Suite des notes
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Généralisation du principe de la préférence pour la liquidité et offre de monnaie endogène
Le pôle Banque est constitué de 2 entités : les banques de second rang qui créent la monnaie pour le financement de l’économie (crédit ou achat de titres sur les marchés financiers), et une banque centrale (BC) qui veille à la qualité du signe monétaire.
A. La Banque Centrale est une institution de régulation de la monnaie
La monnaie est un bien social particulier puisque c’est l’équivalent général, un produit fabriqué par des banques concurrentielles.
« Les banques, entrepreneurs en monnaie, seraient des entreprises comme les autres si leur produit ne possédait de fortes spécificités. (…) [la monnaie est] l’équivalent général, c'est-à-dire un pouvoir d’achat et une capacité de remboursement des dettes sans limites. » (Edwin Le Héron, p.105)
Que se passe-t-il quand une ou plusieurs banques échouent dans leur activité de production de monnaie ? Cela se produit quand elles ont financé des paris productifs irréalisables, plus précisément quand le marché ne valide pas la production correspondante :
« Le pouvoir d’acheter distribué par les banques (micro) ne se transforme pas alors en pouvoir d’achat (macro). La fausse monnaie, c'est-à-dire sans contrepartie équivalente à l’actif d’une banque, circulera toujours au passif de l’ensemble des banques, indiscernable de la bonne monnaie. » (ELH, p.106)
A ceci, il faut ajouter évidemment « la possibilité d’une utilisation spéculative de la monnaie détenue pour motif de finance ».
Si créer de la monnaie est chose facile, l’activité bancaire ne l’est pas : l’équilibre de la structure de bilan des banques est essentiel.
« La hiérarchisation du secteur, avec l’émergence d’une banque centrale et d’une monnaie ultime, et la réglementation prudentielle ne peuvent suffire à garantir l’absence de crise de liquidité dans le système bancaire, d’où la nécessité d’une théorie qualitative de la monnaie. Ce n’est pas la quantité de monnaie qui est importante mais la qualité de ses contreparties. » (ELH, p.106)
Nous sommes ici au cœur du problème de l’automne 2008.
Ajoutons qu’une validation par le marché est une condition nécessaire mais insuffisante à long terme. En effet, une activité spéculative peut être validée par le marché financier : toutes choses égales par ailleurs, l’accroissement de la quantité de monnaie a pour contrepartie la hausse des cours.
Keynes définit la monnaie comme la liquidité par excellence, une qualité assurée par 3 propriétés (cf. la Théorie générale) :
- Une élasticité de production négligeable pour les agents non financiers ;
- Une élasticité de substitution proche de 0 ;
- Une élasticité de la demande à l’offre proche de 1.
Edwin Le Héron propose qu’on considère ces propriétés comme des conditions à respecter (ce que Keynes avait lui-même envisagé).
« L’enjeu du système monétaire est de maintenir la liquidité de la monnaie par la vérification de ces 3 conditions tout en assurant la liquidité de la production, c'est-à-dire les flux monétaires issus de la demande effective. » (ELH, p.107)
Si la demande de monnaie est motrice, s’il n’y a pas de rationnement monétaire et que la politique monétaire se réduit à la fixation exogène du taux d’intérêt, alors la quantité de monnaie est essentiellement due aux entrepreneurs : dans ce cas, l’élasticité de production peut tendre vers 1.
« L’abondance du signe monétaire peut conduire à sa destruction (inflation et hyper inflation) et à son remplacement (dollarisation par exemple). » (ELH, p.107)
Si l’offre exogène de monnaie est constante et verticale, la monnaie peut bloquer la croissance et empêcher le plein emploi dans l’économie. Mais « cette hypothèse est contradictoire avec l’endogénéïsation de la monnaie par le principe de la demande effective. » (ELH, p.107)
L’inélasticité de sa production, propriété de l’or pour laquelle on lui donne vocation à servir d’étalon de valeur, est précisément la source du mal, selon Keynes.
Dans ce cas, ce sont les banquiers qui ont un rôle déterminant. L’attribut de liquidité se retourne contre la production.
Il convient donc de se situer entre ces 2 extrêmes : l’horizontalisme pur et le verticalisme.
(A suivre)
Alexandre Anizy
Rappel : « La préférence pour la liquidité des banques : une analyse postkeynésienne du comportement bancaire » est la contribution d’Edwin Le Héron au numéro des Cahiers lillois d’économie et de sociologie titré « Monnaie et taux d’intérêt en analyse keynésienne » (L’Harmattan, septembre 2002, 182 pages, 16 €).