tous les ligueurs européistes comme Baverez] pour tenter de compenser le décrochage de la France ».  

 

Incapable de reconnaître son aveuglement passé et a fortiori de changer de logiciel d’analyse, Nicolas Baverez n’écrit donc pas comme nous, ici-même, que la folie allemande se met en branle en 2022 pour le grand bénéfice des Etats-Unis, à qui elle doit tout depuis sa grande clémence de 1945…  

            Mais pire encore, Nicolas Baverez persiste à inoculer le venin de la soumission lorsqu’il conclue : « [La cathédrale européenne (sic !)  ̶  à ce genre d’expression, on distingue le fanatisme européiste] peut encore être sauvée mais à trois conditions : le redressement de la France indissociable de ses intérêts en Europe ; la remise en question par l’Allemagne de son modèle mercantiliste ; la construction d’une Union politique qui articule souveraineté nationale et souveraineté européenne. » Il n’y a qu’un rêveur bourgeois français pour propager de telles fadaises.   

 

Puisque les cons se surpassent, le pire est à craindre pour la France.   

 

Alexandre Anizy  

Burn-out d'une lettrée par Valérie Rouzeau

Publié le par Alexandre Anizy

 

Des heures de nuit des heures de jour je fais

mon temps je pointe quoi passe

Poèmes à la chaîne j’avance bien j’oublierai

peut-être au bout tout

Si je détache mieux mes syllabes de mon sen-

timent dans le vide si je tiens le rythme d’enfer

M’évertue à poursuivre juste sans sauter une

seule ligne de chance j’oublierai peut-être au bout

tout

Tellement tout sera loin au bout après des

saisons de peine lourde mon boulet sous des tas

de feuilles

 

Valérie Rouzeau

(Va où, éditions La Table Ronde, collection la petite vermillon, 2015)

De Maurizio De Giovanni

Publié le par Alexandre Anizy

Pourquoi maintenant ?

 

Sur la grande plage entre Stella et le site de thalassothérapie du Touquet, nous marchions paisiblement avec le souffle d’un vent frais et le murmure de la mer en fond sonore, quasiment seul tandis qu’au loin les foules s’agglutinaient de part et d’autre. Dans ces moments-là, l’esprit vagabonde, sautant allègrement d’un sujet à un autre, et il s’attèle parfois à un bilan. Ce jour-là, nous dressâmes le nôtre concernant les polars italiens : un pays aussi cultivé ne se résume certainement pas à trois figures prestigieuses comme Andrea Camilleri (lire ici ), Valerio Varesi (lire ici ), Giorgio Scerbanenco (lire ici ).

 

C’est pourquoi nous tombâmes sur Maurizio De Giovanni.  En commençant par La méthode du crocodile (12-21 éditions), série de l’inspecteur Lojacono, dont voici l’incipit :  

« La Mort descend sur le quai numéro trois à 8h14, avec sept minutes de retard. Elle se fond dans la foule des migrants journaliers, ballottée entre les sacs, les mallettes et les valises, qui ne sentent pas son haleine froide. La Mort marche d’un pas hésitant, se protégeant contre la hâte des autres voyageurs. »

Comparons avec le deuxième paragraphe de L’hiver du commissaire Ricciardi (Payot-Rivages, 2015), série dont il est préférable de suivre l’ordre calendaire des saisons :

« L’homme qui ne portait pas de chapeau savait, bien avant de l’avoir vu, que l’enfant mort était là : il savait que son profil gauche, celui qu’il verrait en premier, était intact ; alors qu’à droite, le crâne avait disparu sous le choc, l’épaule avait pénétré la cage thoracique et l’avait défoncée, le bassin s’était enroulé autour de la colonne vertébrale brisée. Et il savait aussi qu’au troisième étage de l’immeuble d’angle qui jetait, en ce début de mercredi matin, une bande d’ombre froide sur la chaussée, les volets étaient fermés ; un drap noir restait accroché à la partie la plus basse de la rambarde du balcon. Il ne pouvait qu’imaginer la douleur de la jeune mère qui, contrairement à lui, n’allait plus jamais revoir son fils. Tant mieux pour elle, pensa-t-il. C’était un supplice. »

Naples à deux époques distinctes et par conséquent deux phrasés différents, avec des personnages dont les caractères sont travaillés en profondeur, et toujours la qualité architectonique. 

 

Maurizio De Giovanni joue dans la cour des grands.

 

Alexandre Anizy