Personne ne lira Gwenaëlle Aubry

Publié le par Alexandre Anizy

 

Personne ne lira Gwenaëlle Aubry, et c'est tant mieux, puisque « Personne » (Mercure de France, juin 2009, 159 pages, 15 €) ne vaut pas le détour.


Après avoir refermé ce livre, nous nous interrogions toujours sur son utilité : si Gwenaëlle Aubry n'était pas une spécialiste d'Aristote et de Plotin, de la philosophie antique en général, nous aurions rejeté cet ouvrage raté avant même la cinquantième page ; seulement voilà, nous respectons beaucoup le milieu universitaire (trop, apparemment), parce qu'il est sans doute l'objet de toutes les attaques cyniques de l'oligarchie, et c'est pourquoi l'auteur a bénéficié d'une ligne d'indulgence excessive de notre part, comme de celle du jury Femina qui vient de lui décerner son Prix.


Que voulez-vous, le nombril de Gwenaëlle nous indiffère !


Intrigués par des critiques littéraires impressionnés par le bagage culturel de l'auteur, qui nous annonçaient un savant entrelacement des textes d'un père fou et d'une fille intellectuelle, nous avons ouvert ce roman avec empathie. Las ! Quelle ne fut pas notre déception ! Ce qui est donné pour des textes du père ne servent qu'à justifier la prose de la fille dont le babillement est avéré. On cherche en vain un sens dans ce fatras d'anecdotes, d'émotions, de réflexions …


Ne pensez pas trouver dans le style un moyen de sauver l'ouvrage du naufrage ! Il est aussi insipide que l'argument romanesque était prétentieux.

« En sa qualité de juriste, mon père était spécialiste de la décentralisation – ce qui, à supposer que l'Etat, ce soit (le) moi, manifestait une certaine cohérence. Il avait, très jeune, soutenu une thèse brillante sur le sujet, fondé un enseignement universitaire, publié livres et articles. » (p.145)

L'abus de virgules trahit le Docteur tout en plombant la musicalité.

« Il est parti pieds nus, m'a dit mon grand-père ce jour-là au téléphone. C'était le jour de mes trente ans, je m'étonnais qu'il ne m'ait pas appelée. Le soir, je donnais une fête à la campagne, dans la grande maison au bord de la rivière. J'étais là, dans la cuisine, à préparer des quiches et des gâteaux, le bébé dormait dans son couffin d'osier posé sur la table, à l'amie qui fêtait son anniversaire avec moi, j'ai dit cela aussi, mon père a disparu il est parti pieds nus, et quelques jours plus tard, encore, de retour à Paris, pour expliquer mon retard à une lecture, mon père a disparu, ces mots que je prononçais dans le silence, c'est peut-être (...) » Bien que la phrase ne soit pas finie, on arrête là, n'est-ce pas ? (p.129)


Cet ouvrage est un non livre qui ne demande qu'une réponse : des non lecteurs.


Alexandre Anizy

Publié dans Notes culturelles

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