Géorgie (V) : ANTIRUSSISME et une leçon de diplomatie de Mark ALMOND

Publié le par Alexandre Anizy

Pour faire un léger contrepoids à « l’antirussisme » dominant, le quotidien Le Monde a publié un article de l’historien Mark ALMOND (Maître de conférences à l’Oriel College de l’université d’Oxford) qui mérite le détour.

 
Tout d’abord, il prévient qu’ « aborder la situation à travers la grille d’analyse de la guerre froide ne tient pas. (…) réflexe (…) naturel, mais après deux décennies de retrait des Russes hors de leurs anciens bastions, il est trompeur. »
Pendant les années 90 et suivantes, « plus la Russie se rognait les griffes [retrait des pays satellites, ndaa], plus Washington et ses alliés dénonçaient les ambitions impériales du Kremlin ». Ce que Marek HALTER a aussi souligné : lire notre note du 17 août 2008.

Ce que les vieux nouveaux philosophes GLUCKSMANN et LéVY ne disent pas ou peu, Mark ALMOND l’écrit : « (…) les troupes russes sont aujourd’hui populaires dans les Etats sécessionnistes comme l’Ossétie du Sud ou l’Abkhazie. Les russes y sont considérés comme une protection contre une éventuelle reprise du nettoyage ethnique pratiqué par les Géorgiens. » [C’est nous qui soulignons]

En 1992, l’Occident a soutenu CHEVARDNADZE dans sa reconquête des régions citées : la guerre fut un désastre, avec un nettoyage provoquant la fuite de 300.000 réfugiés (sur une population géorgienne de 4,6 millions), « mais pour les Ossètes et les Abkhazes, c’est le pillage brutal auquel se livrèrent les troupes géorgiennes qui est resté gravé dans les mémoires. »

« Frankenstein SAAKACHVILI », comme le surnomme Alexandre ADLER, est un « démocrate » qui a porté les dépenses militaires à 70 % du budget du pays ! En novembre 2007, les soupçons de corruption et de favoritisme pèsent sur le clan de la mère de SAAKACHVILI, ainsi que ceux d’une fraude électorale : manifestations de masse réprimées par des forces de sécurité entraînées, équipées et financées par l’Occident. En septembre 2007, le président SAAKACHVILI et son ministre de la Défense Irakli OKRUACHVILI « s’accusaient d’entretenir des liens avec la pègre et de se livrer à la contrebande ».
Pas d’autre commentaire sur la « jeune démocratie géorgienne ».
 
« Les petits nationalismes sont rarement angéliques. »

Mark ALMOND enfonce le clou lorsqu’il affirme que « le soutien occidental à des programmes d’équipement et d’entraînement dans l’arrière-cour de la Russie ne contribue en rien à la paix (…). »

Enfin, il met en évidence une contradiction qui placera l’Occident dans une situation diplomatique fâcheuse, si elle persiste dans sa stratégie erronée d’affaiblissement de la Russie :

« Dans les Balkans, l’Occident a encouragé la désintégration de la Yougoslavie multiethnique, (…). Si un micro-Etat dominé par la mafia tel que le Monténégro est capable d’obtenir la reconnaissance de l’Occident, pourquoi des Etats défectueux, prorusses et non reconnus ne pourraient-ils pas eux aussi aspirer à l’indépendance ? »

Formulons-le autrement avec Mark ALMOND :

« Avec son extraordinaire complexité ethnique, la Géorgie est une post-URSS en miniature. » Après l’avoir accepté hier (quand ce n’est pas encouragé), pourquoi l’Occident refuserait-il aujourd’hui à des non-géorgiens (les Ossètes du Sud par exemple) de quitter le micro-empire géorgien ?

« Les nationalismes des autres ressemblent aux histoires d’amour des autres (…). Ce sont des choses dans lesquelles les gens avisés s’abstiennent d’intervenir. »

 
Alexandre Anizy