Selon Pékin, la Chine aurait accompli une révolution industrielle que les autres ont faite en un siècle. Qu’en est-il réellement ?
« Pékin ne fait pas mieux aujourd’hui que Tokyo ou Séoul hier. Ramené à la moyenne de ces 25 dernières années, le taux de la croissance chinoise n’est plus unique dans la région : 6,1 % par an entre 1978 et 2004 contre 8,2 % pour le Japon et 7,6 % pour la Corée du Sud, sur des durées comparables, à l’époque de leur décollage économique. » (Thierry WOLTON, « le grand bluff chinois, édition Robert Laffont, page 57)
De même, il faut remettre à sa place le niveau de la production chinoise : son PIB correspond à 5 % environ du PIB mondial, quand les USA représente environ 33 % et la zone euro 21 %. Avec une croissance de 3,1 % en 2003, les USA enregistrent une hausse de 321 Milliards USD de leur PIB, quand celui de la Chine augmente de 96 Milliards USD avec une croissance de 7,8 %.
« Le bluff économique de la Chine tient plus du trucage, de l’habillage, de l’omission (volontaire), de la propagande aussi (…) » (Thierry WOLTON, idem, page 58) Exemple : comme on ne connaît pas vraiment le nombre de chinois, il peut être avantageux d’en diminuer la masse pour améliorer les indices de productivité par tête d’habitant. Autre exemple : dans les années 90, les satellites américains ont permis d’établir que les superficies agricoles cultivées étaient supérieures de 30 % aux chiffres officiels chinois.
Quelques incohérences dans les chiffres des années 90 :
Quand les taux annuels de croissance étaient de 8 % environ, d’autres chiffres indiquaient une baisse de la consommation d’énergie et une baisse de la production des principaux produits industriels ;
Les ventes au détail des biens de consommation s’accroissaient plus vite que les revenus des ménages, quand la loi économique veut qu’il y ait un rapport entre niveau des achats et taux des salaires.
Maintenant, les choses statistiques ont-elles changées ? Non.
En 2001, la croissance des PIB de l’ensemble des provinces dépassait de 11 % celle du PIB national. En 2003, l’écart s’est réduit.
En réalité, les statistiques chinoises sont gonflées, pour des raisons économiques et politiques. Selon Henri EYRAUD, cité par WOLTON, il faut au moins 8 % de croissance « officielle » pour qu’il n’y ait pas récession ; pour Cheng XIAONONG, 7 % de croissance équivalent à 3 % de croissance américaine, parce que l’héritage de l’économie planifiée est un frein pour le développement. Mais avec un tel taux, la majorité des entreprises chinoises ne fait pas de profit à cause de leur fonctionnement et de l’état de leur capital fixe. En 2001, « la Cour des Comptes chinoise » a accusé les 2/3 des 1300 plus grosses entreprises d’Etat de truquer leurs bilans : les P-DG y décident eux-mêmes des chiffres à publier !
« Les travaux des historiens ont montré que le PIB chinois a toujours été le 1er du monde, de l’Antiquité à la Renaissance, évoluant entre 15 et 30 % du total planétaire, ce qui était en rapport avec l’importance de sa population. Le déclin a commencé quand le pays s’est fermé au monde sous la dynastie mandchoue des Qing (1644 – 1911). Le communisme a achevé le processus, ajoutant à la ruine de l’économie la paupérisation du peuple. » (T. WOLTON, ibidem, page 66-67).
Les dirigeants chinois n’ignorent pas l’état calamiteux de leur économie. C’est pourquoi ils ont permis, de 1980 environ à 2004, à 514.385 sociétés à capitaux étrangers d’investir en Chine 570 Milliards USD, et pas moins de 63 Milliards USD en 2006 ! Ces investissements directs étrangers (IDE) leur évitent de s’endetter (1/3 des IDE sont d’origine chinoise). Au début des années 2000, les filiales étrangères contribuaient pour 30 % à la production industrielle chinoise : elles représentaient plus de 60 % de la production dans les secteurs de la chimie, du textile, des machines et des équipements.
Quels sont les dindons de la farce chinoise ?
« En premier lieu, il y a eu les victimes des joint-ventures, ces co-entreprises qui ont permis aux industries locales (d’Etat pour la plupart) de profiter de l’argent étranger pour se renflouer. » (T. WOLTON, ibid., page 69) Exemple : les brasseurs Budweiser, Carlsberg, Guiness, Forter’s qui ont perdu 1 Milliard USD dans l’Eldorado chinois !
Quand les joint-ventures tiennent le coup, les étrangers comme VW et GM se sont retrouvés avec un partenaire chinois, comme le constructeur automobile Shanghai Saic, qui voulait rompre le contrat pour devenir maître de la production. N’est-ce pas ce qu’est en train de vivre en ce moment DANONE avec son partenaire chinois ?
Aujourd’hui, les joint-ventures ne sont plus de mode : le filon est épuisé. Ce sont les accords de partenariats ou de fusions acquisitions qui ont le vent en poupe. Le but des Chinois est de s’accaparer du savoir-faire puis de casser le deal. Des exemples ?
Le Maglev allemand (train à lévitation magnétique).
AIRBUS + BOEING sont les perdants – perdants du ciel chinois, puisque Pékin va construire son propre avion, alors que AIRBUS a accepté d’installer en Chine une chaîne de montage pour l’A320 et que BOEING sous-traite certains de ses composants : un A320 vendu à la Chine ayant disparu (aucune immatriculation chinoise), le consortium européen est convaincu que l’appareil a été démonté et étudié pièce par pièce pour être copié (source : Air et Cosmos, mars 2007, cité par T. WOLTON). Sans commentaire.
Il faut signaler la clairvoyance de Monsieur Claude BéBéAR qui, lors d’un colloque au Japon en novembre 2006, a alerté ses amis sur les dangers d’un aveuglement sur la Chine.
Selon Price Waterhouse Coopers, 26 % seulement des sociétés étrangères ont réalisé des bénéfices en 2004 ; en 2005, un rapport de AT Kearney précisait que sur 229 investisseurs étrangers, 38 % seulement avaient équilibré leurs comptes. Certains taisent leurs bilans, comme les Français, même si la plupart d’entre eux investissent sans risque grâce à la COFACE qui éponge leurs pertes : une assurance – garantie de l’Etat pour les marchés difficiles. On reconnaît bien dans cette pratique la marque du capitalisme français : un goût du risque modéré, très modéré, couplé au génie français de la débrouillardise, en l’occurrence faire payer par les contribuables anonymes les ratés de la marche triomphante de la mondialisation.
Une étude de BNP Pérégrine révèle que les marges brutes ont baissé dans 23 des 37 secteurs économiques de la Chine. Pourquoi ? Des marchés saturés où la guerre des prix fait rage.
Selon la revue China Economic Quaterly, « la Chine reste attractive pour les entreprises qui l’utilisent comme base d’approvisionnement à bas prix et non plus les firmes qui y investissent (…) » (T. WOLTON, ibid., page 77).
Après l’industrie, c’est le secteur bancaire qui est placé sous perfusion capitaliste étrangère. Pour les Chinois, cette nouvelle phase s’appuie sur le même principe : faire payer aux investisseurs étrangers l’incurie du système pour qu’il perdure. Le montant des créances douteuses du secteur bancaire est un secret d’Etat : en mai 2006, Ernst & Young avança le chiffre extraordinaire de 911 Milliards USD, soit presque le double du montant des investissements reçus en 25 ans ! Le gouvernement, qui en reconnaît 164 Milliards USD, protesta, le cabinet d’audit s’excusa … pour ne pas perdre un marché.
La communauté des experts occidentaux semble miser sur 320 à 400 Milliards USD. A ce niveau de flou statistique, le terme « miser » nous paraît le plus approprié, parce que, pour les étrangers, l’Eldorado chinois ressemble beaucoup à un casino.
Alexandre Anizy
P.s :
A suivre … le bluff commercial chinois (III)