Les éditions des Syrtes ont eu la bonne idée de rassembler des nouvelles du grand romancier yougoslave Ivo Andrić : qu’ils en soient remerciés.
Le livre est intitulé La chronique de Belgrade (2023), puisque les scènes se passent dans Belgrade au temps des nazis. De là prétendre que l’auteur aurait eu peut-être l’intention de faire de la Ville blanche à cette époque le personnage central d’un livre, ce n’est hélas que tirer sur une ficelle des affaires. Mais peu importe.
Zeko raconte l’évolution psychologique d’un héros ordinaire, très ordinaire de la Résistance.
« Affirmer, comme on l’a écrit, que Belgrade entre 1941 et 1944 était "la ville la plus malheureuse d’Europe", n’est peut-être pas tout à fait exact, mais il n’en demeure pas moins qu’elle fut à cette époque un théâtre où s’enchaînèrent des illustrations du mal et de la bassesse dont les hommes sont capables, mais aussi de grandeur et de beauté. On souffrit, on pâtit physiquement et moralement. Une composante toute minuscule de cette Belgrade-là fut la maison de l’ingénieur rue Tolstojeva. » (p.104)
Le jour où… est une courte nouvelle qui dessine un autre personnage en train de se libérer de la peur.
« Oui, la vie est possible. Il le sent clairement même si, à chaque instant, l’un de ces sales et derniers obus peut l’emporter, ce que souligne sans ambiguïté la peur qui lui enserre l’estomac, qu’il lit dans les yeux exorbités du jeune ouvrier. Malgré tout, la vie est possible, luxuriante, riche de sens. Jamais elle n’avait été aussi proche, intelligible, possible. » (p.178)
Cher éditeur, pour votre travail, point de justificatif douteux ! Le talent d’Ivo Andrić suffit.
Alexandre Anizy