Paradigme vermoulu de la finance mathématique selon Christian WALTER

Publié le par Alexandre Anizy

Dans un article récent (Libération 26 mai 08), le professeur d’université Christian WALTER pose cette question : « Combien de temps devra-t-on encore attendre pour que les établissements financiers ou bancaires installent dans leurs processus de gestion de contrôle des risques (de marché ou de crédit), des modélisations probabilistes adaptées à la nature exacte de l’incertitude affectant les variations boursières ? »

Très vite, il suggère la réponse en nous donnant des informations sur le fonctionnement de ce milieu professionnel restreint.

Si les modèles probabilistes en finance mathématique, qui ont le défaut de ne pas être conformes à la vulgate des prix Nobel des années 80, existent (en la matière, « l’école française » jouit d’une réputation excellente grâce à ses publications), la résistance des universitaires américains bloque l’utilisation de ces modèles dans le milieu : « L’orthodoxie financière tient sous sa domination forte et sans failles les publications scientifiques. ».

Christian WALTER illustre son propos d’un exemple concret : « Sait-on par exemple qu’aujourd’hui, alors que de plus en plus d’institutions financières de gestion de l’épargne longue sont conduites à observer qu’une diversification maximale (conforme à celle prônée par la théorie du portefeuille de MARKOWITZ, consolidée par le modèle d’équilibre de marché de SHARPE – les prix Nobel 1990) ne représente pas la meilleure composition d’un portefeuille pour la protection de l’épargne à long terme et que, dans certaines situations, c’est au contraire une certaine « concentration » de titres qui serait appropriée, cette question est quasiment taboue et interdite de débat dans les congrès les plus prestigieux de la finance internationale. »

 
Dans ces conditions, quand donc les financiers changeront-ils de paradigme ? Christian WALTER donne une réponse par le biais d’une citation de Pierre DUHEM (chimiste, philosophe) : les modèles scientifiques changent « quand les colonnes vermoulues ne peuvent plus supporter un édifice qui branle de toutes parts ».
En guise de conclusion peu optimiste, Christian WALTER s’interroge : combien de pertes avant qu’on « reconstruise un édifice qui pense adéquatement l’incertitude ? »

 
Pour notre part, nous pensons qu’en matière économique nous vivons dans un univers d’incertitude radicale.
Cette notion keynésienne est soulignée par Edwin LE HéRON dans sa thèse de 3ème cycle (« Neutralité et contraintes monétaires. Une théorie monétaire de l’investissement », 1984 ; directeur de recherche Alain BARRèRE) : « Jamais le sujet keynésien ne possède une information parfaite. L’incertitude est une incertitude radicale, c'est-à-dire non probabilisable. » (p. 228)

Alexandre Anizy