Société Générale : l'écoeurement du professeur DESSERTINE
Tous les professeurs à l’Université ne montent pas en ligne pour défendre en filigrane des membres de l’establishment bancaire français. Certains, comme Philippe DESSERTINE, campent sur des positions hostiles en se fondant sur des faits et des principes moraux.
« Ecoeurement. Tel est le qualificatif (et faible encore) qui vient à l’esprit à propos de cette affaire [Société Générale] (…). » (Figaro 28 janvier 2008)
Philippe DESSERTINE (Directeur de l’Institut de Haute Finance ; professeur à l’université Paris X) pose un postulat :
admettons que toutes les pertes annoncées n’ont rien à voir avec la crise des subprime ;
admettons que la Société Générale ne soit pas surexposée dans cette crise, contrairement à la rumeur qui circule depuis des semaines sur les marchés, ce qui expliquerait la chute du cours en Bourse d’environ 50 % dont environ 13 % le lundi noir ;
admettons que l’augmentation de capital rendue nécessaire ait été préparée depuis plusieurs mois et que le hasard ne fait que sauver la face opportunément ;
admettons que le gouverneur de la Banque de France et que Bercy soient convaincus de tout cela … sinon :
« Parce que si l’on n’admettait pas toutes ces hypothèses, nous ne parlerions plus d’un scandale mais d’une affaire d’Etat. » (Figaro 28 janvier 2008)
Donc on aurait un jeune homme de 31 ans qui serait un génie de l’informatique (sans aucune formation ad hoc), et qui aurait réalisé des opérations frauduleuses pour un montant de 50 Milliards d’euros qui se seraient soldées par une perte de 4,9 Milliards € en ne travaillant que sur des produits classiques (les futures) :
« Qui peut croire une chose pareille ! » « Mais alors dans ce cas, la Société Générale est vraiment déconsidérée à un degré inconcevable, et toute son équipe dirigeante doit démissionner dans l’heure ! » (Figaro 28 janvier 2008, idem)
Il faut rappeler ici que tout le système bancaire français, en faisant pression sur Jacques CHIRAC, a obtenu une dérogation pour une règle acceptée par toute l’Europe :
« Cette norme, appelée IAS 39, avait justement pour objet d’éviter une catastrophe du type de celle qui se produit aujourd’hui. Elle obligeait les banques à informer au quotidien et en fonction des évolutions du marché de la réalité de leurs positions. » (Figaro 28 janvier 2008, ibidem)
Motif invoqué pour demander cette dérogation : le coût trop élevé de sa mise en œuvre !
Aujourd’hui, nous dit Philippe DESSERTINE, on a une ardoise de 7 Milliards € et le démantèlement probable de la Société Générale reconnue comme un grand spécialiste mondial de produits financiers complexes …
Pour conclure, Philippe DESSERTINE se lâche :
« Alors il faut le proclamer dans ce climat délétère : honte à ceux qui érigent le secret en modèle de gestion ! Honte à ceux qui camouflent leurs pertes tant et plus, honte à la désinformation qui domine dans les médias de l’Hexagone quant à la réalité de la crise actuelle ! Qui sont les experts convoqués (…) ? Des chefs économistes de banques, qui, par la nature de leurs fonctions, se doivent d’être optimistes. (…) ce sont leurs déclarations lénifiantes depuis le mois d’août 2007 qui empêchent le pays de se préparer à la réalité qui l’attend. » (Figaro 28 janvier 2008, ibid.)
L’écoeurement nous gagne aussi.
Alexandre Anizy