Eloi LAURENT est un économiste.
Au début de l’année 2007, l’économie mondiale venait d’achever un quinquennat exceptionnel, le meilleur depuis 1945. Le commerce international était florissant et l’inflation était contenue.
« La combinaison de ces 3 dynamiques, accélérées par des marchés financiers créatifs et libres comme jamais, résulte en grande partie de la montée en puissance des pays émergents, ou plutôt renaissants, puisqu’ils comptaient pour les ¾ de la richesse du globe avant 1820 et leur décrochage par l’Occident. » (Eloi LAURENT, Libération 30 août 2007)
Grâce à ces pays émergents, nous serions passés à une mondialisation totale, universelle et paisible : l’âge d’or, en quelque sorte ?
Depuis 1945, les guerres sont principalement intra étatiques, rarement interétatiques. « Il en va de l’économie comme de la politique : le problème mondial n’est pas l’absence de gains mutuels pour les pays qui s’ouvrent à la réciprocité des échanges, mais leur inégale répartition au sein des nations, à chacun selon son talent. » (Eloi LAURENT, idem)
Mondialisation et progrès techniques se lient pour remettre en cause les contrats sociaux nationaux.
La 1ère mondialisation, qui va de 1871 à 1914, était transatlantique. Celle qui a commencé en 1971 est transpacifique, avec ses 2 piliers du système monétaire et commercial : les Etats-Unis et la Chine.
Ces 2 pays sont à un même niveau très élevé d’inégalité des revenus (indice de Gini).
Concernant la Chine, nous vous renvoyons à nos notes économiques intitulées « le grand bluff … ».
« La crispation chinoise à l’égard de l’étranger, filtrée par l’autoritarisme du régime est en tout cas palpable. » (Eloi LAURENT, ibidem)
« Les Etats-Unis sont dans une phase (…) de remontée des inégalités vers le niveau « victorien » du début du siècle dernier et la tentation protectionniste a rarement été aussi forte. » (Eloi LAURENT, ibid.)
Ces inégalités criantes expliquent en partie la montée de la « globalophobie ».
Dans notre note économique du 1 octobre 2007, nous évoquions le retour du protectionnisme. Le raidissement des relations transpacifiques est incontestable.
Eloi LAURENT signale aussi le débat académique sur cette question entre Paul SAMUELSON (MIT) et Alan BLINDER (Princeton).
Les institutions internationales comme l’ OCDE et le FMI ont bien senti le vent nouveau soufflé dans les esprits des oligarchies, l’une mettant en garde contre les inégalités salariales dans les pays développés, l’autre contre les politiques déloyales de change de pays émergents.
Les historiens ont tiré les leçons de la 1ère mondialisation : protectionnisme commercial et financier d’une part, développement de l’ Etat providence.
« (…) les Etats-nations sont désormais au pied du mur. Il leur faut s’adapter à un monde qui pourrait être prochainement plus fermé. »
C’est en effet une perspective probable.
« Il leur faut inventer les institutions qui permettraient de réduire le degré d’inégalités générées par le développement économique. » (Eloi LAURENT, idem)
Si Eloi LAURENT pense à des institutions internationales pour régler des problèmes volontairement cantonnés au niveau local, il commet une sérieuse erreur d’appréciation des rapports économiques et sociaux.
Alexandre Anizy