Standard & Poor's est une agence de notation incohérente
Depuis le début de la crise financière, les économistes n’ont cessé de stigmatiser les agences de notation en dénonçant leurs manques. Nous ajoutons aujourd’hui notre modeste contribution.
Carol SIROU et Moritz KRAEMER sont chargés de la notation des Etats souverains au sein de Standard & Poor’s, qui a dégradé les notes de l’Espagne, du Portugal, de la Grèce, tout en maintenant la note AAA de l’Angleterre. Dans un entretien accordé au Figaro (du 2 février 2009), ils ont expliqué leurs décisions.
Concernant la zone euro, Moritz KRAEMER affirme :
« Il n’y a de notre point de vue aucune probabilité [c’est nous qui surlignons, ndAA] d’éclatement de la zone euro. »
Car exploser l’euro actuel serait forcément un retour « aux errements des années 1970 – 1980 : endettement, inflation, etc. » C’est d’ailleurs pourquoi « les choses auraient été bien pires pour l’Espagne, le Portugal ou la Grèce s’ils n’avaient pas été dans la zone : leur devise aurait été violemment attaquée et leur endettement encore plus cher ».
Les notes de ces 3 pays ont été dégradées, mais ils doivent tout de même remercier le carcan actuel de l’euro qui leur épargne une crise de change etc.
Concernant l’Angleterre, Standard & Poor’s a maintenu sa note AAA, malgré les données économiques noires : les mesures du gouvernement de Gordon BROWN « pourraient faire plonger le déficit jusqu’à 10 % du PIB en 2010 et doubler le ratio d’endettement d’ici à 4 ans. »
Pourquoi ce maintien « AAA » puisque la situation de l’Angleterre n’est pas plus brillante que celles des 3 pays de la zone euro cités ci-dessus ?
« (…) nous maintenons le AAA, notamment parce que la Grande-Bretagne a un taux de change flexible : depuis l’été 2007, la livre a perdu 30 % de sa valeur. Ceci donne au pays un avantage compétitif par rapport à ceux de la zone euro (…) ». (Toujours Moritz KRAEMER)
Vous avez bien lu Moritz KRAEMER, cet agent examinateur de Standard & Poor’s : être hors de la zone euro en ayant un taux de change flexible, c’est un avantage compétitif par rapport à ceux qui sont dans la zone euro. Ce qu’il prouve, en quelque sorte, en maintenant le « AAA » pour l’Angleterre.
Alors quel est l’avantage pour l’Espagne, le Portugal et la Grèce d’être dans la zone euro, puisque leurs notes ont été abaissées ?
La dégradation aurait été plus sévère, s’ils avaient été hors de la zone euro. Ce qui ne pourra jamais être prouvé.
Force est de constater que la zone euro pénalise certains de ses membres, et que le taux de change flexible est un avantage compétitif pour ceux-là même qui prétendent apprécier l’euro actuel !
L’incohérence est à son comble quand Moritz KRAEMER conclue sentencieusement, après avoir dégradé la note de ces 3 pays de la zone euro et avoir maintenu celle de la libre Grande-Bretagne :
« Nous ne sanctionnons pas les pays de la zone euro, cette zone offre plus d’avantages que de désavantages ! ».
Alexandre ANIZY